Définition du droit des affaires Flashcards

1
Q

§1. Un droit incluant le droit commercial

A

Il ne fait pas de doute que quand on parle de Droit des affaires on englobe le droit commercial, qui est donc c’est un élément constitutif du Droit des affaires.

Mais qu’est-ce que le droit commercial ? Une controverse est née pour savoir s’il s’agit du droit applicable aux commerçants ou du droit applicable aux opérations commerciales (qu’elles soient réalisées par des commercants ou non). On peut donc hésiter entre une théorie subjective (liée aux personnes visées par le droit commercial) ou une théorie objective (liée au actes commerciaux).

Certaines législations étrangères ont opté pour l’une ou l’autre : l’Allemagne, dans son Code de commerce, retient une conception purement subjective, le droit commercial allemand régit les personnes inscrites au registre du commerce. A l’inverse, le Code de commerce espagnol retient une conception objective.

En France, la situation a évolué. Notre ancien droit lié au système des corporations concevait le droit commercial comme celui applicable aux marchands. Mais la Révolution a supprimé les corporations, fait table rase du passé et a voulu rompre avec la conception subjective. En toute logique, les révolutionnaires ayant voulu rompre avec le système de castes et de privilèges, ils ont souhaité que ce droit spécifique ne soit plus appliqué en fonction de la personne mais de la nature des actes accomplis par cette personne. Toutefois, le Code de commerce de 1807 semblait revenir sur ce point, car l'article 1 commence par définir le commerçant, ce qui semblait faire du commerçant le déclencheur du droit commercial et semblait donc consacrer la théorie subjective. Mais la référence aux opérations commerciales était toutefois maintenue aux articles 131 et 132 de ce Code, qui dressaient une liste des actes de commerce.

Cette référence était susceptible de deux interprétations:

‣ Selon la première, on se réfère aux opérations commerciales pour définir qui est commerçant — celui qui réalise des opérations commerciales — et donc déterminer le champ d’application du droit commercial. On est resté dans une définition subjective du droit commercial : c’est applicable aux commerçants, sachant que ce sont eux qui accomplissent des actes de commerce.

‣ Selon la seconde interprétation, se référer aux opérations commerciales n’aurait pas uniquement pour but d’identifier les commerçants, elle aurait pour but de déterminer le champ d’application du champ commercial, ce qui permet de déclencher le droit commercial en application de la théorie objective.

Le Code de commerce prévoyait que certaines règles de droit commercial, par exemple la compétence des tribunaux de commerce, pouvait s’appliquer en présence d’une opération commerciale comme un achat ou une revente. Exemple : Vous achetez sur eBay pour revendre en faisant un profit, c’était considéré une opération commerciale que déclenche le droit commercial, peu important que les parties ne soient pas des commerçants.

Le nouveau Code de commerce du 18 septembre 2000 conforte cette seconde interprétation (théorie objective), puisqu’il place la liste des opérations commerciales en tête du Code, à l'article L110-1, le commerçant n’étant défini qu’à l'article L121-1.  Au regard de l'article L110-1 du Code de commerce ''la loi répute actes de commerce : 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre - 2° Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux - 3° Toutes opérations d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou parts de sociétés immobilières - 4° Toute entreprise de location de meubles - 5° Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau - 6° Toute entreprise de fournitures, d'agence, bureaux d'affaires, établissements de ventes à l'encan, de spectacles publics ; 7° Toute opération de change, banque, courtage, activité d'émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement - 8° Toutes les opérations de banques publiques - 9° Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers - 10° Entre toutes personnes, les lettres de change." Au regard de l'article L 121-1 du Code de commerce "sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle''.

On pourrait donc avoir l'impression que la théorie objective l'emporte actuellement. Mais l’étude des différentes règles prévues dans ce Code montrent qu’en réalité, dans l’immense majorité des cas, la présence d’un commerçant est ce qui déclenche l’application du droit commercial — et la théorie subjective s’est imposée.  Cependant, il peut arriver qu'une opération commerciale isolée puisse déclencher l'application du droit commercial (que l'on soit en présence d'un commercant ou pas). Par exemple, les tribunaux de commerce sont compétents non seulement pour les litiges entre commerçants, mais aussi pour les litiges relatifs aux actes de commerce. 

Par conséquent, actuellement, la théorie objective n’a pas entièrement disparu, mais l'application du droit commercial à un acte isolé est quand même exceptionnelle. A mon sens c’est une bonne chose que ce soit exceptionnel : on devrait même aller plus loin et écarter toute application du droit commercial à des actes isolés, on devrait l'appliquer uniquement aux commerçants et donc consacrer la théorie subjective. Il n'est pas logique de soumettre aux droit commercial une personne qui n'intervient que ponctuellement, voire accidentellement, dans le monde des affaires. Le droit commercial répondant à des impératifs spécifiques de célérité et d'efficacité, il doit être limité aux commerçants exerçant dans le cadre de leur activités professionnelles, son application ne doit pas être accidentelle.  Vous pourrez, sur ce débat consulter, un article de Paul Didier intitulé « Remarques pour servir à une définition du droit commercial ». P. DIDIER,, D. 1962, p. 221 (favorable à une analyse subjective du droit commercial).

De mon point de vue, le droit commercial est le droit applicable aux commerçants et plus précisément à ceux qui agissent dans le cadre de leur activité professionnelle, donc un droit applicable aux entreprises commerciales.

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Q

§2. Un droit dépassant le droit commercial

A

Vers la moitié du XXe , on a commencé à reprocher à l’expression de « droit commercial » son caractère restreint. En effet, se cantonner à ça a semblé inopportun, car cela a mené à cloisonner des formes juridiques qui dans la vie pratique s’entremêlent. Ainsi, un juriste qui travaille en entreprise ne peut pas uniquement connaître le droit commercial : il doit connaître le droit du travail, des contrats, le droit social, le droit fiscal etc. et avoir des connaissances en-dehors du droit, des compétences gestion, en économie, etc. pour comprendre le but des opérations qu’il encadre et supervise, et comprendre le fonctionnement de l’entreprise qu’il conseille. Le caractère restreint du droit commercial apparaît donc comme le résultat de facteurs extérieurs, l’existence d’autres branches du doit qui viennent en pratique s’entremêler avec lui.

Mais c’est aussi un facteur interne qui conduit à ce que l’expression du droit commercial apparaît comme restreinte. Il se révèle en effet à “forte tendance expansionniste”, les règles qu’il édicte tendant à s’appliquer à d’autres professionnels que les commerçants — c’est pourquoi le Code de commerce comprend de nombreux articles qui ne s’appliquent pas seulement aux commerçants mais à tous les entrepreneurs et toutes les entreprises.

Un exemple parlant est celui des procédures collectives : initialement cantonnées aux commerçants, ces procédures ont petit à petit été étendues à l’ensemble des professionnels, les artisans, les agriculteurs et enfin, en 2005, les professions libérales. Ce droit, qui vise à aider les entreprises — initialement commerciales — à se redresser, faire face à des difficultés ou à liquider s’il n’y a plus de chance de rebond, a été étendu à l’ensemble des entrepreneurs.

Autre exemple de cet expansionnisme : le statut d’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) s’applique à tout entrepreneur, ainsi que le régime de l’auto-entrepreneur (devenu micro-entrepreneur), qui vise aussi tout type d’entrepreneur.

On voit ici que le droit s’applique non pas qu’aux commerçants : soit il s’appliquait initialement à eux et a été étendu à d’autres professionnels, soit dès le départ (comme l’EIRL) ça s’applique à tous les entrepreneurs. De même, un autre exemple : le droit de la concurrence s’applique à des entreprises et non uniquement aux entreprises commerciales. L’entreprise commerciale perd de sa spécificité par rapport aux autres entreprises : le besoin de célérité, d’efficacité, de sécurité se retrouve dans toute entreprise et pas uniquement les entreprises commerciales.

Un droit spécifique pour les commerçants se comprend donc de moins en moins. En réalité, il conviendrait de ne plus parler de droit commercial mais de droit de l’entreprise ou de droit des entrepreneurs. On pourrait aussi opter pour l’expression de « droit des professionnels », expression qui est de plus en plus employée — le droit de la consommation y fait référence lorsqu’il prohibe les clauses abusives qui provoquent un déséquilibre dans relation entre un professionnel et un consommateur, ou avec un non-professionnel. Ces expressions de droit des professionnels ou droit des entreprises ne sont pas les seules à concurrencer l’expression droit commercial : on trouve aussi l’expression de “droit économique”. Qu’est-ce que serait ce droit économique ? Il a une définition pas très claire, qui varie selon les auteurs : pour certains, ce serait l’ensemble des règles qui ont pour mission de régir la vie économique, notamment la production et la distribution de richesses. Pour d’autres, ce serait plus spécifiquement le droit des interventions de l’Etat dans le domaine économique, ce serait donc un droit public économique.
Je préfère à ces expressions celle de droit des affaires, qui fait plus moderne et plus dynamique. Mais en réalité, c’est un moyen masqué de renvoyer à l’expression de droit des entreprises, puisque le Droit des affaires tel que je l’entends est le droit des entreprises privées. Encore faut-il apporter trois précisions.

Première précision : le Droit des affaires ainsi entendu pourrait être très large. En effet, il pourrait englober toutes les règles qui s’appliquent aux entreprises, qui organisent leur fonctionnement, les règle propres au statut de chaque entrepreneur (commercant, artisan, professions libérales, agriculteur), mais aussi les règles que les entrepreneurs doivent connaître et respecter : droit des contrats, des biens, du travail, de la responsabilité civile et pénale, droit fiscal, droit de la Sécurité sociale, droit des assurances, de la consommation etc.

Finalement, on en viendrait à traiter de l’ensemble du droit par le biais du Droit des affaires. Or, même s’il faut garder à l’esprit que les différentes branches du droit ne sont pas cloisonnées, il est important de délimiter le champs du cours. Il faut donc se concentrer sur ce qui est spécifique au droit des affaires, càd aux règles spécifiquement prévues pour les entreprises et qui visent à leur organisation. Ne sont donc pas étudiées les règles qui organisent le travail (droit du travail), ou qui protègent le consommateur (droit de la consommation), ou les règles fiscales, ou les règles de droit pénal… Je ne vous cache pas qu’il y a une part d’arbitraire dans la sélection des matières à écarter. Par exemple, on va parler au S2 du droit de la concurrence qui vise à assurer le bon fonctionnement concurrentiel du marché, or j’aurais pu vous dire qu’on l’écartait car il ne vise pas directement à l’organisation de l’entreprise — mais c’est un usage d’évoquer ces règles en deuxième année.

Deuxième précision : cette année nous n évoquerons pas tout le Droit des affaires. Le droit des sociétés sera seulement effleuré, le droit des procédures collectives aussi. 

Troisième précision : même si on parle de Droit des affaires et pas de droit commercial, ce sont souvent les règles applicables aux commerçants qui seront détaillées, en particulier au premier semestre. Pourquoi ? Car historiquement, le droit des affaires concernait uniquement les commerçants, et c’est à propos de ces derniers qu'ont été édictées les règles ensuite étendues à d’autres professions. C’est notamment le cas du bail commercial, du fond de commerce qu’on étudiera.  Quel est le programme de ce semestre ? Nous nous concentrerons sur les acteurs principaux du monde des affaires, donc les destinataires premiers du Droit des affaires. Ce sont donc les entreprises que nous identifierons, avant de préciser les règles qui leur sont applicables. 

Dans une première partie, on envisage les acteur du Droit des affaires, les entreprises ; dans une deuxième partie, on verra les règles applicables aux entreprises ; et enfin, en troisième partie, on verra le patrimoine des entreprises. Nous allons aborder par ces trois parties huit thèmes.
Dans la première partie, on envisagera tout d’abord les personnes commerçantes (personnes physiques), ensuite on verra les autres personnes physiques, puis les entreprises (personnes morales) ; en seconde partie on verra le contentieux des entreprises, puis leurs obligations ; le patrimoine des entrepreneurs (personnes physiques), et dans la troisième partie le bail commercial, et enfin le fond de commerce.

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