Cours 9 Flashcards
L’apprentissage et la mémoire chez l’aplysie
Eric Kandel (prix Nobel, 2000) a utilisé l’aplysie, une limace de mer, pour étudier la formation d’une trace mnésique dans un modèle animal très simple. Il a étudié le réflexe de retrait de la branchie déclenché par une stimulation tactile du siphon.
a) Le manteau est écarté de façon à montrer la branchie dans sa position normale.
b) Lorsqu’on applique un jet d’eau sur le siphon, la branchie se rétracte.
L’habituation chez l’aplysie
La répétition de la stimulation tactile sur le siphon atténue la réponse comportementale, le retrait de la branchie, c’est l’habituation.
D’un point de vue moléculaire, le neurone sensoriel libère du glutamate (neurotransmetteur excitateur) au niveau de la fente synaptique le séparant du neurone moteur.
La stimulation répétée du neurone sensoriel conduit à une diminution progressive de la libération de glutamate. Cette diminution correspond à une réduction du nombre de vésicules contenant le glutamate. Ceci diminue la réponse du neurone moteur qui retire la branchie.
• Les sessions doivent cependant être espacées dans le temps, de quelques heures à une journée. Si elles sont données les unes à la suite des autres, sans repos - on parle d’apprentissage «massé» - les mêmes sessions d’apprentissage ne produisent pas de mémoire à long terme.
• Il s’agit d’un principe général de la psychologie de l’apprentissage, l’entraînement espacé est plus efficace que le «massé» pour produire de la mémoire à long terme
La sensibilisation chez l’aplysie
La sensibilisation permet d’identifier et d’apprendre à éviter les stimuli nocifs ou menaçants.
Si panne de courant, on va être plus anxieux au stimulus (mur qui craque)
Après un choc électrique sur la queue (stimulus nocif) l’aplysie répond à une stimulation tactile du siphon par une amplification du retrait de la branchie = sensibilisation.
Mécanisme de sensibilisation du réflexe de retrait de la branchie chez l’aplysie
Un stimulus douloureux appliqué sur la queue (choc électrique) active le neurone modulateur sérotoninergique, qui facilite la neurotransmission à la synapse entre le neurone sensoriel et le neurone moteur. Il y a donc une amplification du réflexe de retrait de la branchie.
Cette expérience douloureuse résulte d’un renforcement temporaire de l’activité des connections synaptiques, c’est une sorte de mémoire à court terme (MCT).
Mécanisme moléculaire de la sensibilisation
a) Un choc électrique sur la queue:
La libération de sérotonine sur la terminaison présynaptique entraine une élévation de messagers secondaires (AMPc et PKA) qui facilite (amplifie) la libération de glutamate par le neurone sensoriel lorsque le siphon est stimulé tactilement. Cette augmentation transitoire du glutamate correspond à une mémoire à court terme.
b) Plusieurs chocs électriques:
Cela créé une mémoire à long terme qui résulte du renforcement persistant des connections synaptiques. La stimulation répétée des chocs électriques du neurone modulateur sérotoninergique produit une sensibilisation à long terme: les PKA vont se rendre au noyau et y induire la transcription de nouveaux gènes, ce qui va permettre la synthèse de nouvelles protéines. Celles-ci vont entrainer la formation de nouvelles connections synaptiques qui augmentent l’efficacité de la synapse. Changement à long terme = mémoire à long terme
La tranche d’hippocampe de rat «in vitro» est un autre modèle très utilisé pour:
étudier la mémoire.
Il est possible de retirer l’hippocampe du cerveau des souris/rats de laboratoires et de le découper en fines tranches avec un microtome (épaisseur des tranches: 450 μm).
On peut maintenir ces tranches vivantes pendant quelques heures en les perfusant dans une solution oxygénée (reconstituant le liquide céphalo-rachidien) et faire des enregistrements in vitro.
Anatomie de l’hippocampe d’un rat
L’hippocampe est formé de 2 fines couches de neurones repliées l’une sur l’autre : le gyrus denté et la corne d’Ammon (CA). La corne d’Ammon est divisée en 4 parties, mais les plus importantes sont les régions CA1 et CA3.
1.L’information entre dans l’hippocampe par le cortex entorhinal via la voie perforante. Les axones de la voie perforante font synapse sur les neurones du gyrus denté.
2.Les cellules granulaires du gyrus denté émettent des axones, les fibres moussues, qui forment des synapses sur les cellules pyramidales de l’aire CA3.
3.Les axones des cellules pyramidales CA3 se ramifient, l’une des branches quitte l’hippocampe par le fornix. L’autre branche, qui forme les collatérales de Schaffer, fait synapse sur les neurones pyramidaux de CA1.
Les cellules pyramidales CA1 projettent enfin à leur tour leurs axones vers le subiculum ou le cortex entorhinal.
La découverte de la potentialisation à long terme (PLT)
La potentialisation à long terme (PLT) est un mécanisme de plasticité synaptique initialement décrit dans l’hippocampe, qui comme on l’a vu, a un rôle critique dans la formation des souvenirs. C’est une augmentation persistante de l’activité synaptique après la stimulation à haute fréquence d’une synapse.
1ère découverte de la PLT (Norvège, 1973): Bliss et Lomo, qui travaillaient sur des lapins in vivo, ont montré qu’une stimulation à haute fréquence de courte durée des synapses de la voie perforante sur les neurones du gyrus denté provoquait une PLT.
La plupart des études subséquentes (dessin d’une expérience type ci-bas) ont été faites sur les synapses formées par les collatérales de Schaffer (stimulation) et les neurones de CA1 (enregistrement) sur des tranches d’hippocampes de rats (in vitro).
Potentialisation à long terme dans CA1
Augmentation d’une réponse
a) Dans une expérience typique, une électrode implantée dans un neurone CA1 de tranches d’hippocampe enregistre l’activité post-synaptique (PPSE) induite par la stimulation de 2 afférences. Ces stimulations-test sont pratiquées à toutes les minutes pendant 15-30 minutes (pour avoir une réponse de base stable).
b) Puis, une brève stimulation à haute fréquence (100Hz), la tétanisation, est délivrée (par la même électrode) sur les afférences 1, ce qui induit la PLT. La stimulation-test suivante génère un PPSE de plus grande amplitude que ceux de la ligne de base.
c) Les afférences 2, sur le même neurone, mais qui n’ont pas subi de tétanisation ne démontrent pas de PLT.
*La PLT est spécifique à l’afférence tétanisée.
*Les modifications synaptiques résultant de la tétanisation rendent les synapses stimulées plus efficaces.
La PLT est très:
durable
Expérience sur un rat in vivo : (vivant)
Cette PLT a été induite par une stimulation tétanique via des électrodes implantées dans un rat éveillé. La PLT est encore présente après une année.
Mécanisme de la PLT dans CA1
Les médiateurs de la transmission synaptique excitatrice dans l’hippocampe sont les récepteurs du glutamate.
Prenons comme exemple une synapse typique entre les collatérales de Schaffer et les cellules pyramidales CA1. La stimulation des collatérales de Schaffer provoque la libération de glutamate qui agit sur les récepteurs post-synaptiques AMPA et NMDA.
a) Lorsque le potentiel de membrane post-synaptique est négatif, les récepteurs NMDA sont bloqués par les ions Mg2+. Le courant ionique produit (PPSE) provient seulement du passage des ions Na+ à travers les récepteurs AMPA, ce qui va dépolariser la membrane.
b) Lorsque la libération de glutamate coïncide avec une dépolarisation post- synaptique suffisante pour enlever les ions Mg2+, le canal du récepteur NMDA se libère et laisse entrer les ions Na+ mais aussi les ions Ca2+.
Augmentation du calcium au niveau post- synaptique durant une PLT
Preuve de l’augmentation du calcium:
Deux types d’expériences, qui inhibent l’induction de la PLT, ont prouvé que la PLT s’accompagne d’une augmentation de la concentration post-synaptique d’ions calcium.
- Le blocage des récepteurs NMDA par un antagoniste (ex. APV)
- Le blocage de l’élévation de la concentration intracellulaire d’ions Ca2+ par l’injection d’un chélateur de Ca2+ dans le neurone post-synaptique (le chélateur fixe les ions Ca2+ ).
Effets de l’augmentation du calcium post-synaptique:
L’élévation de la concentration intracellulaire d’ions Ca2+ active 2 protéines kinases:
- la protéine kinase C (PKC)
- la protéine-kinase II calcium-calmoduline-dépendante = CaMKII
Les protéines-kinases régulent l’activité d’autres protéines par phosphorylation.
Important du calcium car permet l’activation protéines kinases = régulent l’activité d’autres protéines
Différents mécanismes d’expression de la PLT dans CA1
Donc, l’entrée du Ca2+ par les récepteurs NMDA active des protéines kinases qui augmentent l’efficacité d’une synapse par deux mécanismes distincts :
1) La phosphorylation des récepteurs AMPA (par PKC ou CaMKII) induit probablement un changement de conformation de la protéine qui augmente la conductance ionique du canal. C’est-à-dire que l’efficacité des récepteurs AMPA pré-existants augmente.
2) L’insertion dans la membrane post-synaptique de récepteurs AMPA nouvellement formés. Il y aurait des vésicules situées à proximité de la membrane qui contiendraient des récepteurs AMPA en réserve. Ces vésicules pourraient fusionner avec la membrane post-synaptique et augmenter le nombre de récepteurs AMPA.
L’apprentissage au niveau synaptique
Pendant l’apprentissage, les synapses se renforcissent.
L’augmentation du nombre de récepteurs dans la membrane post-synaptique entraine des modifications structurales qui élargissent la taille de l’épine dendritique, ce qui rend la synapse plus efficace.
Voir photo
Croissance des épines dentritiques en réponse à une PLT-1
La fusion des vésicules contenant les récepteurs AMPA avec la membrane post- synaptique permet d’augmenter le nombre de récepteurs fonctionnels au niveau de la synapse. Cette addition de membrane et de récepteurs entraine des modifications structurales des épines dendritiques, qui apparaissent comme gonflées. Après une PLT, les épines dendritiques se développent et parfois même se divisent pour accueillir de nouvelles synapses.
Modifications structurelles:
Formation de nouvelles épines dendritiques une heure après l‘induction d‘une PLT dans l‘hippocampe.
Dépression à long terme dans l’hippocampe
S. Dudek et M. Bear (1992) montrèrent que la stimulation tétanique à basse fréquence des collatérales de Schaffer provoquait un affaiblissement de la transmission synaptique. C’est la dépression à long terme (DLT).
a) Enregistrement des PPSE d’un neurone CA1 lorsqu’il est stimulé alternativement par 2 inputs.
b) L’enregistrement effectué montre que la stimulation tétanique à basse fréquence (1 Hz) (flèche) des afférences 1 induit une réduction de la réponse par rapport à la ligne de base = DLT.
c) La DLT est spécifique : la stimulation de l’afférence 1 n’affecte pas la réponse produite par la stimulation de l’afférence 2.
Mécanismes expliquant la PLT et DLT dans l’hyppocampe
L’induction de la DLT est aussi produite par l’activation des récepteurs NMDA et l’entrée de Ca2+ dans le neurone post-synaptique.
Comment le même signal, c’est-à-dire une élévation de Ca2+ au niveau post-synaptique, peut-il conduire à la fois à l’induction de la PLT et de la DLT ?
La différence est liée au niveau d’activation des récepteurs NMDA et à l’entrée de Ca2+ suite à une stimulation à haute ou basse fréquence:
- SHF: Le neurone post-synaptique est fortement dépolarisé -» Mg2+ sort et libère tous les canaux des récepteurs NMDA -» l’afflux massif d’ions Ca2+ entrant par les canaux induit la PLT
- SBF: Le neurone post-synaptique est faiblement dépolarisé -» blocage partiel des récepteurs NMDA -» l’afflux moindre de Ca2+ entrant par les canaux des récepteurs NMDA induit la DLT
Les différentes concentrations intracellulaires de calcium induisent l’activation de différentes enzymes.
- ↑↑↑↑ Ca2+ -» active protéines kinases -»phosphorylation des récepteurs AMPA -» PLT.
- La phosphorylation des récepteurs AMPA augmente leur conductance ionique. Les protéines kinases induisent aussi l’insertion de nouveaux récepteurs AMPA dans la membrane.
- ↑ Ca2+ -» active protéines phosphatases -» déphosphorylation des récepteurs AMPA.
- La déphosphorylation des récepteurs AMPA réduit leur conductance ionique.
- Il y a aussi internalisation des récepteurs AMPA à la synapse -» DLT
Voir photo
Souris mutantes
1) Les premières expériences avec des souris mutantes de Tonegawa et al. (MIT):
Délétion du gène CaMKII :
- Comportement : les souris présentaient des déficits mnésiques dans les tests d’apprentissage
- Enregistrements électrophysiologiques : absence de PLT dans l’hippocampe.
Conclusion: il y a bien une corrélation entre la PLT et la mémoire.
2) Avancée remarquable faite par Tonegawa avec des souris mutantes du récepteur NMDA:
Il est maintenant possible de restreindre la délétion des récepteurs NMDA à une région spécifique (CA1) et à un moment spécifique du développement (ex. 3ième semaine post-natale).
- Comportement : performance médiocre dans le test d’apprentissage de la piscine de Morris.
- Enregistrements : ces souris présentent un déficit de la PLT et de la DLT
Conclusion : Les récepteurs NMDA jouent un rôle clé dans l’apprentissage et leur action est spécifique aux neurones CA1 de l’hippocampe.
3) Souris mutantes qui surexpriment les récepteurs NMDA:
Ces souris montrent de meilleures capacités d’apprentissage dans certains tests de mémoire !
Induction de la PLT par apprentissage
Est-ce que la PLT représente vraiment la mémoire?
Les rats préfère généralement la partie obscure, mais choc dans partie obscure
a) Dans cette expérience, le rat reçoit un choc électrique dans le compartiment obscur et développe instantanément un comportement d’évitement (mémoire du choc).
Des électrodes insérées dans l’hippocampe enregistrent l’efficacité synaptique avant et après le comportement d’évitement.
b) Les enregistrements de l’activité synaptique dans CA1 (PPSE) montrent que le développement de la PLT correspond au souvenir de cet expérience.
Synthèse protéique et consolidation mnésique
Dans le test d’évitement actif, le comportement d’évitement dure normalement plusieurs jours à plusieurs semaines.
Si les rats reçoivent un inhibiteur de la synthèse protéique juste avant de subir le conditionnement :
- Les rats se réfugient dans le compartiment éclairé et évitent le compartiment sombre, donc l’apprentissage est réussi.
- Par contre, ce souvenir s’estompe le jour même car la synthèse des protéines est bloquée.
Conclusion : La synthèse de nouvelles protéines est nécessaire à la consolidation mnésique, lorsque les éléments de la mémoire à court terme sont transformés en souvenirs à long terme.
Réarrangement synaptique après l’apprentissage ou la mémorisation (p.922)
Des rats placés dans un environnement «enrichi» montrent une augmentation du
nombre de synapses dans le cortex (25% par neurone dans le cortex occipital). Les synapses peuvent être renforcées ou affaiblies dépendamment des conditions de leur environnement (enrichi ou pauvre).
Ces changements structuraux sont à la base de la mémorisation à long terme et la capacité de se rappeler les choses que l’on a déjà apprises même si cela fait longtemps!
La plasticité synaptique
Comme on l’a vu, les neurones ont cette capacité de modifier de façon durable l’efficacité de leur transmission synaptique, par exemple via le mécanisme de PLT. Lorsque les synapses augmentent ou diminuent leur activité, on parle de plasticité synaptique.
Donc, lorsqu’on apprend, certaines connexions neuronales se renforcissent. Ce phénomène créé des circuits de neurones qui deviennent «habitués» à travailler ensemble et l’information y circule plus facilement, comme un sentier dans la forêt qui s’agrandit lorsqu’on y marche souvent.
Pour se remémorer un fait ou un événement des jours ou des années plus tard, il faut réussir à réactiver ces circuits nerveux. Cela est plus facile dans certaines conditions, par exemple s’il y a eu un long apprentissage par répétition ou si les émotions étaient très fortes au moment de l’encodage (comme on l’a vu au cours 8).
La plasticité cérébrale
La plasticité cérébrale ou neuroplasticité est la capacité du cerveau de créer, défaire ou réorganiser les réseaux de neurones et les connexions de ces neurones. Le cerveau est ainsi qualifié de « plastique » ou de « malléable ».
Ce phénomène est responsable de la diversité de l’organisation fine du cerveau parmi les individus (l’organisation générale est régie par l’hérédité) et des mécanismes de l’apprentissage et de la mémorisation.
La plasticité cérébrale est présente tout au long de la vie, avec un pic d’efficacité pendant le développement, puis toujours possible mais moins fortement chez l’adulte, c’est ce qui nous permet d’apprendre ou de mémoriser de nouvelles choses.
Récapitulation du mécanisme de formation des souvenirs
L’apprentissage repose sur la plasticité des circuits de notre cerveau.
On peut donc dire que le cerveau stocke de l’information dans des réseaux de synapses modifiées (la disposition de ces synapses constituant l’information) et qu’il récupère cette information en activant ces réseaux. Tous nos souvenirs (événements, mots, images, émotions, etc.) correspondent dans notre cerveau à l’activité particulière de certains réseaux de neurones ayant des connexions renforcées entre eux.
Aucun neurone isolé ne contient en lui-même l’information nécessaire à la restitution d’un souvenir. La trace mnésique est plutôt latente
L’association de ces groupes de neurones corticaux répartis dans différentes aires cérébrales est rendu possible grâce à certains réseaux de neurones pré-câblés.
Certains de ces réseaux pré-cablés, comme ceux de l’hippocampe, jouent donc un rôle clé dans la formation des souvenirs de la mémoire déclarative qui peuvent être conservés pendant des années.