NATION Flashcards
Apparition du concept de nation
► Cette notion ne faisait absolument pas sens au Moyen Âge ni même à l’époque moderne.
► Elle ne commence à faire sens qu’à la fin du XVIIIe siècle et à développer sa signification actuelle au XIXe siècle.
► Il y a donc une sorte de disjonction entre la véritable émergence des nations au sens moderne et les origines qu’elles se donnent.
► Nous sommes complètement intoxiqués par la diffusion d’histoires nationales qui nous font croire que les origines des nations se perdent dans la nuit des temps et qu’ont toujours existé des particularités formant le socle ancestral sur lequel s’est construit l’Etat nation d’aujourd’hui.
► Or le mouvement est inverse : la nation est une invention moderne dont “la véritable naissance est le moment où une poignée d’individus déclarent qu’elle existe et entreprend de le prouver “. C’est à la « fabrication » de ces preuves que s’est consacré le XIXe siècle.
► Quand l’idée nationale se forme au début du XIXe siècle, on est loin d’imaginer les deux guerres mondiales et le nazisme.
Concept de création des identités nationales
Anne-Marie THIESSE, La Création des identités nationales (Seuil, Paris, 1999)
► Constructions historiquement datables. Ce sont des processus qu’on peut observer et analyser.
► Ils ne sont pas isolés mais assez largement transnationaux.
► Elle déconstruit le préjugé selon lequel, l’idée nationale est fabriquée, fausse, et qu’il faut l’éliminer.
► La démythification à laquelle elle se livre ne l’amène pourtant pas à dévaloriser cette entreprise de fabrication d’une identité nationale. Elle a permis, au contraire, de souder les individus autour du culte d’un patrimoine commun.
► La nation, parce qu’elle relève du conservatisme absolu, s’est révélée capable de rassurer ceux que menaçaient des changements constants. Cette célébration du patrimoine ancestral, si fictif soit-il, a sans doute permis aux sociétés occidentales “d’effectuer des mutations radicales sans basculement dans l’anomie”.
Cosmopolitisme
Concept créé par le philosophe cynique Diogène de Sinope.
Etymologie : à partir des mots grecs cosmos, l’univers, et politês, citoyen.
Il exprime la possibilité d’être natif d’un lieu et de toucher à l’universalité, sans renier sa particularité.
“Cosmopolitisme du national”
Concept/oxymore forgé par Anne-Marie THIESSE
Les références identitaires, les éléments des cultures nationales modernes, n’ont pas été forgés de manière isolée mais à travers tout un espace de transferts, d’échanges, de copiage, d’imitations, de reproductions souvent explicites et affichées.
Exemple de la Hongrie :
- Parmi les grandes références utilisées pour affirmer l’existence d’une nation hongroise spécifique, autonome et prestigieuse, on compte les écrits de HERDER datant de la fin du XVIIIe siècle.
- HERDER salue la naissance prochaine d’une nation hongroise et de nations slaves, qui étaient à l’époque essentiellement dominées dans le cadre de l’empire des Habsbourg.
- C’est donc un Allemand qui proclame l’existence prochaine de ces nations en Europe.
- HERDER dont on a fait après la Seconde Guerre mondiale un précurseur des Nazis parce qu’il avait été récupéré par eux, était un homme des Lumières qui essayait de penser la nation et la culture nationale dans une perspective universaliste.
“Fonction coelacanthe”
Concept forgé par Anne-Marie THIESSE
► Ce sont les procédés qui permirent d’inventer littéralement le folklore : costumes traditionnels, objets d’artisanat, musiques populaires, …
► Tous les éléments en voie de disparition furent sauvés de l’oubli, exhibés dans des musées et érigés en symboles du génie national.
► Ils remplirent une « fonction coelacanthe » en servant de « fossiles garants de la reconstitution des grands ancêtres ».
Histoire transnationale
Cette perspective d’histoire transnationale est aussi difficile que stimulante.
Elle remet en question nos cadres de pensée usuels.
► A rapprocher du concept/oxymore de “cosmopolitisme du national” développé par Anne-Marie THIESSE.
Standardisation des différences
Concept forgé par Anne-Marie THIESSE.
Le standard de la spécificité nationale se construit à partir du XIXe siècle.
Il n’y a donc pas d’hétérogénéité.
Il y a des catégories homogènes avec à l’intérieur une déclinaison spécifique.
D’où la référence à Ikea : elle permet de faire comprendre une chose difficile à percevoir, à savoir que l’universalisation n’a pu survenir qu’à partir du moment où l’on a posé cette nécessaire standardisation des différences.
« Système Ikea de construction des identités collectives ».
► A-M. THIESSE dresse la check-list des éléments de base que doit présenter une nation digne de ce nom : histoire, langue, traditions, etc.
► Ceux-ci constituent une sorte de « kit en do-it-yourself » que chaque pays a utilisé à sa manière.
► Le même procédé fut utilisé pour redonner une histoire à des nations qui n’en avaient pas encore et ne disposaient que de quelques chapitres incomplets d’une narration encore à écrire.
► A la fin du XIXe siècle, toutes furent en possession d’un récit continu dont le sens était donné par le génie national. Exemples :
- Victor Hugo de « Notre-Dame de Paris “.
- C’est à Napoléon III que l’on doit l’érection de la première statue dédiée à un Vercingétorix soudain devenu héros national.
Pertinence de l’équation “une nation = une langue” ?
► Equation évidente à nos contemporains.
► Ils en oublient que bien des actuelles langues nationales n’existaient pas véritablement avant le XIXe siècle et qu’il a fallu des trésors d’inventivité pour les gratifier d’une ancienneté honorable.
► La masse de la population, analphabète, parlait des dialectes tandis que des élites pratiquaient des langues nobles comme le latin ou le français.
► L’exemple le plus étonnant de cette invention des langues est donné par les Norvégiens qui, lors de leur indépendance en 1815, parlaient le danois. Il fallut donc que les nationalistes créent une langue dérivée des parlers paysans qui pût être reconnue comme authentiquement norvégienne.
Universalisme du particulier
Concept forgé par Anne-Marie THIESSE
► La nation a été construite comme une catégorie universelle, dans l’idée que c’était la meilleure organisation sociale et politique possible.
► A terme le monde entier devrait être réorganisé selon ce modèle même si chaque nation est une unité discrète, avec des frontières bien précises et différente des autres, mais différente selon le même standard.
► C’est ce que A-M. THIESSE appelle les différences standardisées : ce standard de la spécificité nationale se construit à partir du XIXe siècle.
Apparition du principe national
Benedict Anderson, dans son ouvrage Imagined Communities, fait remarquer que le principe national apparaît avec la fin de la domination des grands principes d’organisation religieux, ou du moins avec leur remise en cause sur le plan politique.
Le national, c’est un principe universel mais qui se réalise en communautés de taille limitée.
Régionalisme
► Parler de régionalisme, c’est un point de vue français. Mais du point de vue de la Catalogne, c’est un nationalisme.
► Pour pallier cette ambivalence, le terme de « nationalisme sub-étatique » a été introduit il y a une vingtaine d’années. On l’utilise lorsque l’on a affaire à de vrais nationalismes au sein d’États constitués, avec des nations qui se considèrent opprimées et sous domination étrangère.
► Le régionalisme est alors une déclinaison locale de l’identité nationale. Cela participe de l’idée que l’identité nationale est riche de sa diversité, et contrairement à ce que l’on croit, la IIIe République française a été très régionaliste, par patriotisme français.
Etat, prolongement juridique de la nation ?
► Le XIXe siècle a consacré l’État comme le prolongement juridique de la nation.
► Aujourd’hui, la souveraineté étatique semble minorée (par la globalisation, les NTIC, etc.), mais le fait national demeure. Comment expliquer ce hiatus ?
► Le principe de la nation au sens moderne est celui de la souveraineté. L’idée de souveraineté s’adosse aussi à une communauté de culture : c’est un corps politique souverain et une communauté de culture.
Article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
Fait de la nation la seule détentrice de la souveraineté.
Nationalisme
C’est la passion nationale.
Le nationalisme exacerbe le poids des haines envers les autres nations et encourage l’exclusion des étrangers.
► Le terme nait en 1798 sous la plume de l’abbé Barruel, opposant à la révolution. Il parle « d’égoïsme national ».
► Puis ce terme fait référence aux nationalités en lutte pour leur Indépendance.
► Sa connotation sera toutefois bien différente au cours de l’histoire en fonction de la nation revendicatrice.
► « Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres. » Charles de Gaulle