Médias et fabrique des problèmes publics (Nonjon) Flashcards

1
Q

Mise à l’agenda / Agenda setting-fonction des médias (McCombs, Shaw)

A

Mise à l’Agenda / Agenda Setting
Maxwell McCombs & Donald Shaw, The Agenda-Setting Function of Mass Media (1972)

Définition
La mise à l’agenda est une théorie qui décrit comment les médias influencent les priorités du public et des pouvoirs publics. Plutôt que de dicter quoi penser, les médias décident des sujets auxquels il faut accorder de l’importance en les mettant en avant dans leur couverture.

Trois types d’effets imputables à l’exposition médiatique des problèmes sociaux
Effet d’agenda (Agenda Setting)

Les médias agissent comme des gatekeepers (portiers) en hiérarchisant les enjeux et en définissant ce qui constitue un événement important.
Les sujets fréquemment couverts deviennent perçus comme prioritaires par le public.
Exemple : Si les médias traitent abondamment d’un problème environnemental, l’opinion publique et les décideurs politiques seront plus enclins à le considérer comme une urgence.
Effet de cadrage (Framing)

Le cadrage correspond à la manière dont les médias présentent un problème, ce qui influence sa perception par le public.
Les journalistes choisissent des angles spécifiques, des mots-clés ou des images qui orientent l’interprétation de l’événement.
Exemple : L’obésité peut être cadrée comme un problème de santé publique, un enjeu de responsabilité individuelle, ou une question de cohésion sociale, modifiant ainsi les solutions envisagées.
Effet d’amorçage (Priming)

L’amorçage concerne les références associées à un sujet et l’influence qu’elles exercent sur les jugements ultérieurs.
Si les médias insistent sur certains enjeux dès le début d’une campagne, ces enjeux deviennent les prismes dominants pour interpréter d’autres événements.
Exemple : Une campagne politique débutant sur le thème de l’insécurité risque d’être interprétée en grande partie sous cet angle, même pour des questions annexes comme l’éducation ou l’économie.
Citation Fondamentale
“Les médias échouent souvent à dire aux gens comment penser, mais ils réussissent souvent à leur dire à quoi penser.”
— McCombs & Shaw

Exemples d’applications concrètes
Hiérarchisation des priorités politiques

Les médias influencent l’ordre du jour des décideurs en amplifiant certaines problématiques.
Exemple : Une forte couverture médiatique des catastrophes climatiques peut conduire à l’adoption de lois environnementales.
Débat public et perception des enjeux

Les médias définissent les termes du débat public.
Exemple : Les mouvements sociaux comme Black Lives Matter ont bénéficié d’une mise à l’agenda médiatique, sensibilisant largement l’opinion à la question des violences policières.
Campagnes politiques et discours électoraux

L’amorçage médiatique oriente les thématiques principales des campagnes électorales.
Exemple : Une campagne débutant sur l’immigration focalise l’attention sur ce thème, reléguant d’autres enjeux au second plan.
Pour mémoriser facilement
Effet d’agenda : Quoi penser – Les médias sélectionnent les sujets prioritaires.
Effet de cadrage : Comment penser – Les médias influencent la perception du problème.
Effet d’amorçage : À travers quel prisme penser – Les médias orientent les jugements futurs.

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2
Q

Effets cadrage + amorçage

A

Expérience de Lyengar et Kinder (1987)
Objectif : Étudier les effets de l’exposition médiatique sur l’opinion publique.
Méthodologie : Deux journaux télévisés sont produits, un réel et l’autre manipulant les thèmes, cadrages et amorçages.
Résultats :
Les thèmes valorisés par les médias deviennent prioritaires dans l’agenda de l’opinion publique.
Le cadrage médiatique peut orienter l’évaluation des politiques publiques (ex : thème de l’insécurité).

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3
Q

Gatekeepers de l’espace public (White)

A

Gatekeepers de l’Espace Public
David M. White, “The Gatekeeper: A Case Study In the Selection of News” (1950)

Définition
La théorie des gatekeepers décrit le rôle des journalistes et éditeurs dans la sélection, la hiérarchisation et la diffusion des informations. Ces acteurs agissent comme des “gardiens” de l’information, décidant ce qui accède à l’espace public et sous quelle forme. Leur travail influence non seulement ce que le public sait, mais aussi comment il le perçoit.

Origine et Contexte Historique
1. Étude pionnière de David M. White
- White a étudié le processus de sélection des nouvelles par un rédacteur en chef qu’il nomma “Mr. Gates”.
- À partir d’un échantillon de dépêches reçues, il a montré que seules certaines étaient retenues pour publication, sur la base de critères personnels et professionnels.
- Conclusion : Le choix des nouvelles n’est pas neutre, mais filtré par des considérations subjectives (valeurs, biais, contraintes organisationnelles).

  1. Contexte historique
    • Cette théorie émerge dans les années 1950, alors que les médias traditionnels (presse écrite, radio) dominent l’espace public.
    • La montée de la presse de masse et le rôle croissant des médias dans l’opinion publique mettent en lumière la responsabilité des journalistes dans la formation du discours public.

Principes Clés

  1. Rôle du Gatekeeper
    • Sélection de l’information : Tous les faits ou événements ne deviennent pas des nouvelles. Seuls ceux jugés “pertinents” ou “importants” accèdent à l’espace public.
    • Filtrage des messages : Les gatekeepers déterminent quels aspects d’une histoire seront mis en avant et lesquels seront ignorés.
  2. Critères de Sélection
    • Pertinence journalistique : Actualité, intérêt public, proximité culturelle ou géographique.
    • Conformité aux normes éditoriales : Lignes directrices spécifiques à chaque média.
    • Contraintes organisationnelles : Limites d’espace, temps de production, rentabilité économique.
    • Préférences personnelles : Opinions, valeurs ou biais du journaliste ou de l’éditeur.
  3. Influence sur l’Espace Public
    • Les gatekeepers façonnent l’agenda médiatique et influencent ce que les individus perçoivent comme des priorités sociales ou politiques.
    • Par leur pouvoir de sélection, ils peuvent amplifier certaines voix ou invisibiliser d’autres.

Exemples Concrets
1. Traitement des sujets politiques
- Les médias peuvent privilégier certains thèmes (sécurité, économie) tout en minimisant d’autres (écologie, droits sociaux).
- Exemple : Lors d’une campagne électorale, les sujets choisis par les gatekeepers orientent les débats publics.

  1. Crises internationales
    • Les catastrophes ou conflits dans des régions perçues comme stratégiques reçoivent souvent plus de couverture médiatique que ceux dans des zones moins influentes.
    • Exemple : La guerre en Ukraine a bénéficié d’une couverture bien plus large que d’autres conflits en cours en Afrique.
  2. Censure implicite ou explicite
    • Certaines informations peuvent être occultées pour protéger des intérêts économiques ou politiques.
    • Exemple : Un scandale impliquant un annonceur clé peut être ignoré par les médias dépendant de ses revenus publicitaires.

Critiques et Limites
1. Biais des gatekeepers
- Les choix sont influencés par les préférences personnelles et les valeurs idéologiques des gatekeepers, ce qui peut entraîner une couverture partiale ou déséquilibrée.

  1. Concentration des médias
    • La centralisation des médias dans les mains de grands groupes réduit la diversité des gatekeepers et renforce les logiques homogénéisantes.
  2. Transformation par les réseaux sociaux
    • L’essor des plateformes numériques a redéfini le rôle des gatekeepers traditionnels. Désormais, les algorithmes et les utilisateurs eux-mêmes jouent aussi un rôle dans la sélection de l’information.

Évolution du Concept à l’Ère Numérique
1. Les nouveaux gatekeepers
- Les plateformes numériques (Google, Facebook, Twitter) agissent comme des gatekeepers modernes, utilisant des algorithmes pour déterminer quelles informations atteignent les utilisateurs.
- Conséquences : Apparition des bulles de filtre et des chambres d’écho.

  1. Décentralisation partielle
    • Les citoyens peuvent contourner les gatekeepers traditionnels via l’autopublication et les réseaux sociaux, mais cela entraîne aussi des risques de mésinformation et de désinformation.

Synthèse Simplifiée pour l’Apprentissage

  1. Définition :
    • Les gatekeepers (journalistes, éditeurs) filtrent et sélectionnent les informations qui accèdent à l’espace public.
  2. Critères de sélection :
    • Pertinence journalistique, normes éditoriales, contraintes organisationnelles, biais personnels.
  3. Impact :
    • Façonnent l’agenda médiatique, influencent les perceptions publiques, amplifient certaines voix et en réduisent d’autres.
  4. Évolution :
    • Avec l’essor des plateformes numériques, les algorithmes deviennent les nouveaux gatekeepers, bouleversant les logiques traditionnelles de sélection.
  5. Exemple clé :
    • Les crises médiatisées (Ukraine) versus celles négligées (conflits en Afrique).

Citation Clé :
> “Les gatekeepers ne déterminent pas seulement ce que nous lisons ou entendons, mais aussi comment nous voyons le monde.” — Synthèse inspirée de David M. White

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4
Q

Newsworthiness (Gans)

A

Fiche Développée sur la Notion de Newsworthiness (Gans)

  1. Contexte et Concept de Newsworthiness
    • Gans et les critères de sélection des informations : En 1979, Herbert Gans publie son ouvrage “Deciding What’s News”, dans lequel il analyse comment les journalistes sélectionnent les informations qui sont diffusées au public. Gans introduit la notion de “newsworthiness” pour désigner les critères qui déterminent ce qui est considéré comme digne d’être rapporté par les médias. Selon lui, cette sélection n’est pas uniquement fondée sur l’importance ou la vérité des faits, mais aussi sur des facteurs culturels, sociaux et économiques qui influencent la perception de l’actualité.
    • Critères de sélection : Gans identifie plusieurs critères qui définissent ce qui devient de l’actualité, tels que la proximité, la timing, l’importance perçue, l’identifiabilité des acteurs impliqués et la proximité sociale avec l’audience cible. Ces critères influencent la manière dont les médias choisissent d’orienter l’information, ce qui la rend pertinente ou non pour leur public.
  2. Critères de Newsworthiness
    • Proximité géographique et culturelle : La proximité géographique est un critère clé pour déterminer l’importance d’une information. Un événement qui se déroule dans un pays voisin ou dans une région proche sera souvent plus susceptible d’être couvert qu’un événement se produisant à l’autre bout du monde. De même, la proximité culturelle joue un rôle, ce qui signifie que les événements qui concernent des groupes sociaux similaires ou un public cible identifiable sont plus susceptibles d’être rapportés.
    • Importance perçue : L’importance d’un événement n’est pas toujours liée à sa magnitude objective, mais plutôt à la manière dont il est perçu par les journalistes et les producteurs de médias. Un événement important sur le plan social ou économique sera plus rapporté qu’un événement jugé moins significatif, même si ce dernier peut être plus impactant dans un contexte plus large.
    • Identifiabilité et personnalisation des acteurs : Les informations sont souvent jugées plus importantes si elles sont liées à des individus ou des groupes qui sont facilement reconnaissables ou identifiables par le public. Par exemple, les affaires impliquant des célébrités, des leaders politiques ou des figures publiques auront plus de chances de capter l’attention médiatique.
    • Conformité aux attentes et valeurs sociales : Les médias ont tendance à rapporter des événements qui correspondent aux valeurs culturelles et sociales dominantes. Les informations qui vont à l’encontre des normes et des attentes sociales sont moins susceptibles d’être rapportées, ou bien elles sont modifiées pour s’aligner avec les idéaux et les attentes du public.
  3. Critères sociaux et culturels influençant la sélection de l’actualité
    • Le biais de la hiérarchie des valeurs : Les critères de newsworthiness sont largement influencés par des valeurs sociétales et culturelles. Les événements qui soutiennent ou reflètent des idéaux largement partagés (comme la démocratie, la liberté, le progrès social) auront une probabilité plus élevée d’être couverts. En revanche, des événements qui pourraient remettre en question ces valeurs, ou qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de ce qui est jugé pertinent, auront moins de chances de figurer dans les actualités.
    • Censure implicite et omissions : Gans souligne que ce système de sélection des nouvelles mène à des omissions implicites de certaines informations. Par exemple, les problèmes sociaux qui ne correspondent pas aux attentes du public ou qui ne rentrent pas dans les valeurs dominantes de la société peuvent être passés sous silence. De plus, les médias peuvent amplifier certains événements tout en réduisant l’attention accordée à d’autres.
  • Les médias comme agents de sélection : Gans montre que les journalistes et les producteurs de médias ne sont pas de simples récepteurs de l’information, mais des agents actifs qui sélectionnent et orientent les nouvelles en fonction de ces critères. Les médias, en fonction de leurs objectifs économiques, idéologiques ou commerciaux, influencent les priorités de l’actualité.
  • Les influenceurs des agendas médiatiques : La sélection de l’information est également façonnée par des groupes d’intérêt, des publicitaires, des politiques et des entreprises qui cherchent à influencer les narratifs médiatiques. Ces groupes exercent une pression sur les producteurs de contenu pour que certains événements soient couverts ou, au contraire, ignorés.
  1. L’impact de la Newsworthiness sur la Perception du Public
    • Formation de l’opinion publique : Gans souligne que la manière dont les informations sont sélectionnées affecte non seulement ce qui est considéré comme “important”, mais aussi la manière dont le public perçoit les événements. En mettant en avant certains types d’événements, les médias jouent un rôle crucial dans la formation de l’opinion publique et dans l’orientation des priorités sociales et politiques.
    • Effet de cadrage : En plus de la sélection des informations, la manière dont elles sont encadrées (ou “frame”) influence la réception du public. Un événement présenté sous un angle spécifique peut conduire les spectateurs à adopter une certaine position ou à réagir de manière particulière, ce qui renforce encore l’influence des médias.
  2. Critiques et Limites de la Notion de Newsworthiness
    • Biais dans la sélection des informations : L’une des critiques majeures de Gans repose sur le fait que les critères de newsworthiness peuvent introduire des biais, limitant la diversité des perspectives et des événements couverts. Par exemple, les médias peuvent accorder une attention disproportionnée aux événements qui intéressent les classes supérieures ou les élites politiques, en délaissant les événements importants mais moins médiatisés, comme les crises sociales ou environnementales.
    • Commodification de l’information : Un autre aspect critiqué est que l’idéologie du capitalisme médiatique conduit à privilégier les informations spectaculaires ou sensationnalistes au détriment de sujets plus nuancés ou critiques, simplement parce qu’elles génèrent plus d’audience et de profit.
  3. Conclusion : Newsworthiness et Démocratie
    • Contrôle de l’agenda public : La sélection des informations en fonction de la newsworthiness est un processus crucial dans le contrôle de l’agenda public. Les médias ont un pouvoir considérable dans la définition de ce qui est jugé pertinent, ce qui peut influencer la compréhension des événements et la participation du public dans le débat démocratique. Gans met en évidence la tension entre les besoins commerciaux des médias et leur rôle de service public pour informer de manière équitable et complète.
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