FRONTIÈRES ET MONDIALISATION Flashcards
La frontière est la marque par excellence de la puissance de l’État : elle délimite ainsi l’existence de la souveraineté.
Daniel Nordman,
Frontières de France. De l’espace au territoire XVIe - XIXe siècle (1998)
(Frontière)
Ont souligné le rôle-clef joué par les frontières dans la vie de la cité.
Dino Buzzati, dans le Désert des tartares ou Julien Gracq, dans le Rivage des Syrtes
(Frontière)
Samuel Huntington
Le choc des civilisations, 1993
après l’affrontement entre deux blocs est/ ouest pour des raisons idéologiques, entre 1945 et 1989, le monde de l’après guerre froide serait devenu multi civilisationnel, 7 civilisations pouvant être identifiées : les civilisations occidentale, chinoise, japonaise, musulmane, hindoue, slavo-orthodoxe, latino-américaine et africaines.
Dans la mesure où ces blocs seraient incompatibles, la multiplication des conflits apparaît inévitable.
« le choc des civilisations, ce serait : les démocraties occidentales d’un côté, l’Islam de l’autre. Deux mondes, figés dans leurs différences historiques, culturelles, religieuses, et de ce fait voués au conflit. Face à la menace, plus de place pour le dialogue ou pour le mélange. Et pas d’autre alternative que la “fermeté”. Voir la guerre. Par tous les moyens. Peut-on vraiment s’assurer, lorsque l’on raisonne ainsi, que la barbarie et la civilisation continueront de se trouver du côté que l’on croit ? S’il est impératif de défendre la démocratie, il est aussi crucial de ne pas se laisser dominer par la peur et entraîner dans des réactions abusives. Car l’Histoire nous l’enseigne : le remède peut être pire que le mal […] Quand l’inhumanité de l’un est supprimée au prix de la déshumanisation de l’autre, le jeu n’en vaut plus la chandelle. Si pour vaincre l’ennemi on imite ses actes les plus hideux, c’est encore la barbarie qui gagne. »
Tzvetan Todorov,
La peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations, (2008)
(Dialectique du barbare/sauvage)
Comme le souligne le philosophe français, barbare est d’abord une onomatopée : « brr… brr… ».
Apparue dans le chant II de l’Iliade d’Homère (VIIIe s. avant J.C.), elle désigne le parler des Cariens, peuple asiatique allié aux Troyens contre les armées grecques, pour imiter une voix gutturale, rocailleuse, déformant la langue. Cette mauvaise maîtrise de la langue induit pour les Grecs une double infériorité : en effet, pour les Grecs, la parole et la raison sont intimement liées dans la notion de logos (la parole rationnelle)
à côté du sens péjoratif (rudes, frustes, grossiers) coexiste un sens neutre, à savoir : tous ceux qui ne sont pas grecs
Roger-Pol Droit,
Généalogie des barbares (2007),
(Dialectique du barbare/sauvage)
humanitas
Cicéron (-106 - -43 avant J.C.) et d’autres penseurs romains élaborent l’idée de l’humanitas, i.e. la solidarité naturelle des humains envers les autres. Pour ces penseurs, il convient de garantir et de renforcer cette solidarité par un ordre moral et politique approprié, ce qui est la tâche de Rome → Dans cette perspective, la barbarie apparaît comme l’envers de l’humanitas : elle s’assimile à la feritas (de ferus, sauvage), une bestialité destructrice de toute société aussi bien que de tout individu.
(Dialectique du barbare/sauvage)
« chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage »
Montaigne,
Essais, 1595
(Dialectique du barbare/sauvage)
Mythe du bon sauvage
Rousseau, dans du Contrat social, oppose, à rebours de tous les autres philosophes modernes qui assimilaient le Progrès à la civilisation, les civilisés aux bons sauvages préservés de la civilisation corrompue
(Dialectique du barbare/sauvage)
« Je suis l’Empire à la fin de la décadence, Qui regarde passer les grands Barbares blancs En composant des acrostiches indolents D’un style d’or où la langueur du soleil danse. »
→ le barbare est souvent apparu comme l’expression de la crainte récurrente des civilisations de leur propre décadence
Paul Verlaine,
Langueurs, 1884
(Dialectique du barbare/sauvage)
« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles… »
Cette crainte de la décadence de la civilisation par la barbarie prend un accent tout particulier avec la crise du Progrès et de la rationalité scientifique après la Grande guerre → constat de la mortalité de la civilisation moderne.
Paul Valéry,
La crise de l’esprit, 1919
(Dialectique du barbare/sauvage)
« L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles: morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. […] Cette attitude de pensée, au nom de laquelle on rejette les “sauvages” (ou tous ceux qu’on choisit de considérer comme tels) hors de l’humanité, est justement l’attitude la plus marquante et la plus instinctive de ces sauvages mêmes. » la croyance en la barbarie revient à exclure de l’humanité les présumés barbares et induit en définitive des pratiques barbares. Comme le résume l’auteur de Tristes topiques : « le barbare, c’est d’abord celui qui croit à la barbarie. »
Claude Lévi-Strauss,
Race et histoire, 1968
(Dialectique du barbare/sauvage)
La figure du « barbare du dedans » a souvent servi à disqualifier la révolte de tous ceux qui remettent en cause l’ordre établi. Ainsi le fondateur de l’Action française, voyait dans la populace le parti de l’étranger : « Le barbare d’en bas, le barbare de l’Est, notre démos flanqué de ses deux amis, le juif et l’Allemand ».
Charles Maurras
Dialectique du barbare/sauvage
Au livre VI de La République, il dresse un portrait sans complaisance des assemblées de son temps « Quelle éducation particulière résisterait sans être emportée dans ce cataclysme de blâmes et de louanges, dérivant au gré du courant qui l’entraîne ? »
Au livre VIII de La République, il évoque le cycle des régimes politiques, où la démocratie précède immédiatement la tyrannie, qui constitue son issue naturelle ; pour lui, elle est le pire des régimes, à l’exception du gouvernement des despotes
la démocratie athénienne fait l’objet de violentes critiques par Thucydide, Aristophane et Platon qui soulignent l’incompétence et la versatilité du peuple
Platon
(Le peuple)
Marqué par le souvenir de la Commune (destructions importantes dans Paris) et des journées de juin 1948 (quasi guerre civile) décrit les foules déchaînées des journées d’octobre 1789 ou du 10 août 1792.
Il y distingue deux catégories d’acteurs Révolutionnaires :
i) criminels professionnels qui s’épanouissent lors des émeutes ;
ii) le peuple des suiveurs qui agit mal parce que la nature humaine est mauvaise et que le relâchement des interdits sociaux suscite fatalement la barbarie
il dépeint la foule comme un monstre indomptable « un gorille féroce et lubrique » qui une fois réveillé, échappe à ceux qui voulaient l’instrumentaliser
Hippolyte Taine,
Les Origines de la France contemporaine (1875)
(Le peuple)
Se veut un manuel de gouvernement à l’usage des élites, constate que la société entre dans « l’ère des foules », notamment à cause du suffrage universel → les dirigeants ne peuvent plus l’ignorer.
« La connaissance de la psychologie des foules constitue la ressource de l’homme d’Etat, qui veut, non pas les gouverner, mais tout au moins ne pas être gouverné par elles »
il s’efforce de comprendre « l’âme des foules » qu’il décrit comme mobiles, impulsive, irritables et crédules « La foule est conduite presque exclusivement par l’inconscient »
Pour dominer les pulsions de la foule, l’homme d’Etat doit suggérer à son peuple des croyances de type religieux. La psychologie des foules inspire au XXe siècle de nombreux dirigeants politiques, notamment dans les régimes totalitaires ou autoritaires (Hitler et Mussolini +++)
Gustave Le Bon,
Psychologie des foules (1895)
(Le peuple)
La civilisation occidentale risque de périr sous la poussée d’une « invasion verticale » commise par « les barbares des temps modernes » qui à la différence de leur prédécesseurs de l’Antiquité, sont venus non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur de la société
Il dénonce les masses incultes qui jouissent de tous les apports de la science et de la technique sans en maîtriser les principes, sans ressentir la nécessité d’apprendre, de connaître, de comprendre , de se cultiver.
Il craint que « ces brutes amorales » ne se retournent un jour contre la civilisation qui les a créées, et qu’elles finissent par détruire jusqu’au progrès technique qu’ont permis les esprits éclairés
Ortega y Gasset,
La Révolte des masses (1929)
(Le peuple)
Le populisme, en 1931, désigne la doctrine selon laquelle seul le peuple va d’instinct vers le vrai quand il n’écoute que lui-même, la souveraineté lui revient alors qu’elle est détournée, captée par les élites imbues de leurs prérogatives injustifiées ou des étrangers. Les élites et les étrangers sont en effet les pires adversaires des populistes.
Léon Lemonnier,
« le populisme est compatible avec à peu près toutes les idéologies, il fonctionne sur l’alternance du blâme et de l’éloge et puise aux sources mêmes de la rhétorique; il s’inscrit dans un refus systématique de la médiation; est anti parlementariste, rêve d’immédiateté et de transparence; exalte l’innée et le savoir spontané ; il est globalement anti intellectualiste »
Eric Cobast,
Définit la « démocratie illibérale » comme « une démocratie sans libéralisme constitutionnel qui produit des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et la guerre ».
Fareed Zakaria
« The Rise of Illiberal Democracy » (1997), Foreign Affairs
En écho avec Alexis de Tocqueville, soutient que la liberté précède historiquement la démocratie : en conséquence, les pays qui recourent à des élections sans une libéralisation économique, un gouvernement par la loi (rule of law) (en France on traduit parfois par État de droit mais les fondements théoriques sont différents) deviennent des démocraties non libérales (illiberal democracies). Pour lui, ces sortes de démocraties dénuées de constitution libérale « produisent des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, la compétition ethnique, le conflit et la guerre ». En conséquence, il est en désaccord avec la décision de l’administration Bush de pousser à des élections au Moyen-Orient sans se soucier de promouvoir la liberté et de construire des institutions légales et gouvernementales solides.« des régimes démocratiquement élus, qui ont souvent été réélus ou réaffirmés à travers des référendums, ignorent de façon routinière les limites constitutionnelles de leur pouvoir et privent leurs citoyens des droits et libertés fondamentales ».
Fareed Zakaria,
The Future of Freedom
A développé le concept de “France métropolitaine” et de “France périphérique”.
L’opposition traditionnelle entre les “banlieues sensibles” et les centres-ville prospères cache les véritables fractures qui traversent le territoire : les banlieue profitent tout de même, dans une certaine mesure, du dynamisme des grandes villes, voire de certaines formes de discrimination positive, à la différence d’autre territoires qui sont à la fois pauvres et invisibles aux yeux des médias
La “France métropolitaine” qui concentre environ 40% de la population produit ⅔ du PIB et profite pleinement du libre échange, de la mondialisation et de l’immigration ; elle forge l’essentiel des représentations sociales
La “France périphérique” abrite les perdants du nouvel ordre économique; elle est périurbaine, mais aussi rurale ou formée de petites villes en déclin à cause de la désindustrialisation et du recul des services publics ; elle regroupe 60% de la population et se caractérise par la surreprésentation des catégories populaires, notamment les ouvriers et employés, ainsi que sa faible mobilité sociale et géographique et son hostilité à l’immigration
Christophe Guilluy
Dans ses ouvrages Fracture française, (2010) et Le Crépuscule de la France d’en haut, (2016), et No Society, La fin de la classe moyenne (2018)
Oppose :
- les “gens de n’importe où” (anywhere) : individus diplômés et mobiles, favorables à la mondialisation dont ils tirent profit
- les gens de “quelques part” (Somewhere) : moins fortunés, qui restent ancrés dans le cadre national et tentent de résister à la disparition de leur mode de vie
l’immigration est la principale discordance entre ces deux groupes
→ pour l’auteur, les anywhere ont trop dominé les politiques publiques des dernières décennies en confondant leurs intérêts particuliers avec l’intérêt général et en imposant un libéralisme à la fois économique et sociétal qui s’est révélé particulièrement déstabilisant pour les Somewhere. ils ont également surestimé le degré d’ouverture des sociétés développées : “malgré le développement récent de la mobilité géographique, quelques 60% des Britanniques vivent encore dans un rayon de 32 km autour du domicile qu’ils occupaient à l’âge de 14 ans”
David Goodhart,
The road to Somewhere : The Populist Revolt and the Future of Politics
Le danger pour la démocratie vient non pas des masses mais de ceux qui tiennent le pouvoir. Il accuse les élites au USA d’avoir trahis non seulement la démocratie, mais même la société dans son ensemble, en organisant un séparatisme fiscal qui prive l’Etat de ses moyens d’agir, en livrant les masses à une sous-culture particulièrement avilissante, et en adoptant pour elles-mêmes des comportements contraires à la morale traditionnelle et qui sapent la confiance dans le vivre ensemble
Christopher Lasch,
La révolte des élites, la Trahison de la démocratie (1994)
Distingue 3 types de dominations
domination traditionnelle : repose sur la croyance du peuple en la sainteté des traditions et en la légitimité de ceux qui sont appelés à gouverner
la domination charismatique qui repose sur la soumission du peuple au caractère exceptionnel à la vertue héroïque ou à la valeur exemplaire du dirigeant.
obéissance en la personne du chef et non aux règles
conditions particulières de l’accès au pouvoir
subjectivité des critères de sélection du personnel administratif
instabilité : le chef devant sans cesse renouveler l’adhésion du peuple à sa personne
la domination rationnelle-légale : repose sur la croyance en la légalité des règlements adoptés → correspond peu ou prou aux démocratie parlementaires → bien plus solide que les pouvoirs charismatiques même si moins séduisant
Max Weber,
Economie et société (1921)
“c’est l’appel sentimental et direct à une entité imprécise qui n’existe pas, mais qu’on appelle le “peuple” “.
Umberto Eco,
Le populisme
Démocratie représentative grecque
Au Ve siècle av. J.C. l’Ecclésia (=assemblée qui rassemble les citoyens) est l’institution essentielle de la cité, le régime repose alors sur 3 principes :
isonomie : tous les citoyens sont égaux devant la loi
iségorie : tout citoyen a le droit de prendre la parole à l’assemblée et d’y proposer une motion
la stochocratie: tirage au sort des magistrats (notamment ceux qui siègent à la Boulè ou au tribunal de l’Héliée) quelques esclaves publics lettrés assistent les citoyens (rédaction et archivage des décrets) → les technocrate de l’époque, cet aspect est souligné par Paul Ismard dans son ouvrage La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en grèce ancienne (2015)
(Démocratie, représentativité)