Les anémies Flashcards
Définir ce qu’est l’anémie
L’anémie est définie par une diminution de la concentration circulante de l’hémoglobine (exprimée en g/l sur la formule sanguine) en deçà des valeurs généralement considérées comme normales.
Il faut noter que la limite inférieure de la concentration normale d’hémoglobine, définie par deux écarts-types sous la moyenne, varie selon l’âge et les circonstances de la vie :
De quoi dépendent les symptômes de l’anémie?
Les signes cliniques ne sont pas nécessairement en relation étroite avec la concentration mesurée de l’hémoglobine.
Sur le plan clinique, la tolérance à l’anémie varie de façon importante selon l’âge et l’état général du malade ainsi que selon la rapidité d’installation de l’anémie (les anémies chroniques sont beaucoup mieux tolérées).
Quelle est la présentation clinique de l’anémie?
1 ) Manifestations cliniques spécifiques à l’anémie
- la pâleur : peau, plis de la main, muqueuses (bouche et conjonctives)
- l’asthénie
- l’ictère (si hémolyse)
2) Symptômes liés à l’activation de mécanismes compensatoires :
- tachycardie, palpitations, plus marqués à l’effort
- céphalée pulsatile, acouphènes
- dyspnée d’effort, orthopnée, oedème malléolaire.
3) Symptômes liés à l’état de la circulation (perméabilité vasculaire) :
- angine de poitrine
- claudication intermittente
- ischémie cérébrale transitoire.
4) Symptômes liés à l’expression de la maladie causale :
- fièvre (maladie inflammatoire)
- paresthésies, perte d’équilibre (Maladie de Biermer)
- douleurs épigastriques, méléna, etc. (ulcère gastroduodénal)
- ménorragies et/ou métrorragies.
Quels sont les 3 principaux mécanismes producteurs d’anémie? Quelles peuvent être les causes des ces mécanismes anormaux?
1) Défaut de prolifération
Les anémies sont causées ici
- par une insuffisance numérique ou fonctionnelle des progéniteurs érythropoïétiques (BFU-E ou CFU-E),
- par une altération quelconque du microenvironnement médullaire
- par une production ou une efficacité insuffisantes de l’érythropoïétine
2) Défaut de maturation
Une prolifération normale ou accrue est parfois rendue inefficace par l’incapacité des érythroblastes à acquérir leurs caractères morphologiques et fonctionnels normaux, ce qui entraîne parfois leur destruction précoce au sein même de la moelle (érythropoïèseinefficace). Ces anémies sont causées le plus souvent par :
- une carence des cofacteurs essentiels de l’érythropoïèse comme le fer, l’acide folique ou la vitamine B12.
3) Survie raccourcie des érythrocytes
Ces anémies résultent :
- soit d’une hémorragie
- soit d’une destruction prématurée des globules rouges in vivo (hémolyse) pouvant survenir dans la circulation elle-même (hémolyse intravasculaire), ou dans certains organes comme la rate et le foie (hémolyse extravasculaire).
Nommer les 4 indicateurs biologiques de l’anémie?
Il s’agit d’épreuves de laboratoire disponibles au clinicien et lui permettant, dans la majorité des cas, d’identifier rapidement le mécanisme physiopathologique sous-jacent à une anémie.
1 ) La réticulocytose (numération des réticulocytes)
2) La morphologie des érythrocytes
3) Les produits de la dégradation des érythrocytes
4) L’aspect morphologique de la moelle osseuse
Décrire l’évaluation de la réticulocytose en laboratoire
Les réticulocytes sanguins peuvent être identifiés et énumérés par les automates de laboratoire à l’aide de fluorochromes se liant spécifiquement à l’ARN des ribosomes encore présents dans le cytoplasme cellulaire à ce stade de la maturation.
Normalement, la moelle osseuse doit remplacer chaque jour environ 1/100ième de la masse des érythrocytes circulants; la maturation finale des réticulocytes, qui a lieu dans le sang périphérique, dure environ 24 heures. Dans ces circonstances, on devrait s’attendre, chez un individu en bonne santé, à ce que les réticulocytes représentent environ 1% du nombre total des globules rouges circulants. Afin de tenir compte d’une certaine imprécision liée à la technique, on admet généralement que la réticulocytose normale varie entre 0.5% et 2% du nombre d’érythrocytes circulants.
Sur le rapport d’une formule sanguine, la réticulocytose peut être exprimée de deux façons: soit en pourcentage (ex : 0,015 ou 1,5%), soit en valeur absolue (ex : 65 x 109/l). Les valeurs considérées comme normales sont respectivement de 0.5% à 2% en pourcentage et de 20 à 100 x 109/l en absolu.
Quels sont les 2 types d’anémie pouvant être différenciées avec la réticulocytose?
La réticulocytose est une donnée essentielle à obtenir dans l’investigation initiale de tout cas d’anémie car elle permet au clinicien d’évaluer l’état de la production érythrocytaire et de savoir si une anémie possède un caractère:
- REGÉNÉRATIF (production augmentée) ou
- NON-REGÉNÉRATIF (production) normale ou diminuée
Quels sont les 2 examens permettant l’évaluation de la morphologie des érythrocytes?
1) Constantes (ou indices) érythrocytaires
2) Frottis sanguins
Quels types d’anémies les constantes érythrocytaires permettent-elles d’identifier?
Il s’agit de valeurs MOYENNES calculées à partir des données de base de la formule sanguine (Hb, Hcte, numération érythrocytaire) et qui permettent au clinicien de déterminer si, dans un cas donné, une anémie est :
- NORMOCYTAIRE, MICROCYTAIRE ou MACROCYTAIRE
- NORMOCHROME ou HYPOCHROME
Quelles sont les 3 constantes érythrocytaires? Quelles informations chacune d’elle donne-t-elle?
1 ) VGM ou volume globulaire moyen (le plus sensible et le plus utile)
VALEUR NORMALE = 82 à 98 fl (10-15l)
Anémie microcytaire : VGM inférieur à 82 fl
Anémie normocytaire : VGM entre 82 et 98 fl
Anémie macrocytaire : VGM supérieur à 98 fl
2) TGMH ou teneur globulaire moyenne en hémoglobine (en pratique inutile, car n’apporte rien de plus que le VGM)
VALEUR NORMALE = 27 à 33 pg (10-12g)
Anémie microcytaire : TGMH inférieure à 27 pg
Anémie normocytaire : TGMH entre 27 et 33 pg
Anémie macrocytaire : TGMH supérieure à 33 pg
3) CGMH ou concentration globulaire moyenne en hémoglobine (indice utile mais peu sensible)
VALEUR NORMALE = 320 à 360 g/L
Anémie hypochrome : CGMH inférieure à 320 g/L
Anémie normochrome : CGMH entre 320 et 360 g/L
(Il n’existe PAS d’anémies hyperchromes)
Quelles sont les anomalies de morphologie des érythrocytes pouvant être identifié au frotis sanguin?
1) Anomalies du diamètre des globules rouges
- microcytose
- anisocytose
- macrocytose
2) Anomalies de la coloration des globules rouges
- anisochromie
- hypochromie
- polychromatophilie
- présence de corps d’inclusion
3)Anomalies de la forme des globules rouges
- poïkilocytose
- sphérocytes ou ovalocytes
- acanthocytes ou schistocytes
- cellules en larmes
- cellules en cible. etc.
Quels sont les 3 produits de la dégradation des érythrocytes pouvant être trouvé dans le plasma? Qu’est-ce que ces anomalies témoignent?
1) La bilirubine non conjuguée ou indirecte
Elle s’élève de manière caractéristique dans les hémolyses périphériques, et de façon moins marquée dans les hémolyses intramédullaires.
Cette augmentation de la bilirubine se traduit souvent par la présence d’un ictère à l’examen physique.
2) La lactate déshydrogénase (LDH) du sérum
Il peut atteindre des concentrations très élevées lorsqu’il y a hémolyse périphérique intravasculaire ou dans les cas d’hémolyse intramédullaire due à la destruction massive des érythroblastes (ex : anémie de Biermer).
3) L’haptoglobine
C’est une protéine sérique à laquelle se lie préférentiellement l’hémoglobine libre lorsqu’elle s’échappe accidentellement du cytoplasme érythrocytaire. Le complexe haptoglobine-hémoglobine ainsi formé est rapidement retiré de la circulation par le système réticulo-endothélial.
Lorsque la clairance du complexe excède la synthèse hépatique de l’haptoglobine , sa concentration mesurable dans le sang s’abaisse de façon importante et témoigne la plupart du temps d’une hémolyse extravasculaire ou intravasculaire.
Quels sont les aspects morphologiques de la moelle étant évalués pour différencier les types d’anémie?
1) La richesse ou cellularité hématopoïétique de la moelle,
2) Les proportions occupées par les cellules des différentes lignées hématopoïétiques.
Normalement, on retrouve environ 3 précurseurs myéloïdes ou granulocytaires pour un érythroblaste (rapport M/E de 3:1).
Il peut être très utile, face à une anémie, de pouvoir déterminer si la lignée érythroblastique est hypoplasiée (ex : défauts de prolifération) ou, au contraire, hyperplasiée comme, par exemple, dans les hémolyses.
3) L’aspect morphologique des érythroblastes, surtout dans l’identification d’un défaut de maturation : la présence de changements mégaloblastiques, par exemple, dans les déficits en acide folique (très rare) ou en vitamine B12.
4) La présence, dans certains cas, de cellules étrangères à la moelle (métastases, fibrose, granulomes).
Classifier les anémies par défaut de prolifération
Décrire les indicateurs biologiques retrouvés dans une anémie par défaut de prolifération
1) Hémoglobine :
Peut être très variable selon la cause et la durée.
2) Réticulocytose :
Il s’agit ici essentiellement d’anémies à caractère NON-RÉGÉNÉRATIF, c’est-à-dire dont la réticulocytose 100 x 109/l, ce qui constitue une réponse médullaire inadéquate en présence d’anémie.
3) Constantes érythrocytaires
Elles sont la plupart du temps NORMOCHROMES ET NORMOCYTAIRES (VGM et CGMH normaux).
4) Morphologie érythrocytes
Généralement pas d’anomalie morphologique très frappante des érythrocytes au frottis sanguin. Elles sont la plupart du temps
5) Produits de la dégradation
Dans ce type d’anémie, on ne retrouve PAS dans le sérum de produits témoignant d’une destruction accélérée des érythroblastes ni des érythrocytes circulants.
6) Examen de la moelle osseuse
L’apiration et biopsie peuvent montrer :
- soit une diminution de la cellularité globale
- soit une modification rapport M/E, i.e. du nombre relatif d’érythroblastes
- rapport M/E augmenté si hypoplasie érythroïde (ex :défaut de prolifération)
- rapport M/E diminué si hyperplasie érythroïde (ex :survie raccourcie)
- soit une infiltration par de la fibrose ou par des cellules tumorales.
Quelles sont les causes d’atteinte primitive de la moelle par remplacement de l’espace médullaire ?
1) Néoplasie (presque toujours)
- Proliférations malignes originant des cellules hématopoïétiques (leucémies ou lymphomes)
- Métastases à distance d’autres cancers.
2) Prolifération fibroblastique (myélofibrose)
3) Infiltrat granulomateux
Comme dans la tuberculose ou la sarcoïdose
Quelles sont les signes d’un remplacement de l’espace médullaire au frottis sanguin?
phénomène de “leuco-érythroblastose
Présence de cellules hématopoïétiques immatures d’origine médullaire (érythroblastes, myélocytes, etc.), cellules qu’on ne retrouve pas normalement dans le sang périphérique
On croit que la délicate barrière anatomique qui sépare normalement la moelle du sang circulant a été endommagée par le processus qui infiltre l’espace hématopoïétique.
*** La présence au frottis sanguin d’une leuco-érythroblastose doit toujours évoquer la possibilité d’une infiltration de la moelle par des cellules anormales comme mécanisme de production d’une anémie. ***
Quels sont les 2 types d’atteinte primitives de la moelle par déficience de la cellule-souche (ou aplasie médullaire)?
1) Aplasies sélectives ou « érythroblastopénies »
Dans ces cas, la lignée érythroblastique est la seule à disparaître de la moelle qui semble normale par ailleurs. Il s’agit de situations TRÈS RARES.
2) Aplasies globales («anémie aplasique» ou «aplasie médullaire»)
Les trois lignées hématopoïétiques (érythroblastique, granulocytaire et mégacaryocytaire) disparaissent plus ou moins complètement de l’espace médullaire, témoignant d’une déficience de la cellule-souche multipotentielle myéloïde.
Dans le sang périphérique, la maladie se manifeste non seulement par une anémie, mais par une pancytopénie (diminution simultanée du nombre des érythrocytes, des leucocytes et des plaquettes).
*** Les aplasies peuvent être congénitales ou acquises ****
Donner un exemple d’aplasie sélective congénitale
Anémie de Blackfan-Diamond,
Une maladie transmise selon le mode autosome dominant avec pénétrance variable. Cette maladie très rare est habituellement diagnostiquée durant l’enfance.
Elle est souvent améliorée par l’administration de corticostéroïdes.
Donner 2 exemples d’aplasie sélective acquise
1) Érythroblastopénie auto-immune
Pathologie parfois associée à la présence d’un thymome ou d’une leucémie lymphoïde chronique.
2) Érythroblastopénie à la suite d’une infection par le Parvovirus B19,
Les progéniteurs (CFU-E) et précurseurs (érythroblastes) de l’érythropoïèse sont dotés de récepteurs spécifique pour ce virus.
La liaison du virus à ce récepteur entraîne habituellement une suppression sélective et transitoire de l’érythropoïèse.
Donner un exemple d’aplasie globale congénitale
maladie de Fanconi
Il s’agit d’une aplasie médullaire observée chez le nourrisson et parfois associée à des anomalies de la formation osseuse (absence de radius, par exemple).
Une forme frustre de la maladie de Fanconi peut parfois être diagnostiquée à l’âge adulte seulement.
Il s’agit d’une maladie très rare.
Quelle est la prévalence des aplasies globales acquises?
Ce sont les formes d’aplasie observées le plus souvent bien que leur prévalence ne dépasse guère 4 à 5 cas par million de population par année en Amérique du nord.
Quelles sont les étiologies possibles des aplasies globales acquises? (4)
1) Agents toxiques:
- SUBSTANCES CHIMIQUES
Exemples : les dérivés du benzène (solvants domestiques type Varsol) ou de l’arsenic ainsi que les insecticides comme le Chlordane, le DDT et le malathion. - RADIATIONS IONISANTES
Exemples : Les rayons X, gamma, bêta et neutrons (pensez à Tchernobyl!)
2) Médicaments :
- Rx dont l’effet est généralement prévisible et lié à la dose.
Exemples : médicaments utilisés en chimiothérapie du cancer, comme les alkylants et antimétabolites (cyclophosphamide, méthotrexate, etc.). - Rx dont l’effet est imprévisible et résulte d’une idiosyncrasie.
Exemples : le chloramphénicol, certains antithyroïdiens de synthèse, les anticonvulsivants, les sulfas et au total près de 150 autres médicaments courants.
3) Infections virales :
- Exemples : aplasies médullaires graves rapportées au décours d’hépatites virales, de mononucléoses infectieuses (virus d’Epstein Barr) ou de grippes banales.
4) Idiopathiques :
- Dans plus de la moitié des cas rapportés, aucune cause n’a pu être identifiée ni même sérieusement soupçonnée. On croit de plus en plus, sur la foi de nombreuses observations cliniques, que l’aplasie résulte dans ces cas d’un phénomène auto-immun où un clone anormal de lymphocytes T autoréactifs s’attaquerait à la cellule souche ou aux progéniteurs très immatures de l’hématopoïèse. Dans certains cas, le facteur déclenchant pourrait être une infection virale passée cliniquement inaperçue.
Malgré plusieurs efforts déployés en ce sens, il n’existe encore aucun test de laboratoire courant qui permette d’identifier un tel mécanisme avec certitude.
Quelle est la présentation clinique des aplasies globales acquises?
Les symptômes et signes de la maladie apparaissent presque toujours de façon insidieuse. Ils sont directement reliés à la diminution graduelle du nombre des cellules sanguines circulantes, aboutissant de façon successive ou simultanée à:
- une anémie
- une neutropénie, se manifestant principalement par des infections
- une thrombocytopénie, manifestée par des hémorragies anormales
Quel est le pronostic des aplasies globales acquises?
Lorsque l’aplasie est sévère et non traitée, près de 80% des malades risquent de mourir éventuellement d’infection ou d’hémorragie dans les 12 mois qui suivent le diagnostic.
Chez les autres, une rémission spontanée, partielle ou complète, peut être espérée. Malheureusement, il est impossible de prédire avec exactitude l’évolution dans un cas particulier.
Quel est le traitement des aplasies globales acquises?
1) LE RETRAIT IMMÉDIAT DE TOUT MÉDICAMENT, MÊME ANODIN EN APPARENCE.
2) Le traitement de support
Sous forme d’isolement de protection, d’antibiothérapie à large spectre, ainsi que de transfusions d’érythrocytes et de plaquettes au besoin.
3) Traitement immunosuppresseur
Indiqué si l’aplasie ne se corrige pas spontanément après le retrait de tout médicament jugé potentiellement nocif
Traitement à base de cyclosporine et de sérum anti-lymphocytaire. Selon les résultats d’études publiées, cette forme de traitement peut conduire à une rémission partielle ou complète dans à 60% à 90% des cas d’aplasie médullaire globale.
4) Une allogreffe de moelle osseuse
Peut être envisagée d’emblée si le malade est âgé de moins de 40 ans et s’il possède dans sa fratrie un donneur compatible. La recherche d’un tel donneur dans la fratrie doit donc être entreprise très tôt après le diagnostic.
La décision de procéder à une greffe dépendra de la sévérité de l’aplasie et de l’évaluation soigneuse du rapport risque/bénéfice de cette forme de traitement dans chaque cas.
Comment les maladies rénales causent elles une anémie par défaut de stimulation?
Une atteinte suffisamment importante de la fonction rénale (débit de filtration glomérulaire < 35 ml/minute), quelle qu’en soit la cause, s’accompagne presque toujours d’une anémie due à l’insuffisance de production/secrétion d’érythropoïétine par les cellules juxtaglomérulaires rénales.
L’observation d’une anémie sévère (Hb de 60 ou 70 g/L) et chronique associée à une diminution importante des taux d’érythropoïétine circulante était jusqu’à récemment monnaie courante chez les patients qui fréquentent les unités d’hémodialyse.
Quel est le traitement des anémies causées par les maladies rénales?
1) Traitement de la maladie causale lorsque possible
Exemple : greffe rénale.
2) Administration parentérale d’érythropoïétine humaine biosynthétique (EprexMC ou AranespMC)
Comment les maladies inflammatoires chroniques causent-elles une anémie par défaut de stimulation?
Les états inflammatoires associés à certaines infections ou maladies chroniques (tuberculose, arthrite rhumatoïde, artérite temporale, polymyalgia rhumatica) de même qu’à certains cancers (lymphomes, hypernéphromes) s’accompagnent presque toujours d’une anémie non-régénérative d’intensité modérée (90-100 g/L) et de caractère normochrome-normocytaire.
Ces maladies ont pour dénominateur commun la production et la sécrétion en grande quantité par les macrophages “activés” de certaines cytokines dont l’interleukine-1, l’interleukine-6, le TNF (tumor necrosis factor) et l’interféron-gamma. Ces médiateurs inflammatoires possèdent de multiples effets biologiques dont le mieux connu est celui de stimuler la synthèse hépatique du fibrinogène, entraînant presque invariablement une élévation de la vitesse de sédimentation des érythrocytes.
Parmi leurs autres effets, certains ont une influence directe sur l’érythropoïèse, dont :
- Une diminution légère mais significative de la durée de vie des érythrocytes,
- Une diminution de la sensibilité des CFU-E médullaires à l’érythropoïétine,
- Le maintien d’un taux anormalement faible d’érythropoïétine circulante pour le degré d’anémie,
- Une inhibition du recyclage normal du fer pour l’érythropoïèse
Quel est le traitement des anémies causées par des maladies inflammatoires chroniques?
1) Le traitement de la maladie causale
2) transfusion sanguine.
Lorsque le traitement de la maladie causale s’avère impossible et que le patient présente des symptômes suffisamment importants.
*** L’administration d’érythropoïétine synthétique aux doses recommandées dans l’insuffisance rénale est généralement peu efficace dans ce type d’anémie. ***
Comment les maladies endocriniennes peuvent-elles causées un anémie par défaut de stimulation?
Plusieurs hormones endocrines, dont la testostérone, la thyroxine et l’hormone de croissance sont capables de moduler l’effet d’une quantité donnée d’érythropoïétine sur les progéniteurs BFU-E et CFU-E.
Il semble qu’à l’état physiologique ces hormones jouent un rôle complémentaire à celui de l’érythropoïétine elle-même. À titre d’exemple, la différence observée entre les valeurs normales d’hémoglobine circulante chez l’homme et chez la femme serait due à l’existence d’un taux physiologiquement plus élevé de testostérone chez l’homme.
On explique ainsi le fait que plusieurs maladies caractérisées par une insuffisance hormonale quelconque s’accompagnent d’un degré variable d’anémie.
Dans les déficiences isolées (thyroxine ou testostérone), on constate souvent une baisse de l’ordre de 10 à 30 g/L de la concentration d’hémoglobine circulante.
Dans les déficiences combinées, comme le panhypopituitarisme, la diminution du taux d’hémoglobine peut atteindre des valeurs allant jusqu’à 60 g/L.
Quel est le traitement de l’anémie causée par des maladies endocriniennes?
1) Traitement de la maladie causale
Consiste souvent en un remplacement par des préparations hormonales d’origine naturelle ou synthétique
Comment le fer peut-il causer une anémie par défaut de stimulation?
Mis à part son rôle prépondérant dans la synthèse de l’hème et donc dans la maturation du cytoplasme des érythroblastes, le fer, un peu à la manière des hormones endocriniennes, est capablede moduler la réponse des progéniteurs médullaires à l’érythropoïétine.
Cet effet sur la prolifération des érythroblastes est le premier à disparaître lors de l’installation d’une carence en fer dans l’organisme, de sorte que la première étape d’un état ferriprive se manifeste toujours par le développement d’une anémie de type normochrome et normocytaire.
Cette anémie est parfois difficile à distinguer de celle qui peut survenir en association avec les maladies inflammatoires, où le recyclage normal du fer se trouve perturbé. Ce n’est que plus tard au cours de l’évolution de la carence en fer qu’apparaissent les signes morphologiques caractéristiques d’un véritable défaut de maturation, conduisant à l’anémie typiquement microcytaire et hypochrome des états ferriprives avancés.
Classifier les anémies causées par défaut de fabrication
Quels sont les indicateurs biologiques retrouvés dans les anémies causées par défaut de maturation?
1) Réticulocytose :
Anémies à caractère NON-REGÉNÉRATIF: la réticulocytose est généralement égale ou inférieure à 100 x 109/l, signifiant une réponse inadéquate de la moelle osseuse à l’anémie.
2) Constantes et morphologie érythrocytaires
- Lorsqu’il s’agit d’un défaut de la maturation du cytoplasme des érythroblastes, l’anémie prend un caractère MICROCYTAIRE ET HYPOCHROME,
- Dans les défauts de maturation du noyau, l’anémie est de type MACROCYTAIRE.
3) Produits de la dégradation
La destruction intramédullaire de ces mégaloblastes s’accompagne généralement d’une élévation importante de la LDH du sérum.
Elle peut aussi se manifester par une légère augmentation du taux de la bilirubine indirecte résultant de la libération et de la dégradation d’une certaine quantité d’hémoglobine dans la moelle osseuse.
4) Examen de la moelle osseuse
Degré de cellularité normal ou même souvent augmenté. puisque la maturation défectueuse conduit à une accumulation exagérée de cellules dont une partie finit par être détruite sur place (érythropoïèse inefficace).
Dans les cas de défaut de maturation nucléaire, les érythroblastes prennent un aspect morphologique caractéristique que l’on décrit comme mégaloblastique.
Quelle est la répartition du fer dans l’organisme?
Le fer de l’organisme est distribué entre deux principaux compartiments . Le premier est l’érythron, où le fer est massivement utilisé dans la synthèse de l’hème; l’autre est celui des réserves, localisées dans les macrophages du système réticulo-endothélial, où le fer est stocké sous forme de ferritine et d’hémosidérine.
Ces deux compartiments sont reliés par un couloir de transport représenté par la transferrine, une protéine plasmatique à laquelle le fer se lie spécifiquement. C’est la transferrine qui véhicule le fer des réserves jusqu’aux récepteurs spécifiques localisés à la surface des érythroblastes d’où il est incorporé pour la synthèse de l’hémoglobine.
Décrire l’équilibre perte / absorption du fer dans l’organsime
L’apport alimentaire chez l’adulte nord-américain moyen varie entre 10 et 15 mg de fer par jour (environ 6 mg/1000 calories d’une diète équilibrée), avec un taux d’absorption qui ne dépasse pas normalement 10% de la quantité ingérée. Ce maigre 1 à 1,5 mg de fer suffit à assurer les besoins de l’érythropoïèse dans la mesure où les pertes quotidiennes de fer demeurent relativement fixes (desquamation physiologique des épithéliums de la peau et de l’intestin = 1 mg).
En cas de besoin accru (ex : grossesse = 300 mg, ou menstruations = 30-50 mg/mois), c’est le pourcentage d’absorption qui augmente jusqu’à un maximum de 20% de la quantité ingérée. Comme la quantité maximale de fer absorbée chaque jour demeure relativement limitée, ce sont les réserves qui servent de tampon advenant une demande subite ou excessive, comme à la suite d’une hémorragie ou d’une intervention chirurgicale par exemple
Quelles sont les 5 étapes de l’apparition d’une carence en fer.
1) Déplétion des réserves
Advenant une balance négative du fer (pertes > apports), l’organisme ira tout d’abord puiser ses besoins quotidiens dans le compartiment des réserves jusqu’à l’épuisement complet de celles-ci.
2) Stade 1
Une fois les réserves épuisées, la quantité de fer plasmatique liée à la transferrine commence à son tour à diminuer. Ce phénomène est immédiatement perçu par la CFU-E dont la sensibilité à l’érythropoïétine se voit réduite. Il en résulte progressivement une anémie légère à modérée de type normocytaire et normochrome dûe à un défaut de prolifération de l’érythropoïèse.
2) Stade 2
Au fur et à mesure que la saturation de la transferrine diminue et que l’anémie progresse, s’installe alors un véritable défaut de maturation du cytoplasme des érythroblastes parce qu’il n’y a plus assez de fer pour assurer la synthèse de l’hémoglobine.
L’anémie s’aggrave et devient alors microcytaire et hypochrome (description classique de l’anémie ferriprive)
Pourquoi l’inflammation chronique mime-t-elle l’anémie ferriprive?
Les cytokines médiatrices de l’inflammation de même qu’une molécule d’origine hépatique appelée hepcidine, ont pour effet de ralentir considérablement le relarguage du fer par les macrophages, ce que certains auteurs ont qualifié de «syndrome de la constipation des macrophages».
Lors de la phagocytose physiologique des érythrocytes âgés, dans la rate en particulier, l’hémoglobine est normalement catabolisée en ses diverses composantes. Le fer ainsi libéré est éventuellement retourné au plasma par l’entremise de la transferrine afin d’être réutilisé pour l’érythropoïèse.
Le transit du fer hémoglobinique à travers les macrophages peut normalement emprunter deux voies :
- l’une est rapide (30 minutes environ) et permet la remise quasi immédiate du fer en circulation;
- l’autre est beaucoup plus lente puisqu’elle oriente le fer vers la ferritine et l’hémosidérine des réserves avant de le relarguer au plasma six ou sept jours plus tard, selon les besoins de l’érythron.
À l’état normal, la répartition quantitative du fer entre ces deux voies de transit est à peu près équivalente (50%-50%). En présence de médiateurs inflammatoires (IL-1,6 et TNF), ou suite à une stimulation importante de la synthèse de l’hepcidine, cette répartition est subitement modifiée en faveur de la voie lente (80%-20%).
Il en résulte une diminution rapide du taux de fer mesurable dans le plasma (jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre se rétablisse une semaine plus tard), mimant ainsi les caractères d’une anémie ferriprive. Les réserves sont néanmoins NORMALES OU AUGMENTÉES, ce qui est incompatible avec l’existence d’une véritable carence… d’où la notion de « constipation ». Dans ces conditions, la quantité totale de fer dans l’organisme n’est pas modifiée, mais simplement redistribuée.
C’est ce qui explique que l’inflammation chronique s’accompagne presque toujours d’une anémie légère à modérée (90-110 g/L) qui ressemble à s’y méprendre à celle d’une carence en fer au premier stade de son développement. Si l’inflammation est plus intense ou si elle se prolonge, elle peut parfois s’accompagner d’une anémie plus sévère, légèrement microcytaire et hypochrome, comme au second stade de l’anémie ferriprive.
Dans la plupart des cas, la documentation de réserves adéquates ou augmentées de fer dans l’organisme permet d’effectuer la distinction entre ces deux causes d’anémie.
Il va sans dire que l’administration d’un supplément de fer dans les cas d’anémie inflammatoire s’avère inutile, contrairement au cas de l’anémie ferriprive qui se corrige, elle, très rapidement avec ce traitement.
Quels sont les 3 indicateurs sanguins permettant d’évaluer spécifiquement l’anémie ferriprive et le métabolisme du fer dans l’organisme?
1) Le dosage du fer sérique :
Cette mesure doit être obtenue autant que possible le matin à jeûn. Sa valeur normale se situe entre 10 et 35 μmol/L de sang total. Pour être interprétable de façon correcte, le fer sérique doit toujours être accompagné d’une mesure de la capacité totale de fixation.
2) La capacité totale de fixation :
Cette mesure équivaut à un dosage fonctionnel de la transferrine circulante. Sa valeur normale se situe entre 41 et 75 μmol/L environ.
On peut alors établir à partir de ces deux mesures le pourcentage de saturation de la transferrine (fer sérique ÷ capacité de fixation x 100 = 20% à 50%) qui donne un meilleur aperçu de la quantité de fer immédiatement disponible pour l’érythropoïèse.
Certains laboratoires mesurent directement la transferrine du plasma, dont la concentration est exprimée en g/L (N = 1,7 à 3,7). Dans ces cas, on peut obtenir le pourcentage de saturation en effectuant le calcul suivant : fer sérique (μmol/L) ÷ [transferrine (g/L) x 23] x 100 = 20 à 50 (%)
3) Le dosage de la ferritine sérique :
Cette mesure permet d’apprécier quantitativement les réserves de fer chez le malade, car les minimes concentrations de ferritine présentes dans le plasma (N = 10 à 300 μg/L) reflètent presque toujours la ferritine des réserves.
Comment fait-on correctement l’interprétation d’une ferritine sérique?
Une ferritine plasmatique inférieure à 10 μg/L correspond TOUJOURS à un épuisement des réserves de fer et constitue une étape préalable et obligatoire au développement d’une anémie ferriprive.
Cette condition peut toutefois exister sans anémie associée, si les apports quotidiens suffisent malgré tout à assurer une érythropoïèse normale.
Une ferritine plasmatique élevée peut s’observer dans :
- les maladies hépatiques (ex : cirrhose)
- les états inflammatoires (cf. ci-haut)
- l’hémochromatose (surcharge en fer) congénitale ou acquise.
Un véritable état ferriprive peut parfois coexister avec une maladie inflammatoire chronique (anémie mixte) : dans ce cas, le dosage de la ferritine sérique peut quand même être normal, mais il ne dépasse généralement pas une valeur de 100 μg/L. En cas de doute, on peut évaluer de façon indépendante les réserves de fer au moyen d’une coloration au Bleu de Prusse sur un échantillon de moelle osseuse.
Quelles sont les manifestations cliniques de l’anémie ferriprive?
Les principales manifestations cliniques de l’anémie ferriprive ne se distinguent pas de celles de toute autre anémie. Elles dépendent entre autres de sa durée et de sa sévérité ainsi que de l’état général du malade.
Les textes classiques rapportent dans les cas d’anémie sévère (très rare) :
- Oesophagite de Plummer-Vinson)
- Chéilite (perlèche)
- Déformation concave des ongles (koïlonychie)
Ce qui importe peut-être le plus du point de vue clinique est de pouvoir identifier la cause d’un état ferriprive afin d’être en mesure d’y apporter plus tard une correction adéquate.