E. APPLICATIONS : PROMOUVOIR LA CITOYENNETE Flashcards
I. Lutter contre l’abstentionnisme électoral
La première recherche-action concerna la lutte contre l’abstentionnisme électoral (Deschamps, Joule et Gumy, 2004). Racontez.
Elle s’est déroulée en Suisse, dans le canton de Vaud. Plusieurs façons de procéder ont été testées auprès d’étudiants issus de la même promotion quelques jours avant un scrutin concernant les accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Nous ne rappellerons que deux d’entre elles, une relevant de la persuasion, l’autre de la soumission librement consentie.
Dans un groupe d’étudiants (condition de persuasion), l’intervenant se contentait d’une plaidoirie contre l’abstentionnisme électoral.
Dans un autre groupe (condition de soumission librement consentie), l’intervenant tenait la même plaidoirie, mais il s’efforçait, en outre, d’obtenir de la part des étudiant(e)s deux actes préparatoires successifs.
Le premier consistait à répondre, par écrit, à la question :
- “À votre avis, quels aspects devrait-on prioritairement changer pour réussir à augmenter la participation aux scrutins ?”
Le second acte préparatoire consistait à répondre, par écrit également, à la question :
- “Imaginer les arguments que vous pourriez donner à un abstentionniste « convaincu » pour l’encourager à aller voter.”
Dans la condition de soumission librement consentie, les étudiants furent deux fois plus nombreux à se rendre effectivement aux urnes le jour J que dans la condition persuasion. Pourtant, comme dans la recherche de Lewin, les mesures d’intentions comportementales effectuées au terme de l’intervention ne permirent pas de déceler la moindre différence entre ces deux conditions, les étudiants se déclarant prêts à aller voter exactement dans les mêmes proportions dans les deux cas, en l’occurrence dans des proportions extrêmement élevées. Il reste que certains le font alors que d’autres ne le font pas, mettant en lumière une nouvelle fois le décalage qu’il peut y avoir entre les bonnes idées _ et même les bonnes intentions _ et les actes, et illustrant, une fois encore, qu’il suffit parfois de peu de chose pour modifier des habitudes.
« Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie », disait fort justement Kurt Lewin.
À ce propos, selon Robert-Vincent Joule, à quoi peuvent servir les travaux réalisés dans le paradigme de la soumission librement consentie et la théorisation proposée ?
Robert-Vincent Joule est persuadé que les travaux réalisés dans le paradigme de la soumission librement consentie _ et la théorisation proposée _ peuvent nous aider à mieux poser, et partant, à mieux traiter certaines questions d’actualité, en prise directe avec la vie sociale, qu’il s’agisse :
- d’optimiser des actions de prévention en matière de santé publique,
- de réinsertion sociale,
- de réinsertion professionnelle,
- de lutter contre les incivilités ou les violences urbaines,
- de promouvoir la citoyenneté
(pour synthèse voir : Joule et Beauvois, 1998).
Aussi, à titre d’illustration, il évoque dans ce chapitre trois recherches-actions très récemment réalisées.
II. Promouvoir l’écocitoyenneté
Quels sont les objectifs des deux recherches-actions réalisées pour promouvoir l’écocitoyenneté ?
Ces deux recherches-actions visent à promouvoir de nouveaux comportements en matière de maîtrise de l’énergie et de protection de l’environnement.
Contrairement à la recherche-action précédente qui se déroulait durant un temps très bref (moins d’une heure), elles se sont déroulées, quant à elles, sur plusieurs mois.
1) À l’échelle d’une école
En quoi consistait la première recherche-action menée par Joule et Bernard (2004) se déroulant à l’échelle d’une école ?
Cette recherche-action, conduite dans 11 écoles primaires de l’académie des Alpes-Maritimes, a été mise en œuvre à la demande du Service Environnement et énergie de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur dans le cadre du projet européen ALTENER. Le but était de promouvoir des comportements écocitoyens chez des élèves de 9-10 ans et chez leurs parents.
Elle s’est déroulée durant l’année scolaire 2002-2003.
Elle a concerné 700 familles et impliqué 28 enseignants.
1) À l’échelle d’une école
Dans cette recherche-action, les principaux actes préparatoires que les élèves étaient amenés à réaliser, au gré des semaines, sont au nombre de quatre. Lesquels ?
1) Il s’agissait d’abord (premier acte préparatoire) d’effectuer une observation à l’école afin de noter « ce qui est bien » et « ce qui l’est moins » en matière d’économie d’énergie et de protection de l’environnement.
2) Il s’agissait ensuite (deuxième acte préparatoire) d’effectuer une observation à la maison, chaque élève devant noter les habitudes familiales qui pourraient être changées sans que cela soit gênant pour personne.
3) Il s’agissait encore (troisième acte préparatoire) de remplir, avec l’aide de ses parents, afin évidemment de les impliquer aussi, un long questionnaire sur le thème des économies d’énergie à la maison.
4) Il s’agissait enfin (quatrième acte préparatoire) de mettre un autocollant en faveur de la protection de l’environnement sur le réfrigérateur familial.
1) À l’échelle d’une école
Quels étaient les objectifs de cette recherche-action ?
À la fin de l’année scolaire chaque enfant d’abord, chaque famille ensuite étaient invités à s’engager par écrit à modifier une de ses habitudes (éventuellement deux). Par exemple pour les enfants : prendre une douche plutôt qu’un bain ; par exemple pour les parents : ne plus prendre la voiture pour les très courts trajets ou éteindre systématiquement la veille du téléviseur.
Ces engagements se concrétisaient par la signature de deux bulletins d’engagement : celui de l’élève que l’enfant signait seul et celui de la famille que l’élève et ses parents signaient conjointement.
L’année scolaire se terminait aussi par une grande exposition.
Cet événement était l’occasion de présenter aux familles les productions (affiches, films, photographies, CD-ROM…) réalisées par les élèves durant l’année scolaire en faveur de la protection de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
Lors de l’exposition, un diplôme, notamment signé par le président de la Région, l’inspecteur de l’Académie et l’enseignant, était remis aux familles.
1) À l’échelle d’une école
Quel est le bilan de cette recherche-action ?
Le bilan est très encourageant.
Dans des proportions très élevées (jusqu’à 100 % dans certaines classes), élèves et parents d’élèves se sont engagés par écrit, à réaliser des actes précis susceptibles de se traduire par une baisse de la consommation énergétique (par exemple : éteindre systématiquement la veille du téléviseur, etc.).
Par ailleurs, la dynamique enclenchée par la démarche a débouché sur des actions comme : le remplacement d’ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation dans certaines écoles, la mise en place du tri sélectif pour les papiers de classe dans d’autres écoles.
Enfin, les élèves de plusieurs classes ont pris l’initiative d’adresser au maire des courriers pour lui demander, par exemple, de faire installer des minuteries pour l’éclairage des couloirs ou d’améliorer la sécurité des accès piétons à l’école ; autant d’actions qui ont permis aux élèves de faire l’expérience de la citoyenneté et, par-delà, de s’approprier les valeurs citoyennes recherchées.
2) À l’échelle d’une ville
En quoi consistait la seconde recherche-action ?
La seconde recherche-action (cf. Joule et al., 2004) visait à promouvoir l’écocitoyenneté à l’échelle d’une ville. Comme la précédente elle a été mise en œuvre à la demande du Service Environnement et énergie de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Elle a été réalisée en 2002 dans une ville de moyenne importance des Alpes-Maritimes. Sur la base du volontariat, un collectif de personnes « relais » a été constitué. Il s’agissait d’élus, de responsables d’institutions locales, d’enseignants, d’animateurs d’associations et de commerçants de la ville concernée. Chaque personne relais avait la responsabilité d’enclencher une action précise en faveur de la protection de l’environnement en impliquant le plus de monde possible, dans le cadre qui était le sien (écoles, centres aérés, maison des jeunes et de la culture, clubs sportifs, association de locataires et de propriétaires, etc.).
Toutes ces actions, qui sont autant d’actes préparatoires, étaient rendues visibles lors d’une journée de créations événementielles, afin que chacun sache et voit ce que les autres avaient fait concrètement. Cette journée, programmée un dimanche, était l’occasion de diverses manifestations (expositions, débats avec les élus, etc.). Elle était aussi, et surtout, l’occasion d’obtenir des engagements concrets de la part des habitants qui étaient invités à signer, en famille, un bulletin d’engagement. Parents et enfants choisissaient l’engagement qu’ils souhaitaient prendre dans une liste d’une dizaine d’engagements possibles. Chaque bulletin d’engagement signé était symbolisé par un soleil qui était immédiatement accroché sur un grand filet tendu sur la place de la mairie. Un simple coup d’œil sur le filet, permettait ainsi de suivre la progression du nombre d’engagements pris tout au long de la journée.
Plus de 500 engagements furent ainsi signés durant cette seule journée ! De quoi être optimiste, quand on sait, que les engagements à faire tel ou tel acte précis ayant fait l’objet d’une signature sont particulièrement efficaces et perdurent dans le temps (Girandola et Roussiau, 2003).