Leçon 4 Flashcards

1
Q

Quelle distinction Juan Linz établit-il entre la construction étatique et la construction nationale ?

A

Juan Linz, politiste espagnol, distingue construction étatique et construction nationale pour des raisons conceptuelles et historiques. Sur le plan conceptuel, la construction étatique est un processus d’institutionnalisation et de bureaucratisation visant à établir des structures administratives et politiques durables. Ce processus, partagé par tous les États, varie en ampleur selon les contextes historiques. Linz utilise la notion d’étaticité pour souligner que certaines sociétés, comme la France, sont plus « étatisées » grâce à des héritages spécifiques, comme le féodalisme.

En revanche, la construction nationale est un processus à dimension culturelle. Elle repose sur une communalisation, c’est-à-dire la construction d’un sentiment subjectif d’appartenance à une même communauté de valeurs et de croyances partagées.

Historiquement, Linz met en avant un principe d’antériorité : l’État précède la nation. Pour lui, il n’existe pas de nation sans État. Une nation peut exister de manière latente au sein des élites sociales, mais elle ne devient une force politique qu’à travers un État capable de lui donner corps. Ce principe explique pourquoi la construction nationale est tardive par rapport à la construction étatique et reste inachevée dans de nombreux pays.

Cette distinction permet de mieux comprendre les trajectoires politiques des États modernes, en différenciant leur formation administrative et leur unification culturelle.

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Q

Quelles sont les principales différences entre les théories primordialistes et modernistes du nationalisme ?

A

Les théories primordialistes et modernistes s’opposent dans leur compréhension de l’origine de la nation et du nationalisme.

Les primordialistes, représentés par Edward Shils et Clifford Geertz, soutiennent que la nation trouve ses origines dans des appartenances anciennes et primaires, comme les liens ethniques, religieux ou familiaux. Selon eux, la nation précède l’État et s’enracine dans des continuités historiques remontant au Moyen Âge, voire à l’Antiquité. Walter Connor développe le concept d’ethno-nationalisme, affirmant que les nations valorisent des liens primordiaux, souvent à l’origine de mouvements de sécession.

À l’opposé, les modernistes, comme Ernest Gellner, Karl Deutsch et Benedict Anderson, considèrent la nation comme une construction récente, née des transformations sociales et économiques de la révolution industrielle au XIXe siècle. Gellner affirme que le nationalisme précède la nation : c’est l’État, via le monopole de l’éducation, qui forge le sentiment d’appartenance nationale. Il relie ce phénomène à la nécessité de former une main-d’œuvre lettrée pour répondre aux exigences du capitalisme.

Les modernistes critiquent le déterminisme historique des primordialistes, tandis que ces derniers dénoncent le caractère artificiel et trop récent des explications modernistes. Les théories mixtes, comme celles d’Anthony Smith, tentent de concilier ces approches en affirmant que la nation est un mélange d’éléments anciens et modernes.

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Q

Comment Ernest Gellner explique-t-il le lien entre nationalisme, révolution industrielle et construction nationale ?

A

Ernest Gellner, dans Nations et nationalisme (1983), établit un lien fondamental entre le nationalisme, la révolution industrielle et la construction nationale. Pour Gellner, la nation est une invention moderne née des transformations économiques et sociales du XIXe siècle.

Il rejette l’idée que la nation ait des origines primordialistes. Selon lui, la nation n’est pas une réalité préexistante, mais le produit du nationalisme, un principe politique qui affirme que l’unité politique (l’État) et l’unité nationale doivent être congruentes.

La révolution industrielle joue un rôle clé dans cette dynamique. Elle nécessite une main-d’œuvre lettrée et formée pour répondre aux nouvelles exigences professionnelles et technologiques. Cela marque la transition d’une éducation endogène (transmise par les familles et la religion) vers une éducation exogène, organisée par l’État. Ce dernier devient l’acteur central de la construction nationale en instaurant le monopole de l’éducation légitime, favorisant ainsi l’unification culturelle des populations.

Pour Gellner, ce processus est particulièrement visible en France, où l’école joue un rôle essentiel dans la formation d’une identité nationale. La célèbre phrase « La nation naît le jour de la rentrée des classes » résume cette idée. Ainsi, l’État-nation moderne repose non seulement sur le monopole de la violence légitime (Weber), mais aussi sur celui de l’éducation nationale, qui forge un sentiment d’appartenance partagé.

Gellner est toutefois critiqué pour son déterminisme économique, qui néglige les variations historiques et culturelles entre États.

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