la mémoire peut-elle être collective ? Flashcards
introduction
Pourquoi cette notion ne va pas de soi ? Parce que la mémoire de part sa nature, ses conditions, son mode de fonctionnement peut difficilement être attribué à autre chose qu’un sujet : c’est d’abord une faculté de l’esprit par laquelle les données de mon expérience passées sont conservés et remémorés. Toute mémoire est propre à un sujet.
Cependant, notre mémoire conserve aussi certaines données en rien propres à nous mêmes (Pythagore, La Fontaine…) et pour peu que nous les ayons bien appris nous pourrions les restituer de manière rigoureusement identique, le contenu de la mémoire de l’un sera identique à la mémoire de l’autre. Mais ce contenu sera formé de connaissance plutôt que de souvenir. Alors s’il y a une mémoire collective, elle est constitué de connaissances et de savoir que nous pouvons partager et avoir en commun. A la différence de la mémoire personnelle, cette mémoire relève d’un apprentissage et s’apparente à ce que Bergson appelle la mémoire habitude. Or la mémoire habitude est une mémoire machinale, mécanique, faite d’automatisme, qui se rapporte au passé de par son mode d’acquisition et mais elle n’a pas en tant que telle la visée d’un passé pour object (souvenirs dans ordinateur ?), rien n’articule un présent à un passé. Or peut-il y avoir véritablement une mémoire sans référence explicite sans référence au passé et comment cette référence peut-elle être élaborée au niveau collectif ? Pour une communauté qui n’est pas en tant que telle des sujets doués de facultés, sous quelles formes la référence à un passé peut-elle se constituer, sur quoi peut se porter une mémoire collective ? Quel type de passé est mise en jeu ? Historique => histoire qui fournirait son contenu à la mémoire collective qui se confondrait alors avec une mémoire savante qui n’est pas forcément la mémoire de tous. Mythique => autour duquel se noue la conscience qu’une collectivité a d’elle même et de son identité. Quel est le mode de construction du telle mémoire ? Comment la remémoration peut-elle s’effectuer dés lors que l’on a affaire a une collectivité ? Quels sont les enjeux d’un mémoire collectivité ? Est-ce dans fixer l’identité ? Mais est-elle elle-même fixe ou bien évolutive ?
En quoi l’idée d’un mémoire collective est problématique (faculté psychique => sujet peut être doté de mémoire, il n’y a de mémoire qu’individuelle)
La mémoire n’a jamais complètement d’un sujet isolé, elle se forme et prend forme au sein d’une collectivité par l’appropriation de tout un ensemble de connaissance que nous pouvons partager les uns les autres => mémoire inter-personnelle. Mais s’agit-il pour autant d’une mémoire collective ?
Si la fonction d’une mémoire est de relier le présent du passé, comment ce lien peut se former à niveau collectif, quel rapport la mémoire entretient-elle avec l’histoire ? Quel passé est mis en jeu ?
une mémoire est exclusivement personnelle
le souvenir lui même se forme a partir de la perception et ne peut recevoir son contenu que d’une expérience perceptive ou affective. Le contenu de la mémoire est toujours formé à partir d’une expérience qui mettant en jeu la sensorialité ou l’affectivité ne peut être que subjective. Ainsi chacun a t il sa mémoire formée a partir de son expérience, et recevant toujours la coloration de son vécu individuel. Bergson ira jusqu’a considérer que la coloration subjective que prennent nos perceptions est un effets de la mémoire : on perçoit aussi avec ses souvenirs et ce qu’il y a de proprement subjectif dans nos perceptions leur vient de la mémoire
« la subjectivité de notre perception consiste surtout dans l’apport de notre mémoire ».
Par conséquent, le trait le plus marquant de notre mémoire c’est son inscription dans la subjectivité c’est son caractère subjective
c’est avec la mémoire qui nous nous différencons les uns les autres
elle est constitutive de notre identité personnelle, faisant le lien entre ce que nous sommes et ce que nous avons été, elle assure la continuité et la permanence de notre moi à travers le temps, et est « le support de l’identité personnelle »Locke, elle élargit alors le champs de la conscience de soi, en y intégrant le passé individuel en y intégrant le vécu propre à chacun, elle permet a ce passé, et a ce vécu, d’être présent à la conscience et à l’identité personnelle de recueillir le souvenir de ce que nous avons été. Elle façonne notre identité de l’intérieur, parce que ce à quoi elle nous donne accès, nul autre que moi ne peut y accéder (diff entre mémoire (nous ouvre a un monde privée) et perception (nous ouvre a un monde accessible à d’autres)).
Mais plus que le support de notre identité personnelle, la mémoire n’est-elle pas constitutive de notre individualité.
Conséquence pour la mémoire ?
elle est ce qui recueille ces expériences passées comme autant de moments d’une histoire constitutive de notre individualité : La vérité, dira Bergson, est qu’on change sans cesse. Le rôle de la mémoire est alors de cumuler tous les moments de notre vie et d’enrichir notre présent de tout ce qu’elle porte en elle. Elle est la prolongation du passé dans le présent, elle confère alors au moi sa véritable individualité, celle d’un être en devenir, dont la personnalité concentre et condense toute son histoire passée. Ainsi, c’est la mémoire qui fournit à notre être une densité, une épaisseur que sans elle il n’aurait pas.
Si nos souvenirs sont empruntés a notre histoire et si avec cette histoire se confond notre personnalité toute entière alors ce souvenir c’est toujours le souvenir de soi. Ainsi la mémoire est-elle éminemment personnelle
sur quoi s’ouvre la mémoire ?
Conclusion ?
Elle s’ouvre sur un monde auquel personne d’autre ne peut avoir accès que soi : notre intériorité. L’intériorité c’est notre mémoire et pour accéder à elle il faut sortir du présent envisagé sous l’aspect pragmatique que lui reconnait Bergson : le présent sensiro-moteur dans lequel nous nous absorbons lorsque nous agissons.
Chacun reprenant possession de son passé, se retire vers lui-même, se distrait de la vie. Dés lors, on peut considérer que la mémoire est ce par quoi l’individu peut se retrancher de la collectivité pour jouir de ce qui porte en lui de plus personnelle : ses souvenirs.
On conclura que si la mémoire est subjective de part son origine, individuelle de par sa nature, et personnelle de par son contenu, elle ne saurait avoir un caractère collectif.
Paul Ricoeur souligne que c’est simplement par analogie et non pas littéralement et au sens propre que l’on eut transposer à un nous collectif ce qui appartient au sujet individuel.
La mémoire est purement personnelle, pourtant deux implications marquent les limites de cette vérité
Elle présuppose que la mémoire consiste simplement à enregistrer le déroulé des évènements qui composent notre vie. Elle aurait donc un caractère spontanément événementiel et spontané. Mais, c’est négligé le fait que la mémoire repose aussi sur des procédés de mémorisation et donc qu’elle se construit à travers un apprentissage.
D’autre part et conjointement, est présupposé qu’il n’y aurait de contenu de mémoire qui serait impersonnel : C’est négliger en fait que la mémoire par un travail de mémorisation peut s’approprier des contenus qui nous seulement n’ont rien de personnels => la mémoire peut devenir inter-personnelle
qu’est-ce qui peut être tenu pour une mémoire commune, incorporée dans les dispositions pratiques individuelles ?
les habitus : preuve sur le plan pratique de l’existence d’une mémoire commune
habitus : un ensemble de disposition acquise par l’expérience, socialement constitué, et qui conditionne guide, oriente, les individus dans leur action et leur jugements. Produit d’une éducation, il correspond par conséquent à la manière dont le collectif investit l’individuel.
=> C’est en somme la façon dont un groupe se constitue comme mémoire dans l’ensemble des dispositions acquises par l’individu ou l’agent social.
Elle présente cette double propriété d’être incorporé dans des dispositions pratiques individuelles et d’être communes à un ensemble d’individu
Il faut comprendre que les dispositions acquises qui forment l’habitus ne sont pas définitivement fixées par l’origine sociale et l’éducation primaire : elles évoluent, changent, mais toujours en relation à des contextes et des milieux sociaux.
++ technique du corps de Marcel Mauss
L’existence d’un mémoire commune s’impose aussi sur le plan théorique ou scolaire.
L’école est sans doute le lieu privilégié de diffusion et de transmission des connaissances de la mémoire collective dans la mesure ou elle dispense des mêmes contenus d’enseignement.
Marque de l’universalité : Toutes nos connaissances reçues, toutes les vérités apprises se retrouvent identiquement dans les mémoires de tous. Car caractère transmissible, encore plus avec l’écriture. La conservation des savoirs cessent alors d’être tributaire du travail de mémorisation, elle est assurée par l’activité scripturaire qui les consigne sur des supports matériels durables, et c’est là que réside son excellence aux dires de Theuth. (Mythe de Theuth (Phèdre) de Platon).
Leroi-Gourhan “« la mémoire sociale engloutit dans les livres en quelques décennies toutes l’Antiquité, l’histoire des grands peuples, la géographie et l’ethnographie d’un monde devenu définitivement sphérique,” “aucun moment de l’Histoire humaine n’a connu une dilatation aussi rapide de la mémoire collective »
=> la mémoire collective c’est la bibliothèque
la mémoire collective correspond du point de vue pratique aux habitudes et habitus socialement et culturellement constitués et du point de vue théorique à la somme des connaissances disponibles qui forme comme un patrimoine commun en principe disponible à tous.
Mais cette conception réduit la mémoire collective…
… à une seule fonction : la conservation de la totalité des savoirs.
=> entrepôt : elle n’aurait pas vocation de relier le présent à un passé mais de conserver les savoirs produits au cours du temps. 2 problèmes :
viser le passé ≠ conserver le passé
la mémoire collective définie comme collection des savoirs est en réalité dépourvu de tout enracinement communautaire, ce n’est pas a proprement parlé de la mémoire d’un groupe : c’est une mémoire sans réel sujet d’appropriation.
Quel passé mis en jeu dans la mémoire collective ?
Hypothèse 1 :
le passé historique du groupe. Dans ce cas, c’est à l’historien que revient la charge de fournir à la mémoire collective son contenu. 3 difficultés :
si pour la mémoire collective la référence au passé doit avoir une fonction unifiante, il faut que le passé auquel elle se réfère soit suffisamment uni et univoque. Or, le travail de l’historien est de faire éclater toute apparence d’unité et d’univocité, de rendre au passé une complexité qui s’accorde mal avec la visée unificatrice
Si la mémoire collective devait s’alimenter de l’histoire, elle serait tributaire de la science et pourrait ne prendre la forme que d’une mémoire savante. Or cette mémoire étant relative au degrés d’instruction, au niveau d’érudition des individus, cette mémoire ne pourrait être partagé par tous, ce qui est contradictoire avec la notion de mémoire collective
ce qui prédomine dans la reconstitution historique est un souci de vérité étranger à la mémoire car le rapport mémoire/ passé est affectif, existentiel => ordre du subjectif
Quel passé mis en jeu dans la mémoire collective ?
Hypothèse 2 :
passé mythique : La mémoire collective aurait ainsi pour object des symboles plutôt que des faits, ou plus exactement elle n’aurait pour object les faits historiques à la stricte condition qu’il se prête à un traitement symbolique, c’est à dire qu’ils sont investis d’une valeur autour de laquelle se noue la conscience d’une identité partagée, d’un destin commun.
la mémoire collective est semblable à la mémoire mythique dans sa manière de traiter les événements du passé
l’évènement est extrait de son historicité et prend une valeur fondatrice pour la société à l’instar des évènements de la mythologie
Exemple de 1789 : cette date récupère en elle, toute la symbolique de l’évènement qui lui est associé, elle perd son aspect purement chronométrique pour devenir un symbole
la mémoire collective est semblable à la mémoire mythique dans sa fonction
Le poète, qui sont l’inspiration des muses chante le passé originel, il fournit aux hommes les repères qui leur permettent de savoir d’où ils viennent, ce qu’ils font, ce qu’ils sont. Or la mémoire collective assume une fonction analogue : fournit des repère aux moyen desquels elle pense son identité ce qui assure l’unité et la cohésion du groupe en référence à des évènements dotés d’une valeur symbolique pour le groupe lui-même
comment une collectivité peut-elle se rapporter au passé qui donne la matière à la mémoire collective ?
commémoration
différent de la remémoration :
- dimension sociale
- Le souvenons-nous commémoratif n’a rien à voir avec le « je me souviens », dans les commémorations du 14 Juillet aucun souvenir n’est engagé, la mémoire individuelle est hors-jeu. L’existence de l’événement réside dans la répétition
- la commémoration a besoin de prendre appui sur des lieux symboliquement destiné aux rituels commémoratifs. Halbwachs « car les lieux participe de la stabilité des choses matérielles et c’est en se fixant sur eux, en s’enferment dans leur limite et en pliant son attitude à leur disposition que la pensée collective du groupe a le plus de chance de s’immobiliser et de durée : telle est bien la condition de la mémoire »
Mircea Eliade, des sanctuaire des temples : « ils sont les lieux consacrés où s’établit la communication entre l’ici bas et l’au-delà, entre le terrestre et le divin entre le monde profane et le monde sacrés ». On peut dire de la même manière des lieux de mémoire : établissent un lien entre présent et un passé commémoré : se sont des espaces de médiation.
- c’est donc sous le signe de la dette qu’est placée la commémoration, c’est en ce sens qu’elle oblige, c’est en ce sens que le souvenons-nous du rituel commémoratif vaut pour injonction et s’accomplit à travers l’hommage collectivement rendu en ceux envers qui nous sommes redevables. D’où la solennité des cérémonies.
Conclusion
La première difficulté rencontrée tenait à la possibilité de faire de la mémoire l’attribut** d’une entité collective. Tout comme la conscience, l’imagination ou l’intelligence la mémoire est une faculté dont le sujet d’attribution ne peut être qu’un sujet. La mémoire est donc par essence individuelle, sa nature psychique fait qu’elle ne peut appartenir qu’à un être doté d’un psychisme. Est-ce à dire pour autant que la mémoire renvoie chacun à la sphère privée de ses souvenirs personnelles sans pouvoir faire l’objet d’un partage. En réalité la mémoire est aussi tributaire d’un travail de mémorisation et peut très bien recevoir sous forme de connaissance intégré un contenu objectif, impersonnel et commun. Dès lors, une mémoire collective pourrait se constitué et correspondre à l’ensemble des savoirs transmissibles et partageables. Idéalement elle totaliserait des savoirs constitués : il s’agit donc impersonnel, encyclopédique qui ne comporte que des données de connaissance et de ce fait peut très bien confier à des supports externes et pérenne le soin d’en assurer la conservation (l’encyclopédie, la bibliothèque, internet). Cependant, une telle mémoire ne renvoie à aucun passé déterminé, et d’autre elle n’a pas de véritable sujet d’attribution. Or ce qu’est engagé dans l’idée d’une mémoire collective c’est bien le rapport d’une collectivité à son passé. Il n’y a mémoire collective que là où le rappel d’un passé commun est à même de fédérer et d’unir les hommes. Il n’y a mémoire collective que là où la référence du passé prend un valeur structurante au regard du groupe et de son identité. Partant de là, deux traits caractéristiques sont apparus : 1/ elle ne se soucis pas tant des faits historiques que de la charge symbolique dont ils peuvent être investis, c’est moins le fait historique en tant que tel qu’elle célèbre que le sens trans-historique dont il est porteur. Ainsi la mémoire collective est plus proche de la mémoire mythique. 2/ La manière dont elle rappelle le passé c’est la commémoration, c’est-dire la commémoration commune, solennelle** et ritualisé des évènements dont elle veut conserver le souvenir à la fois en raison de l’importance symbolique qu’ils revêtent et du rapport de dette qui nous lie à ce que en furent les agents, les agents, les protagonistes ou les héros.
Si sa fonction est d’unir et rassembler, elle ne le fait qu’en perpétuant le lien qui rattache les vivants et les morts.