LE DI ET LE DUE : OUTILS À LA DISPOSITION DU JUGE INTERNE Flashcards
Intro
Le DI et l’État sont avant tout un FAIT pour le juge interne, un fait politique (État du for a déjà une opinion sur l’État étranger).
-> particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance d’États !
DI et DUE : sources de droit interne
On observe un mouvement tanguant selon les systèmes quant à la position du juge lorsqu’il fait face à la question de l’État :
- entre déférence et autonomie vis-à-vis de l’exécutif
- dépassement de la reconnaissance formelle par les autres États
- Détermination autonome
Entre déférence et autonomie vis-à-vis de l’exécutif
La question de l’État se pose devant le juge interne chaque fois qui’l existe un ÉLÉMENT D’EXTRANÉITÉ. Le juge interne mobilise le droit international dans ces situations et se détache plus ou moins de la position de l’exécutif :
- DÉFÉRENCE : 1ère chambre civile, 19 mars 2014, affaire Taipei : la france n’a pas accepté de reconnaître un acte de signification diplomatique de Taiwan et par conséquent, ne reconnaît pas Taiwan comme entité souveraine. La Cour d’appel procède à l’examen dans les faits pour déterminer si Taiwan peut avoir la qualité d’État et en conclut que oui -> donc les immunités jouent. MAIS CASSSATION : la Cour rappelle que la reconnaissance d’un État dépend exclusivement du pouvoir exécutif et qu’il s’agit en ce sens d’un acte politique et non juridique. Elle casse l’arrêt au motif que la Cour d’appel s’est écartée du pouvoir exécutif, mais reconnaît tout de même qu’elle a correctement identifié Taiwan comme Étant DE FACTO un État souverain. -> le juge interne ne peut que tirer les conséquences de la position diplomatique du gouvernement FR (non reconnaissance de Taiwan) et ne peut la contrarier = l’immunité de juridiction ne peut jouer -> déférence vis-à-vis de l’exécutif.
- COMMON LAW : pour reconnaître les immunités, le juge a besoin que l’exécutif ait reconnu la qualité d’État.
- AUTONOMIE :
- 1ère chambre civile, 5 novembre 2014 : la Cour se détache de la position de reconnaissance de Taiwan par la France en considérant que, quand bien même la France ne reconnaît pas Taiwan, l’immeuble contesté n’appartient pas à la RPC mis à Taiwan, entendue comme entité distincte de la RPC. La non reconnaissance de Taiwan par le gouvernement français n’a pas conduit à rompe les relations diplomatiques avec Taiwan qui doit continuer à jouir de ses immunités diplomatiques.
- Cour de cassation italienne, Affaire Djukanovic, 2004 : La Cour considère que l’opinion exprimée par le MAE n’est qu’un élément à prendre en compte et non une voie à suivre. À la place, elle examine elle-même la question de l’immunité et conclut que les délits n’ont pas été accomplis à titre officiel = l’immunité ne joue pas -> autonomie vis-à-vis de l’exécutif.
- Cour de cassation, Affaire Clerget, 1971 : Dans cette affaire sur le Vietnam, le juge français va admettre que la République démocratique du Vietnam n’a pas été reconnue comme un Etat souverain.En revanche, elle va affirmer que, au vu d’accords conclus entre la France et cette entité, du bénéfice de privilèges diplomatiques par un représentant de cette entité accréditée en France, etc… le Vietnam doit être qualifié dans les faits d’Etat souverain
BILAN -> Les juridictions se détachent des pratiques de reconnaissance traditionnelles d’autres États pour développer leurs propres critères. Le juge ne se sent plus lié uniquement par la décision politique, il vérifie si dans les faits, l’entité peut être reconnue comme un État.
Détachement de la reconnaissance par les autres États
Cour d’appel de Bucarest, Affaire Schlesinger : la Cour considère que «selon les principes traditionnels du DI, l’existence légale d’un Etat avec ses conséquences d’exercice de la souveraineté du point de vue des autres Etats est une notion relative dépendant de la reconnaissance». ==> dépassement reconnaissance formelle par d’autres états.
La Cour fait primer les engagements internationaux de la Roumanie sur le droit interne = primauté totale du DI, indifférence quant à la position du pouvoir exécutif et des autres États (va donc encore + loin que la simple autonomie)
Détermination autonome
qualifier en droit et non plus simplement examiner le fait de l’État.
- Cour d’appel de Rhode Island, 2004 : le juge interne va déterminer si la Palestine existe en disant que l’autorité palestinne ne représente pas un État du pdv du droit des EU et du Droit international (absence de territoire, contrôle effectif, gouvernement…). -> le juge ne s’arrête pas à la reconnaissance.
- Conseil d’État, 2014 : demande d’asile d’un palestinien. Question de savoir là encore si la Palestine = Etat. Le juge dit que la demande a été faite par une personne résidant dans des frontières à l’intérieur desquelles une autorité exerce effectivement des pouvoirs. -> ne s’appuie pas là encore sur la reconnaissance et résultat totalement inverse.
—> EN BREF : comme l’État existe en fait, alors il existe en droit.
Exception à la règle selon laquelle le fait = le droit.
Exception : ex factis jus non oritur (le droit ne suit pas le fait). -> OBLIGATION DE NON RECONNAISSANCE. Dans le cas de violations graves du DI, bien qu’un fait existe, ce fait ne doit pas se consolider en droit. Origine : doctrine Stimson, 1932, dans le contexte de l’invasion de la Mandchourie par le Japon en 1931 et à l’établissement du Mandchoukouo, un État fantoche sous contrôle japonais (soit-disant indépendant).
L’obligation de non reconnaissance
Plusieurs situations dans laquelle l’ONR est en cause :
- Chypre
- Palestine
- Sahara occidental
L’obligation de non reconnaissance (Chypre)
- Chypre nord : création de la RCTN par laquelle Turquie après invasion de Chypre. Haute Cour du RU, décision Regina, 2009 : la Cour considère que la RCTN est un État dans les faits (se comporte comme tel) MAIS, si le RU à le reconnaître, il violerait son ONR (puisque État crée à la suite d’une invasion et donc de la violation de l’intégrité territoriale de Chypre.
ONR (art 40 et 41 Art 2001) s’impose en cas d’obligations jus cogens (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) et est attribuable à l’Etat dont fait partie l’organe judiciaire (art 4 Art 2001).
L’obligation de non reconnaissance (Palestine)
Palestine : CIJ, Avis 2024 : conséquences juridiques découlant des pratiques et politiques d’Israel dans le territoire palestinien occupé : «Tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant la présence illicite de l’État d’israël (…) et de ne pas prêter assistance au maintien de la situation» ; la question s’est posée jusque devant les JURIDICTIONS FRANÇAISES avec l’Affaire du tramway de Jérusalem, où la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, estimant que l’ONR ne s’imposait qu’aux États et non aux sociétés commerciales.
L’obligation de non reconnaissance (Sahara occidental)
Sahara occidental : accords de pêche et d’association commerciale Maroc-UE contestés par le Front Polisario qui allègue que les accords ne peuvent s’attendre au Sahara occidental, en tant qu’entité distincte du Maroc.
- CJUE, Conseil c. Front. Polisario, 2016 : cette affaire entérine le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes MAIS le contourne en l’espèce (la Cour ne l’applique pour reconnaître que l’extension de l’accord est illicite, elle considère à l’inverse que le Sahara occidental est un tiers à l’accord).
- CJUE, Western Sahara campaign v. UK, 2018 : La Cour interprète la notion de «territoire du Maroc» dans l’accord comme l’espace où le Maroc exerce la plénitude de ses compétences, à l’exclusion de tout autre territoire, y compris le Sahara occidental = exclusion totale du Sahara occidental. La Commission UE reconnaît le Sahara occidental comme territoire non autonome. Pourtant, elle amende l’accord en 2018 en y incluant les produits issus du Sahara occidental, considérant que l’accord aurait des effets bénéfiques pour sa population. -> nouvelle contestation du Front Polisario.
- CJUE, Conseil et Commission c. Front Polisario : la Commission estime que le Maroc est la puissance administrante de facto du Sahara occidental ET que l’accord bénéficie à la POPULATION. -> elle renvoie l’accord en l’étendant explicitement au Sahara occidental en le justifiant par une consultation auprès de la POPUPLATION (et non du peuple, ni de son représentant) -> nouvelle contestation par le Front Polisario.
- Tribunal UE, Front Polisario c. UE, 29 septembre 2021 : le tribunal confirme l’interêt à agir du FP DEVANT LA CJUE en tant que représentant légitime du peuple sahraoui ALORS MÊME qu’il ne s’agit pas de ressortissants de l’UE -> montre que le DI est un outil juridique devant les juridictions régionales lorsqu’elles doivent régler une question spécifique (importation de produit, extension d’un accord) et qu’elles se transforment en instances de respect du DI. Solution : annulation de l’extension de l’accord au Sahara occidental puisque le PEUPLE sahraoui n’a pas valablement consenti et n’a donc pas exercé son droit à l’autodétermination.
- CJUE, grande chambre, 4 octobre 2024 : la Cour confirme que le droit à l’autodétermination implique le consentement du peuple concerné quai peut être PRÉSUMÉ si l’accord n’impose pas d’obligations à l charge du peuple + s’il prévoit un avantage précis, concret et substantiel (en l’espèce non, annulation de l’accord mais sunset clause 12 mois pour des motifs de sécurité juridique) —> la CJUE construit de manière autoritaire mais tout en s’appuyant sur l’article 73 CHNU ce que signifie selon elle le droit à l’autodétermination en lui donnait une orientation particulière fondée sur le bénéfice.