Leçon 2 Flashcards
Quels sont les principaux axes du modèle explicatif de Stein Rokkan sur les trajectoires étatiques en Europe ?
Le modèle de Stein Rokkan repose sur une approche évolutive et historique pour comprendre les trajectoires étatiques en Europe. Il s’articule autour de trois étapes majeures :
Les variables préliminaires : Elles expliquent la genèse de l’État moderne et l’émergence de l’État-nation dès les XVIe-XVIIe siècles. Le point de départ est la construction de l’État comme entité politique centrale.
Les variables intermédiaires : Ces variables, qui concernent le XIXe siècle, expliquent la formation des clivages politiques, notamment l’opposition droite/gauche et les tensions culturelles et sociales.
Les variables dépendantes : Elles sont censées décrire les attitudes politiques contemporaines, mais Rokkan n’a pas eu le temps de les développer avant sa mort.
Le modèle croise deux axes géographiques :
Horizontal (Ouest-Est) : Il introduit les variables économiques et territoriales. Par exemple, les nations impériales maritimes (Angleterre, Pays-Bas) ont bénéficié de flux commerciaux précoces, tandis que les nations continentales (Russie, Prusse) ont connu un développement militaire autoritaire en raison de crises agraires.
Vertical (Nord-Sud) : Il introduit les variables culturelles, notamment religieuses. Le protestantisme favorise la construction des États-nations au nord, tandis que la contre-réforme catholique freine ce processus au sud.
Rokkan démontre que l’État est le produit de facteurs multiples sans hiérarchie stricte (économie, territoire, culture), mais il est critiqué pour la complexité et le manque de généralisation de son modèle.
Rokkan n’a pas pu approfondir cette étape en raison de sa mort précoce.
Comment Charles Tilly explique-t-il la construction de l’État moderne et quelles fonctions lui attribue-t-il ?
Charles Tilly, sociologue américain, explique la construction de l’État moderne en lien avec les conditions militaires et les besoins en ressources. Pour Tilly, l’État remplit quatre fonctions principales, interdépendantes et liées à sa capacité à monopoliser la coercition :
Faire l’État : Attaquer et éliminer les rivaux internes qui contestent son autorité sur un territoire revendiqué.
Faire la guerre : Combattre les rivaux externes pour étendre ou protéger ses frontières.
Protéger l’État : Assurer la sécurité des alliés des dirigeants, généralement pour préserver les alliances stratégiques.
Prélever des ressources : Tirer des populations les moyens nécessaires pour financer les guerres et l’administration étatique.
Tilly montre que la construction de l’État moderne découle de l’interaction entre la bourgeoisie (qui accumule du capital) et les militaires (souvent issus de l’aristocratie) qui monopolisent la coercition. Le croisement de ces deux processus – accumulation économique et accumulation coercitive – permet l’émergence de l’État.
Contrairement à Wallerstein, qui date cette dynamique au XVIe siècle, Tilly situe le début de la construction étatique au XIVe siècle, en soulignant l’importance des villes comme foyers de développement économique. Il met également en avant la dimension guerrière de l’État : sans guerres incessantes, l’État moderne n’aurait pas vu le jour.
Tilly apporte une compréhension fonctionnelle de l’État moderne, tout en affirmant une relation de causalité entre son développement et la démocratisation des sociétés. Il reste toutefois centré sur les dimensions économiques et militaires, sans aborder la construction nationale.
Quelle est l’importance des variables économiques, culturelles et territoriales dans le modèle de Rokkan pour comprendre les États européens ?
Dans son modèle, Stein Rokkan combine trois types de variables pour analyser les trajectoires étatiques en Europe : économiques, culturelles et territoriales. Il montre que l’émergence des États modernes est un processus historique complexe, structuré par ces variables sans qu’aucune ne prédomine.
Variables économiques et territoriales (axe horizontal) :
Épine dorsale de l’Europe : Zone de forte activité marchande (Italie, Allemagne) où l’équilibre entre acteurs a retardé l’émergence de l’État.
Nations impériales maritimes : États comme l’Angleterre et les Pays-Bas, bénéficiaires des flux commerciaux, ont connu un développement étatique précoce grâce à un cercle vertueux entre capital et coercition.
Périphéries continentales et maritimes : Faibles flux économiques et incapacité à contrôler les territoires ont conduit à leur absorption par des États plus puissants (ex : Finlande dominée jusqu’en 1905).
Variables culturelles (axe vertical) :
Protestantisme : Il favorise l’État-nation en unifiant les citoyens autour de la religion, de la loyauté au monarque et d’une langue commune.
Zone mixte : La coexistence du catholicisme et du protestantisme freine la centralisation étatique (ex : Allemagne).
Contre-réforme : Les États catholiques du sud, sous influence papale, ont eu plus de difficultés à se construire comme des États-nations.
Ainsi, les trajectoires étatiques résultent du croisement entre des facteurs économiques, culturels et territoriaux. Ce modèle dynamique permet de comprendre pourquoi certains États se sont construits rapidement, tandis que d’autres, comme en Europe de l’Est ou du Sud, ont connu des retards. Toutefois, Rokkan est critiqué pour la complexité excessive et le manque de généralisation de ses conclusions.