La culture, les cultures … Qu’est-ce que la massification médiatique fait à la culture Flashcards
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Q
Légitimité culturelle, capital culturel (Bourdieu)
A
Fiche Développée sur la Notion de Légitimité Culturelle et de Capital Culturel (Pierre Bourdieu)
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Contexte et Concepts Fondamentaux
- Pierre Bourdieu : Sociologue français, Bourdieu développe une analyse de la société contemporaine qui s’articule autour de plusieurs concepts clés, notamment le capital culturel et l’habitus. Il interroge la hiérarchie des cultures à l’ère des médias de masse, tout en montrant que, malgré la massification de la culture, des distinctions persistent entre les différentes formes culturelles.
- Le capital culturel : Selon Bourdieu, la société ne se structure pas seulement autour du capital économique, mais aussi autour du capital culturel. Ce dernier englobe non seulement la culture générale, mais aussi des éléments tels que les diplômes, les connaissances spécifiques, et les pratiques culturelles. Le capital culturel devient un moyen de distinction et de classification sociale.
- La hiérarchie des cultures : Dans la société contemporaine, malgré une certaine homogénéisation des cultures, il persiste une culture dominante qui n’est pas nécessairement la plus largement diffusée, mais qui reste un marqueur de distinction dans les relations sociales.
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Le Capital Culturel et sa Fonction Sociale
- Distinction par le capital culturel : En société, les individus utilisent leur capital culturel pour se distinguer des autres. Dans un contexte de massification culturelle, la culture est l’un des moyens de se différencier. Cependant, Bourdieu pose la question de savoir ce qui se passe quand tout le monde accède à la même culture de masse, ce qui rend cette distinction plus difficile.
- La culture comme reflet de la position sociale : La culture est liée au style de vie des individus, un ensemble de pratiques et de comportements marqués par les goûts et les valeurs. Ces goûts culturels sont largement forgés par la socialisation au sein de différentes classes sociales. Bourdieu suggère que nous pouvons classifier les individus en fonction de leurs préférences culturelles, que ce soit dans le domaine des loisirs, des consommations ou des pratiques sociales.
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Les Goûts Culturels et la Hiérarchie Sociale
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Culture sophistiquée et populaire : Bourdieu met en évidence la distinction entre une “culture sophistiquée”, associée aux classes dominantes, et une culture populaire, souvent associée aux classes populaires. Par exemple :
- Les classes supérieures privilégient des activités comme le golf, le tennis, la fréquentation des musées, du théâtre ou de l’opéra.
- Les classes populaires, quant à elles, s’intéressent davantage au football, à la télévision et à des activités de loisirs moins formelles.
- Les goûts comme marqueur social : Les goûts culturels ne sont pas seulement des préférences individuelles, mais des marqueurs sociaux qui révèlent la position sociale d’un individu. Par exemple, un repas copieux est valorisé dans les classes populaires, tandis que dans les classes supérieures, la recherche de la qualité et de la modération est plus appréciée. De même, la télévision est consommée davantage dans les classes populaires.
- Les significations culturelles inégales : Bourdieu insiste sur le fait que toutes les significations culturelles ne sont pas équivalentes en dignité et en valeur. Certaines pratiques, comme les repas familiaux ou la consommation de masse de la télévision, sont moins valorisées que celles associées à la culture “légitime”, comme l’art contemporain ou les activités intellectuelles.
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Culture sophistiquée et populaire : Bourdieu met en évidence la distinction entre une “culture sophistiquée”, associée aux classes dominantes, et une culture populaire, souvent associée aux classes populaires. Par exemple :
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L’Habitus : Moteur de la Distinction Sociale
- Définition de l’habitus : L’habitus désigne l’ensemble des normes, valeurs et pratiques incorporées par un individu au cours de sa socialisation, influençant ses comportements et ses perceptions. Il agit comme un “lecteur de codes sociaux” et un “guide d’action”, façonnant les attitudes et les choix dans diverses situations sociales.
- L’habitus et les classes sociales : L’habitus est profondément marqué par la position sociale de l’individu. Les goûts et les comportements sont produits par l’habitus, qui est une sorte de système de dispositions sociales incorporées à travers les expériences et l’éducation. Ainsi, l’habitus permet de comprendre les différences de consommation culturelle entre les classes sociales.
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La Hiérarchie Sociale et la Légitimité Culturelle
- Le goût légitime : Selon Bourdieu, la classe dominante détient le “goût légitime”, qui lui permet de se maintenir dans une position de pouvoir et de distinction sociale. Ce goût est un moyen de dominer les autres classes en renforçant des distinctions culturelles qui légitiment la position sociale de la classe dominante.
- Le jugement de goût comme jugement de classe : Le goût n’est pas seulement une préférence individuelle, mais un mécanisme de distinction sociale. Les classes dominantes, en détenant ce goût légitime, exercent un pouvoir symbolique sur les autres classes. Le jugement de goût devient ainsi un jugement de classe, où ceux qui détiennent le goût légitime peuvent évaluer et hiérarchiser les pratiques culturelles des autres groupes sociaux.
- Exemples de distinctions culturelles : Bourdieu illustre cette idée avec des exemples simples, comme les photos de communion, qui sont typiques des classes moyennes, ou l’art conceptuel, réservé aux classes supérieures. Ainsi, la culture devient un terrain de lutte symbolique où les classes dominantes cherchent à préserver leur distinction.
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Les Espaces Sociaux et la Structuration des Distinctions
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L’organisation de l’espace social : Bourdieu propose que l’espace social soit organisé autour de trois dimensions :
- Volume global du capital : La quantité totale de capital détenu par un individu ou un groupe, qu’il soit économique, culturel, social ou symbolique.
- Structure du capital : La manière dont ce capital est réparti entre différents types (économique, culturel, social, symbolique).
- Évolution dans le temps : La manière dont ces deux propriétés évoluent et changent à travers les générations, influençant la mobilité sociale et la reproduction des inégalités.
- Culture et politique : Enfin, Bourdieu conclut que la culture n’est jamais apolitique. Elle est un terrain de lutte symbolique et politique, car elle reflète et renforce les rapports de pouvoir dans la société.
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L’organisation de l’espace social : Bourdieu propose que l’espace social soit organisé autour de trois dimensions :
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Conclusion : La Culture comme Instrument de Distinction Sociale
- La culture, un instrument de pouvoir : La théorie de la légitimité culturelle de Bourdieu montre que la culture n’est pas simplement un domaine d’expression individuelle ou collective, mais un moyen par lequel les classes dominantes exercent leur pouvoir. Le capital culturel devient une ressource précieuse qui permet de se distinguer socialement et d’affirmer sa légitimité dans une société marquée par des inégalités.
- Une critique de la démocratisation culturelle : Bourdieu critique l’idée que la massification de la culture permettrait une réelle égalité d’accès à la culture. Selon lui, cette démocratisation masquait en réalité une homogénéisation qui efface les différences et les hiérarchies existantes entre les pratiques culturelles.
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Q
Culture de masse vs. culture des individus (Lahire)
A
Fiche Développée sur la Notion de Culture de Masse vs. Culture des Individus (Lahire)
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Contexte et Concepts Fondamentaux
- Lahire et la pluralité des pratiques culturelles : Lahire propose une vision de la culture qui dépasse les frontières traditionnelles de la classe sociale. Il critique la conception classique selon laquelle la culture des individus serait définie par leur appartenance à des classes sociales spécifiques, influencées par des pratiques et goûts culturels “légitimes”. Selon lui, avec l’avènement de l’internet et de l’accessibilité accrue à une variété de contenus culturels, il n’y a plus de culture homogène ou de culture dominante. Au contraire, il y a une pluralité des goûts qui peut être observée chez chaque individu.
- La socialisation par les médias : Lahire met l’accent sur le fait que la socialisation des individus n’est plus uniquement marquée par des facteurs de classe. Les médias jouent un rôle central dans la formation des goûts culturels et dans la construction des identités. La consommation des médias (télévision, internet, réseaux sociaux, etc.) devient une des matrices fondamentales de cette socialisation.
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La Diversité des Goûts Culturels
- L’”omnivorisme culturel” : Lahire introduit la notion d’omnivorisme culturel pour décrire la manière dont les individus consomment une large variété de contenus culturels. Contrairement à l’idée d’une division stricte entre les goûts des classes populaires et des classes supérieures, l’omnivorisme culturel désigne une diversité de pratiques culturelles, indépendamment du statut social. Cela signifie qu’une personne peut apprécier à la fois des films populaires et des œuvres considérées comme “élevées”, des musiques commerciales et des musiques expérimentales.
- Pluralité interne et externe : Lahire propose que les individus sont influencés par une pluralité de matrices de socialisation, c’est-à-dire des facteurs internes et externes qui façonnent leurs goûts et leurs pratiques culturelles. Ces matrices incluent non seulement la classe sociale, mais aussi des éléments tels que l’échelle géographique, la génération, les expériences personnelles, les interactions sociales, etc. La socialisation devient ainsi moins homogène et plus hétérogène, avec une diversité de goûts et de comportements culturels.
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Critique du Modèle Traditionnel de la Culture de Classe
- Sortir du prisme de la classe : Une des critiques majeures de Lahire porte sur l’approche trop centrée sur la classe sociale dans l’analyse des pratiques culturelles. Plutôt que de considérer la culture comme une forme de distinction entre les classes sociales (comme le proposait Bourdieu avec l’idée de capital culturel et de hiérarchie des goûts), Lahire soutient que la culture des individus est beaucoup plus fluide et ne peut pas être réduite à un seul facteur comme la classe sociale.
- Fin de la culture dominante : Dans le cadre de la massification des médias, et particulièrement avec internet, la notion de culture dominante (celle associée aux classes supérieures et institutionnalisée par les médias traditionnels) est remise en question. Internet a permis une démocratisation de l’accès à la culture, ce qui conduit à une multiplication des pratiques culturelles. Ainsi, la culture de masse, loin d’imposer une norme unique, permet à chacun de choisir ses propres sources d’influence et de consommation culturelle.
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La Socialisation Culturelle dans l’ère Numérique
- Internet et accès à la culture : Avec l’arrivée d’internet, la consommation de la culture n’est plus liée à des modèles sociaux et géographiques précis. Les individus peuvent aujourd’hui accéder à des films, des musiques, des livres, des idées venant du monde entier, ce qui diversifie encore davantage les pratiques culturelles. Cette accessibilité permet à l’individu de se forger un goût personnel qui peut être éclectique et varié.
- Pluralité externe et individuelle : Les influences extérieures (réseaux sociaux, médias traditionnels, recommandations en ligne, etc.) se combinent avec des éléments internes comme l’expérience personnelle, l’éducation, et les goûts familiaux. Ces influences façonnent des pratiques culturelles qui ne suivent plus une logique de classe stricte, mais qui dépendent des choix individuels et des interactions avec différents types de contenu.
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Vers une Approche Plus Nuancée de la Culture
- Rejet de la “pratique culturelle légitime” : Lahire critique l’approche qui consiste à désigner une culture légitime ou supérieure (comme la culture élitiste des musées ou du théâtre classique) par rapport à des formes culturelles populaires. Pour lui, chaque pratique culturelle, qu’elle soit perçue comme “haute” ou “basse”, doit être considérée sans jugement de valeur. En effet, les individus consomment une gamme variée de contenus culturels qui ne peuvent pas être simplement classifiés selon des hiérarchies sociales.
- L’importance de l’étude des usages culturels : Lahire propose que les chercheurs en sociologie de la culture doivent s’intéresser davantage aux usages individuels de la culture, c’est-à-dire la manière dont chaque individu choisit et consomme la culture, plutôt que de se concentrer uniquement sur les catégories sociales ou les goûts collectifs. Il est essentiel de comprendre comment les individus s’approprient la culture de manière individuelle, à travers des pratiques uniques.
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Conclusion : Une Culture Plus Diversifiée et Moins Structurée par la Classe
- Vers une approche de la culture plus dynamique : Lahire met l’accent sur une vision plus flexible et dynamique de la culture, où la diversité des pratiques culturelles dépasse les cadres traditionnels liés à la classe sociale. Dans cette vision, chaque individu est considéré comme un acteur autonome qui construit ses propres goûts et ses propres pratiques culturelles.
- Une remise en question des catégories classiques : L’approche de Lahire remet en cause les catégories traditionnelles qui limitaient la compréhension de la culture à des formes sociales et hiérarchisées. Il invite à étudier la culture sous un angle plus individualisé et moins déterminé par des logiques sociales de classe, tout en reconnaissant l’importance des contextes sociaux dans la formation des pratiques culturelles.