Marxisme, postpositivisme et féminisme Flashcards
Héritage marxiste
Qu’est-ce que le marxisme?
La vision théorique vient des années 1960 et 70, mais remonte à Marx et Engels, qui vient des implications de leur théorie générale, plus que d’écrits explicites.
Les écrits de Marx étaient plus des réactions à chaud que des théories générales en RI, car il vit dans un contexte plutôt pacifique du concert des nations, mais les conflits sont au niveau des relations sociales, car révolution industrielle. L’unité d’analyse fondamentale sont les classes, et non pas les États ou individus. Les relations entre États s’expliquent par leur place au sein du monde de production mondial. Le capitalisme s’est organisé sur des bases stato-nationales, l’État ne fait que refléter des rapports de force. Cette lutte se fait aussi entre capitalistes bourgeois, et entre capitalistes et formations sociales précapitalistes: expansion coloniale d’un État capitaliste des autres sociétés non européennes, mais pour Marx c’est la seule voie vers la modernité, c’est un moment obligé de la lutte des classes. Cette analyse “marxienne” (renvoie à ce qui découle directement des écrits de Marx, contre “marxiste” qui renvoie à son héritage, soit une perspective ou un auteur) de la colonisation se différencie radicalement de celles subséquentes.
Un rôle important dans ça vient de Lénine: l’expansion colonialiste, requalifiée d’impérialiste, adjectif inconnu à Marx, est considérée comme un élément consubstantiel au capitalisme et destructeur pour les sociétés victimes. Pour Lénin, l’impérialisme s’inscrit dans la loi de développement du capitalisme. Le capitalisme évite sa crise finale grâce à l’expansion impériale, du moins pendant un moment; mais cela se fait au prix d’un agrandissement des rivalités extérieures entre États bourgeois, en lutte pour les mêmes colonies: l’aboutissement de l’impérialisme est le recours aux armes entre ces États. Il s’inscrit dans la même lignée que Marx, mais pas le même rapport au colonialisme.
Boukharine: ville (pays industriels) contre campagne (régions agricoles) de l’économie mondiale, avec toujours une rivalité interétatique.
Héritage marxiste
Qu’est-ce que le néomarxisme?
On cherche à étudier l’analyse des relations entre économies développées capitalistes et sous-développées du tiers-monde. Nouvelle conception de l’impérialisme, relation d’exploitation essentiellement économique: école de la Dependencia. Le point de départ est le sous-développement des États d’Amérique Latine. Cette situation de sous-développement viendrait de l’échange inégale, leur situation de périphérie dépendant structurellement du centre.
Galtung poursuit cette réorientation, en ce qu’il se définit comme “structuraliste” et non néomarxiste. Il développe cette dialectique centre-périphérie. Entre ces centres et ces périphéries se nouent des relations constitutives d’impérialisme structurel. Cette théorie structurelle de la violence vient de cette notion de violence structurelle; cette relation existe hors violence armée. La notion d’impérialisme de Galtung perd toute connotation marxienne, il se rapproche des notions de domination, de puissance. Il ouvre ce faisant la voie à la théorie du système monde de Wallterstein.
Wallterstein: Il n’y a pas de phénomènes économiques séparés et distincts des phénomènes sociaux et politiques. Il faut réorganiser, à une échelle globale, les fondements du savoir dans les sciences sociales: le seul véritable système social est le système mondial. Il définit le système comme un fragment de l’univers englobant à plus ou moins grande échelle non pas plusieurs États, mais plusieurs entités politiques, économiques et culturelles, reliées entre elles par une auto-suffisance économique et matérielle fondée sur la division du travail et des échanges privilégiés. C’est la coexistence d’une économie unitaire capitaliste hiérarchisée et d’un système interétatique pluraliste anarchique. Ce système n’est pas une coïncidence, mais la condition du bon fonctionnement de l’économie-monde et de sa reproduction dans le long terme.
Héritage marxiste
Qu’est-ce que l’approche néogramscienne?
L’approche néogramscienne en relations internationales, émergeant de Cox et influencée par Gramsci, critique à la fois le néoréalisme et les approches marxistes orthodoxes. Elle se focalise sur l’analyse des relations de pouvoir en lien avec la production. Cette approche adopte une perspective holistique, historique et transformante, rejetant la notion de concepts transhistoriques en RI. Elle met l’accent sur les conditions d’émergence historique des relations de pouvoir dans un contexte mondial donné, affirmant que le savoir est influencé par les pratiques sociales. Les néogramsciens examinent les dynamiques de pouvoir dans la politique mondiale en considérant la structure d’accumulation spécifique à chaque ordre mondial, soulignant que la relation centre-périphérie est économique avant d’être géographique. Ils étudient les blocs historiques et leurs transformations, mettant en avant une analyse normative visant à promouvoir des formes de résistance pour une transformation émancipatrice des rapports de pouvoir et de production à l’échelle locale, nationale et globale.
Héritage marxiste
Qu’est-ce que la théorie du système monde?
La division internationale du travail s’organise sous la forme de la domination d’une zone périphérique par une zone centrale. L’appropriation des surplus des États de la périphérie par ceux du centre est la dynamique principale permettant la reproduction de cette domination. Une nouveauté par rapport à la théorie de la dépendance est le concept de semi-périphérie qui vient désigner un zone se situant à plusieurs égards entre les deux zones. La TSM cherche à démontrer comment les déplacements du centre de l’économie-monde européenne correspond à ceux du centre du pouvoir politique au sein du système-monde moderne. Le cycle de la succession des puissances hégémoniques a donc une base matérielle. Il accorde beaucoup d’importance au cycle de Kondratieff.
Textes
Christopher Chase-Dunn et Peter Grimes 1995 (World-Systems Analysis)
La notion de système-monde, émergée dans les années 1970, propose une compréhension contextuelle du développement en tant que résultat d’interactions locales au sein d’une économie mondiale centrée sur l’Europe en expansion. Trois axes de convergence émergent dans la littérature académique : la découpe de l’histoire en périodes distinctes selon différentes définitions du système-monde, la manière dont les schémas de changements structurent sa reproduction, et la reproduction de la hiérarchie mondiale des richesses et de la puissance. Le système-monde moderne est conceptualisé comme un ensemble complexe d’interactions englobant toutes les unités d’analyse, et il est caractérisé par une hiérarchie de puissance entre le centre, la périphérie, et la semipériphérie. Immanuel Wallerstein, à l’origine de cette perspective, définit le système-monde comme une division territoriale et multiculturelle du travail, soulignant la compétition interétatique. D’autres chercheurs comme Frank et Gills mettent l’accent sur l’échange de produits, et Chase-Dunn et Hall évoquent des réseaux intersociétaux pour la reproduction des structures internes. Les tendances contemporaines du système-monde incluent des aspects démographiques, des changements technologiques, la marchandisation croissante, la prolétarisation, la croissance des entreprises, et l’expansion de l’État. Les cycles, tels que les cycles de Juglar, Kuznets, et Kondratieff, ainsi que les cycles d’ascension et de chute d’hégémons, jouent un rôle dans l’évolution historique des systèmes-monde.
Textes
Barry K. Gills 2013 (La théorie du système monde (TSM): Analyse de l’histoire mondiale, de la mondialisation et de la crise mondiale)
La Théorie du Système-Monde (TSM) offre un cadre d’analyse critique de l’histoire globale en tant qu’ensemble de processus historiques de longue durée, dépassant les clivages entre époques précapitalistes et capitalistes. Inspirée du marxisme et du matérialisme historique, la TSM s’éloigne des théories de Wallerstein, visant à décentrer l’analyse eurocentrique et élargir l’horizon spatial et temporel à 3000 ans de processus historiques mondiaux. Elle met l’accent sur les structures matérielles du système monde, soulignant les cycles d’expansion et de crise liés à l’accumulation du capital. Contrairement à certaines conceptions eurocentriques, la TSM considère que le capitalisme, en tant que forme de rapport social, existe depuis l’Antiquité et ne trouve pas son origine exclusive dans l’Europe prémoderne. La lutte des classes est reconnue comme le moteur de l’histoire mondiale, mais la TSM rejette les schémas linéaires de transitions séquentielles entre modes de production. Elle propose de nouveaux concepts pour analyser les configurations historiques du système monde, mettant en lumière la coexistence du capital avec d’autres modes d’accumulation. Enfin, la TSM développe une théorie générale des crises mondiales, soulignant les tensions entre structures matérielles et idéelles du capital mondial actuel, liées à la surextraction, surconcentration, sous-consommation et sous-investissement, dans un contexte d’accumulation parasitaire et de transition hégémonique.
Approches post-positivistes
Qu’est-ce que les approches post-positivistes?
Les approches post-positivistes se développent dans le sillon du déclin du néomarxisme à la fin années 1970 (dû au démenti de l’analyse en termes de dépendance et d’impérialisme; internationalistes insatisfaits du débat interparadigmatique). Ce qui réunit les approches critiques contemporaines en RI, ce n’est pas le marxisme, mais le postpositivisme. Le consensus positiviste est remis en cause par une approche consciemment réflexive, intentionnellement interprétative, explicitement critique de l’ordre global actuel. Avant tout, c’est une critique de la méthode scientifique: refus de séparer le sujet de l’objet.
Approches post-positivistes
Qu’est-ce qu’un théoricien critique?
Introduction de la théorie critique en RI par Cox: toute théorie est située dans le temps et dans l’espace. Une théorie est toujours pour quelqu’un et pour quelque chose. Il propose la différence entre “problem-solving theory” et “théorie critique”. Pour Cox, le néoréalisme de Waltz est une “problem-solving theory”, car elle ne vise pas une explication objective de la politique internationale. Celle-ci cherche à expliquer la politique internationale non pas de la seule curiosité, mais également par le désir de contrôler.
Approches post-positivistes
Qu’est-ce qu’une approche post-colonialiste?
Il faut prendre le point de vue des marginaux, notamment la perspective des ex-colonies, dont la voix n’est pas entendue en RI. Le réalisme est encore au centre des critiques, car il étudie seulement les grandes puissances. Le libéralisme n’échappe pas à ces critiques, car associé au colonialisme, à l’impérialisme, à l’eurocentrisme. Même le néomarxisme est critiqué, car intérêt seulement pour les structures, alors que l’Autre est victimisé. Le réalisme et les autres théories établies constituent non seulement des représentations orientées des réalités internationales, les valeurs normatives implicites qui le sous-tendent contribuent également à légitimer et donc à reproduire le statu-quo, en le neutralisant, en le réifiant en la seule réalité possible et envisageable.
Approches post-positivistes
Qu’est-ce qu’une approche post-structuraliste?
Les termes souverains et anarchiques ne sont pas neutres; ce sont des concepts à forte charge normative. Ils ne font pas que constater, étudier ou expliquer les RI telles qu’elles sont. Pour les poststructuralistes, il n’y a pas de fondement métathéorique, il n’y a pas de base empirique qui nous permet de tester des énoncés, car toute théorie délimite elle-même les faits par rapport auxquels évaluer sa validité et par rapport auxquels les énoncés d’une théorie rivale ne sauraient être testés. . Il n’y a pas de réel absolu, mais seulement des régimes de vérité (Foucault). Les énoncés scientifiques sont déterminés par la théorie. Le poststructuralisme est donc critique des théories critiques, qu’elle accuse d’avoir une position analogue aux positivistes. Parce que le pouvoir est partie intégrante de toute les pratiques discursives, tout concept véhicule nécessairement une visée dominante ou oppressive et aboutit à réprimer les pratiques dissidentes. Ce relativisme les amène à abandonner toute recherche autre que déconstruire.
Textes
Robert Vitalis 2000 (The Graceful and Generous Liberal Gesture: Making Racism Invisible American IR)
Cet article s’intéresse à traiter la « suprématie blanche » comme une norme globale, ainsi que son rôle dans la constitution de l’ordre mondial. Selon l’auteur, les RI continuent à avoir peu d’intérêt envers une perspective de recherche du côté du « faible » et du « révolutionnaire ». Les chercheurs contemporains en RI ont une tendance vers le « silence et l’évasion » de la présence afro-américaine. Il y aurait une vie intellectuelle gouvernée par « une norme contre l’observation » (norm against noticing). Les théoriciens des RI se sont cachés derrière le réalisme, afin de dire qu’ils sont différents, parce que le côté distinctif de leur sujet rend la « norm against noticing » impertinente dans ce contexte. Les valeurs anti-impériales ont plus d’impact ailleurs en sciences sociales qu’en science politique et l’absence de chercheurs noirs en RI explique pourquoi la suprématie blanche reste une fondation non exposée des RI. Le texte fait deux arguments, soit (1) prendre sérieusement le racisme comme institution domestique souligne comment la pensée libérale blanche post-DGm est un exemple du silence et de l’évasion et (2) la norme de « suprématie blanche » a donné les termes de référence aux débats stratégiques sur l’expansionnisme + éléments culturels d’importations des É-U au 20e siècle, mais que les RI n’ont rien à dire sur ça.
L’auteur cherche à étudier trois pratiques historiques (1) la distinction de caste qui sous-tend les interventions humanitaires. Le racisme est une institution, ie un schéma de pratiques qui soutiennent une hiérarchie ou un système de privilèges et d’inégalités. Selon l’auteur, les normes humanitaires font partie du racisme comme institution humanitaire. L’auteur démontre que la pièce qui manque à l’histoire des interventions humanitaires, c’est la ligne de couleur. Il critique le texte de Finnemore. (2) Le raisonnement stratégique de suprématie blanche sur laquelle l’opposition à l’expansionnisme des É-U se basait. Pendant longtemps, les RI ont dit peu sur les Empires, et il y avait aussi le mythe comme quoi les É-U n’étaient pas réellement une puissance impériale. Selon l’auteur, les causes du « underextension » des É-U au 19e siècle se retrouvent dans les doctrines de suprématie blanche. Ce suprémacisme blanc a été une force contre ceux imaginant une expansion continentale des É-U dans les Caraïbes et au Pacific. (3) Le système d’apartheid des É-U exporté lors de son expansionnisme. De plus, création d’institutions racistes dans les colonies et dépendances des États-Unis (ex. Zone du canal de Panama et Pétrole en Arabie Saoudite). La société de Zone du Canal a été décrite comme un système rigide de castes basé sur la race.
Textes
Anna Agathangelou et L.H.M Ling 2004 (The House of IR; From Family Power Politics to the Poisies of Worldism)
Les auteurs cherchent à établir une nouvelle façon de concevoir les relations internationales. C’est un projet de recherche s’inscrivant dans le féminisme postcolonialiste. Ils proposent l’émergence d’une conception de la politique mondiale « mondiste », soit une théorie respectant les « multiples mondes » qui se décentrent de la théorie et de la pratique de l’hégémonie de la « Maison des RI ». Les présentes RI sont une façon parmi beaucoup d’autres de concevoir les politiques mondiales. Aujourd’hui, les RI ressemblent à une maison coloniale, qui impose un « ordre » en s’appropriant le savoir, les ressources, et le travail des autres. Celle-ci est occidentale et soumise aux idées réalistes et libérales. Cette « Maison des RI » génère des relations de hiérarchie, de violence et d’hégémonie. Ainsi, ils proposent de refonder les RI sur une conception « mondiste » (worldism), ce qui permettrait de mener les RI vers la parité, la fluidité et l’éthique. Derrière un projet émancipateur universel, les RI occidentales cachent un institutionnalisme eurocentriste, perpétuant des valeurs sexistes et racistes, ainsi que la volonté de domination de l’ère coloniale. Elle propose donc une solution à ce qu’elle considère comme un « déséquilibre » entre le monde des RI occidentales et les multiples mondes en existence. La maison est un état d’esprit d’inégalités structurelles plus larges du patriarcat capitaliste. Le « mondisme » engage l’Autre, plutôt que de chercher à le convertir dans une autre version de soi. Le « mondisme » postule que l’ordre géopolitique dominant, défini comme le monde westphalien/les relations internationales occidentales, est une construction sociale singulière qui interagit de manière compétitive et créative avec d’autres mondes - d’autres ordres sociaux et politiques.
Textes
J. Marshall Beier 2009 (Forgetting Remembering, and Finding Indigenous Peoples in IR)
Le champ des RI a été presque complètement silencieux en ce qui a trait aux autochtones, à leurs diplomaties et leurs cosmologiques distinctement non-occidentales qui les soulignent. Il existe un début de recherche sur le sujet en cherchant à découvrir des idées conceptuelles quant à des façons de savoir autochtone. Mais, cela commande l’appropriation et soulève le spectre des violences d’attribution, d’effacement, ou les deux. Le problème ici est dans le cadrage du projet, comme quoi nos théories peuvent se baser sur le savoir autochtone sans problème. Le résultat, c’est que la tentative de rendre le savoir autochtone en RI risque paradoxalement d’être marqué par l’absence des voix autochtones. Deux types de problèmes sont évidents dans le fait d’amener le savoir autochtone en RI: (1) Le “terrain du possible” balisé par la cosmologie occidentale opère une violence sur les engagements et idées autrement constituées quand elles définissent ses limites. (2) L’autorité des voix académiques est reconfirmée, alors que les voix autochtones sont réduites à des références de savoir où leur position de discours peut seulement être audible à travers des représentations “crédibles”. ⇒ L’interdétermination de ces savoirs révèle que les savoirs sur les autochtones ont tjs eu une place en RI, ce n’est pas vrai de leur savoir en lui-même. Ce chapitre propose de repenser la façon d’être auteur du savoir, qui pourra peut-être rendre plus audible les voix des autochtones déjà audibles en RI.
Textes
Dipesh Chakrabarty 2009 (Introduction: L’idée de la provincialisation de l’Europe)
La provincialisation de l’Europe n’est pas une proposition quant à la région géographique en elle-même, c’est plutôt de “décentraliser” une figure imaginaire qui reste fortement ancrée dans les habitudes de pensées qui sous-tendent les tentatives en sciences sociales de répondre aux questions de modernité politique en Asie du Sud. On ne peut penser au phénomène de modernité politique sans invoquer des catégories et concepts dont la généalogie va profondément dans la tradition intellectuelle ou théologique européenne. Ces concepts (ex. citoyenneté, État, etc) sont liés aux lumières au 19e siècle et postulent une vision universelle et séculaire de l’humaine. Elle a des effets puissants, cet héritage intellectuel est ajd globale. La tradition intellectuelle européenne est la seule “vivante” au sein des départements de sciences sociales. Le résultat est de traiter ces traditions asiatiques (ou autres) pré-coloniales comme une recherche historique, comme des traditions “mortes”. Inhérente à la majorité des théories des sciences sociales est cette idée d’historicisme, soit qu’il y ait un modèle évolutif à travers desquels les sociétés passent, et c’est le modèle européen. La manière dont nous écrivons l’histoire, et en fait nous engageons dans une réflexion théorique en sciences sociales dans son ensemble, est fondamentalement compromise par le référent silencieux, souvent non reconnu et incontournable d’une « Europe » imaginée. Le projet de provincialiser cette Europe consiste à articuler l’expérience non unitaire de la modernité politique qui caractérise surtout le paradoxe postcolonial : se former et se former comme sujet politique moderne et rester dans la salle d’attente d’une histoire qui a déjà prédit (par exemple, dans le cas de l’Inde, la reconnaissance constitutionnelle du suffrage universel des adultes dès la création de la nation, sans la garantie préalable d’une éducation universelle).
Textes
Meera Sabaratnam 2011 (IR in Dialogue… But Can we Change the Subjects?)
Dans un effort pour repenser la conduite du « dialogue » au sein de la politique mondiale, il est nécessaire que nous trouvions de nouvelles positions de sujet à partir desquelles parler. Cet article développe une typologie de six stratégies intellectuelles distinctes à travers lesquelles les approches « décolonisatrices » de la théorie sociale peuvent aider à repenser la politique mondiale en donnant naissance à des « sujets » de recherche alternatifs. Ces stratégies incluent : (1) La mise en évidence des orientalismes discursifs. (2) La déconstruction des mythes historiques du développement européen. (3) La remise en question des historiographies eurocentriques. (4) La réarticulation des subjectivités subalternes. (5) La diversification des subjectivités politiques et (6) la réinvention du sujet sociopsychologique de la politique mondiale. La contribution principale de cet article, c’est d’offrir une typologie innovatrice des stratégies décoloniales pour fournir un cadre utile pour débattre des, et entre, les approches postcoloniales et anti-européocentriques. Cela permet la comparaison détaillée des complémentarités et tensions dans la pensée coloniale et de leurs enjeux spécifiques. En corollaire, cela offre un miroir à la discipline des RI.