Le pouvoir de la parole Flashcards
Les politiques, Aristote
La parole semble dotée une dimension politique
↳ Conséquence de la thèse de la sociabilité naturelle de l’homme, homme spontanément attiré par ses semblables
▪ Plus profondément, homme accompli son humanité en devant un être politique
↳ Artistote écrit:
« Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait parti des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique(…) »
↳ Argument téléologique comme point de départ de sa démonstration : la nature ne fait rien en vain ⇒ homme dispose discours rationnel car animal politique
▪ Cité : espace où des valeurs communes vont pouvoir émerger à la suite d’un débat - une communauté accouche d’une certaine représentation du monde, de conceptions du bien et du mal exprimés par l’échange des discours
↳ Précisément logos - le langage en tant que restitution rationnelle de la réalité objective - permet aux hommes de faire exister une forme de réalité qui ne serait pas existante par ailleurs
⇒ Ainsi, association d’hommes ≈ nouvel ordre de réalité était institué avec nouveau langage
↳ Augmentation de la réalité - la politique fait émerger une réalité de valeurs
La parole serait donc éminemment politique.
La société contre l’Etat, Pierre Clastres
▪ La parole semble être un vecteur de légitimité du pouvoir : elle sert en effet à justifier les décisions prises autant qu’à préparer ceux sur lesquels l’action du pouvoir va s’appliquer
▪ L’autorité des dirigeants n’est jamais totalement indépendante de l’assentiment des dirigés ⇒ Autorité doit être entretenue, préservée ou renforcée par le discours
Clastres étudie les sociétés amérindiennes et montre que leur chef est nécessairement un bon orateur, car il doit prouver à tout instant l’innocence de sa fonction- il est en cela sous la dépendance du groupe (Philosophie de la chefferie indienne, dans La société contre l’Etat)
▪ Il est plus précisément un « faiseur de paix », une instance modératrice du groupe, obligatoirement généreux de ses biens et ne pouvant repousser les demandes des « administrés »
En somme, le chef n’a pas de pouvoir de coercition; il jouit seulement de l’autorité que donne la sagesse reconnue, la générosité et l’habileté oratoire (vise à empêcher la société égalitaire de dégénérer, par le développement des richesses et des pouvoirs, en un Etat inégalitaire)
▪ Elles confèrent au chef des sociétés amérindiennes un statut invalidant le préjugé des premiers Européens, qui les décrivaient comme « sans foi, sans loi, sans roi »
Les sociétés amérindiennes jouissaient en réalité d’une organisation dans laquelle la parole dirigeante maintenait le pouvoir dans certaines limites tout en le légitimant
Propagandes, Jacques Ellul
La parole apparaît comme un instrument clef du pouvoir.
▪ Dans les régimes politiques modernes, l’objectif de participation politique crée le besoin pour les gouvernants de s’adresser aux gouvernées, et pour ceux-ci d’être informés par les gouvernants
Mais opinion publique versatile, donc les dirigeants doivent influencer la masse pour qu’elle appuie leurs décisions
▪ Jacques Ellul : cette nécessité explique le développement de la propagande, définie comme « l’ensemble des méthodes utilisées par un groupe organisée en vue de faire participer activement ou passivement à son action une masse d’individu psychologiquement unifiés par des manipulations psychologiques et encadrés dans une organisation »
La persuasion consiste en une unification psychologique : l’individu ne peut être atteint qu’au sein de la masse- car elle l’intègre à la vie collective et lui fait partager un langage commun
▪ Le « propagandé » est toutefois complice du « propagandiste », affirme le sociologue
L’individu veut en effet avoir une opinion sur tous les évènements et demande donc un schéma explicatif simple pour comprendre et participer
Dès lors, la démocratie n’exclut pas la propagande : il n’existe pas de démocratie sans information, mais il n’existe pas d’information sans propagande ; c’est pourquoi la démocratie doit faire de la propagande pour survivre alors même que la propagande est, par essence, la négation de la démocratie
La parole de la propagande serait donc un outil incontournable du pouvoir
La fabrication du consentement, Noam Chomsky
La parole médiatique peut être perçue comme un instrument du pouvoir
Subjective, elle serait implicitement le relais de l’idéologie des dominants
▪ Ainsi les événements historiques ou politiques sont traités par les médias de manière à faire adhérer les individus à la vision du monde et à l’action des dirigeants. Noam Chomsky met en évidence l’existence d’un système médiatique servent à communiquer des messages et des symboles à la population ; les médias auraient en réalité vocation à distraire, amuser, informer, et à inculquer à leurs destinataires les croyances et codes comportementaux qui les intégreront aux structures sociales au sens large
▪ Dans un monde où les intérêts de classe entrent en conflit, accomplir cette intégration nécessite une propagande systématique
Plus précisément, le modèle de propagande proposé par Noam Chowsky et Edwar Herman identifie cinq filtres principaux de l’information : la dimension économique du média, le poids de la publicité, le poids des sources gouvernementales ou économiques, les contre-feux qui peuvent être utilisés contre le média, et un filtre idéologique principal (comme l’anticommunisme, ou la guerre contre le terrorisme)
Bien loin de constituer un « quatrième pouvoir » en démocratie, la parole médiatique ferait donc régner une forme particulière de désinformation qui servirait les intérêts des élites politiques et économiques
Ce que parler veut dire, Pierre Bourdieu
La parole semble servir le prestige des locuteurs dominants
Le discours aurait alors pour fonction de véhiculer l’importance symbolique du discoureur dans le cadre d’un système hiérarchique convenu et renforcé de la sorte
▪ Cela explique les phénomènes de surenchère où le sens des mots se dissout dans un échange de signes plus ou moins valorisants
Pour Bourdieu, ainsi, l’hétérogénéité de la société est inhérente à la parole, car les locuteurs se caractérisent par des conditions sociales d’acquisition, de production et d’utilisation de la langue différente, la linguistique classique fait fi de cette dimension sociale, en concevant la langue comme le pur et simple support d’une activité mentale
▪ Chez Saussure, par exemple, la communication s’effectue dans un univers égalitaire et transparent, où locuteur et auditeur, interchangeables dans leur soumission aux normes du système langue, n’échangent que des idées ou des concepts
Bourdieu ne conçoit pour sa part pas le langage comme intellection, mais comme action : il correspond à une pratique sociale traduisant des rapports de force
▪ En clair, la domination d’une classe sur une autre est aussi celle de la domination de la langue de cette classe sur cette autre - il existe un « marché linguistique » sur lequel l’usage de la parole vise à obtenir des profits symboliques
Cette analogie montre que l’échange linguistique est également économique, puisqu’il sert à asseoir une domination.
LTI la langue du IIIe Reich, Victor Klemperer
La parole semble s’imprégner de l’état politique dans lequel elle évolue
▪ La nature du pouvoir et le fonctionnement des institutions se refléteraient dans le vocabulaire, dans les références ainsi que dans les structures argumentatives du discours
Cela serait notamment le cas dans les régimes totalitaires où la propagande tient une place toute particulière
▪ Victoire Klemperer montre ainsi dans LTI la langue du IIIe Reich à quel point le pouvoir nazi a travesti la parole : les altérations apportées à la langue allemande constituent même selon lui l’héritage le plus durable du régime nation-socialiste
▪ Parodiant les abréviations du Troisième Reich, la LTI (Lingua Tertii Imperii : « langue du Troisième Empire ») est la langue d’un groupuscule qui, arrivé au pouvoir, l’a imposée à la société tout entière
Déclamatoire, elle supprime les différences entre l’oral et l’écrit, le public et le privé, afin de dissoudre l’individu dans la masse et ne plus s’adresser qu’à celle-ci, la fanatiser et la mystifier
« Le hurlement remplace la parole, écrit le linguiste, le cri se substitue au verbe. La langue n’est plus. »
C’est pourquoi, une fois la guerre terminée, la langue devait être un enjeu de la dénazification : il fallait débarrasser l’allemand des mots, des tournures de langage et des concepts qui faisaient perdurer le paradigme nazi
La parole est donc enjeu politique parce qu’elle tend à prendre les caractéristique de l’organisation sociale.