Leçon 5 Flashcards
En quoi l’analyse de Bernard Manin remet-elle en question l’idée d’une démocratie purement égalitaire ?
Bernard Manin, dans Principes du gouvernement représentatif (1995), explique que la démocratie représentative moderne n’est pas totalement égalitaire et présente une dimension aristocratique. Il oppose la démocratie participative d’Athènes à notre système actuel.
À Athènes, les citoyens participaient directement à la vie politique via le tirage au sort, un mécanisme qui garantissait une égalité d’accès aux charges publiques. La majorité des postes étaient occupés par des citoyens sans sélection de compétence, sauf pour les fonctions militaires, où des compétences étaient nécessaires. Cette démocratie était fondée sur une participation active, limitée toutefois par l’exclusion des femmes et des esclaves.
Aujourd’hui, la délégation du pouvoir à des représentants élus introduit une aristocratie dans la démocratie. Manin montre que l’élection favorise l’accès au pouvoir des individus les plus compétents ou perçus comme tels. Cette sélection par l’élection, tout en étant démocratique en apparence, crée une hiérarchie basée sur les compétences politiques.
Ainsi, Manin critique l’idée selon laquelle l’élection est purement démocratique. Il souligne que notre système est en réalité un mélange de démocratie et d’aristocratie, où l’élite gouverne au nom du peuple, contrairement au modèle participatif athénien.
Comment Alexis de Tocqueville conçoit-il la démocratie comme un phénomène global et transformateur ?
Alexis de Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique (1835), conçoit la démocratie comme un phénomène global qui transforme toutes les sphères de la société. Pour lui, la démocratie ne se limite pas à une méthode électorale ou à l’élection des représentants. Elle possède une dimension anthropologique profonde.
Tocqueville parle du « principe d’égalisation des conditions », qui représente le moteur de la démocratie. Ce principe ne se cantonne pas à la sphère politique mais s’étend à des domaines variés comme l’art, l’éducation et l’innovation. La démocratie est ainsi un processus inéluctable qui modifie les comportements sociaux et les mentalités. Elle agit comme un fait providentiel, un phénomène incontournable qui s’incruste progressivement dans les sociétés.
En analysant la démocratie américaine, Tocqueville observe un système relativement stable et ouvert, contrastant avec l’instabilité de la France postrévolutionnaire qu’il connaissait. Toutefois, il critique certaines imperfections, comme le retard du vote secret en France (mis en place seulement en 1913).
Ainsi, pour Tocqueville, la démocratie est bien plus qu’une organisation politique : elle est un processus sociétal global qui transforme en profondeur les rapports entre les individus, plaçant l’égalité comme norme fondamentale.
Pourquoi Karl Marx reste-t-il sceptique quant à la démocratisation en France au XIXe siècle ?
Karl Marx, témoin de la Révolution de 1848 et du premier suffrage universel masculin en France, demeure sceptique face à la démocratisation de son époque. Il critique particulièrement la participation politique de la classe paysanne, qu’il considère incapable de soutenir une démocratie moderne.
Marx décrit les paysans français comme des « paysans parcellaires », atomisés et isolés, comparant leur situation à des « pommes de terre dans un sac ». Selon lui, cette classe rurale, sans conscience collective ni organisation politique, ne peut pas jouer un rôle actif dans l’évolution démocratique. Pour Marx, une véritable démocratie nécessite une conscience de classe et une organisation collective, ce qui faisait défaut à la société française du XIXe siècle, encore largement rurale et dominée par des élites aristocratiques et bourgeoises.
Il considère également que le vote, en l’absence de conscience politique, peut être détourné. L’exemple du coup d’État de Napoléon III en 1851, soutenu par un vote massif, illustre selon Marx les limites du suffrage universel sans une classe ouvrière consciente et organisée.
Ainsi, Marx voit dans la démocratisation française une illusion plutôt qu’un véritable progrès, en l’absence d’une classe ouvrière capable de guider le peuple vers une démocratie moderne et émancipatrice.
