Aspects historiques du Droit des affaires Flashcards

1
Q

Antiquité

A

Aussi loin qu’on trouve des civilisations qualifiées de marchandes, on trouve du droit commercial - aujourd’hui on dirait du Droit des affaires.

La civilisation mésopotamienne, très commerçante, a donné notamment naissance au code d'Hammourabi, vers 1700 avant Jésus-Christ. Par ailleurs, dans ce code on trouve un certain nombre de dispositions relatives au prêt à intérêt, au dépôt d'espèce, et une préfiguration du droit des sociétés. 

Aux Grecs et aux Romains on doit le terme « marchand », lequel dérive de Mercure (Hermès en grec), connu pour être le messager des Dieux, mais qui avait aussi pour mission d’être le patron des voleurs et des trafiquants internationaux de l’époque. Mais l’apport du droit romain est plutôt pauvre concernant le droit commercial, alors que le droit romain a eu un apport important s’agissant du droit civil ; pour certains, ce faible développement tient au fait que les Romains s'enrichissaient davantage par les guerres et butins collectés que par le commerce. Mais on peut aussi penser que le droit civil était suffisant pour régler les litiges relatives aux activités commerciales, d’où un faible développement du droit commercial.  Il y avait aussi un mépris certain pour le commerce. Cicéron exprime ainsi un jugement dans le Livre I des Offices : « Le commerce est sordide quand on achète pour revendre aussitôt car on ne peut gagner qu’à force de mentir, et il n’y a rien de si honteux que le mensonge ». On retrouve un tel mépris dans les écrits de Platon. Dans le Livre II de La République, il parle ainsi des commerçants : « Dans les cités bien organisées ce sont ordinairement les personnes les plus faibles de santé, incapables de tout travail ». 

Pour autant, même méprisés, les commerçants existent et c’est grâce à eux, qui créent des colonies dans le bassin méditerranéen, que les cités-Etats de la Grèce prospèrent. Ainsi Marseille est à l’origine un comptoir créé par les Grecs phocéens (du nom de la ville Phocée dont ils étaient originaires) contraints à l’exil par l'annexion de leur cité par l’empire Perse. Tous ces commerçants qui s'installent dans des cités dont ils ne sont pas originaires développent au fil des siècles des règles communes, internationales: la Lex mercatoria, et créent des juridictions qu’ils gèrent eux-mêmes, sources de nos tribunaux de commerce.  §2. Moyen-Age
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Q

Le Moyen-Âge est pauvre en matière de commerce.

A

D’abord, les troubles liés aux grandes invasions et à la chute de l’Empire romain ont freiné les échanges de la Bretagne à l’Oural pendant des siècles, il ne faisait pas bon se déplacer à cette époque.

Ensuite, l'édification d’un système féodal a profondément marqué l'Occident dès le IVe siècle. En effet, toute la société s’organise autour de contrats personnels : le vassal est sous la protection d’un suzerain et s’engage à lui apporter son concours lors de guerres privées. En échange, son suzerain lui accorde le droit de s’installer sur une terre lui appartenant et susceptible d’assurer sa subsistance. Toutefois, ce n'est pas le vassal qui exploite la terre: celle-ci lui est transmise avec ses laboureurs, ses exploitants ; or, ceux-ci doivent reverser une partie de ce qu’ils produisent au vassal et au suzerain, et ce qui reste assure à peine leur subsistance. Ils devaient aussi assurer des services (corvées) pour le compte du vassal et du suzerain. ➔ On comprends que dans ce type de structure féodale, il n’y a aucune place pour une économie de marché ou du commerce : pas de marchands (les travailleurs de la terre ne produisent pas assez pour avoir un surplus après le passage du suzerain et du vassal), pas de marchandises à part du fer pour la guerre, pas de foire... Tout le monde vivait en autarcie. 

Ce n’est qu’au XIe -XIIe que les échanges commerciaux se développent. En effet, à cette époque des foires se développent sur des itinéraires de pèlerinage, des échanges se concentrent en Champagne et en province, en Italie du Nord (Venise, Milan, Gênes, Florence), en Europe du Nord (Lübeck, Hambourg, Lille, Bruges, Arras).  Pour éviter de se faire dévaliser en transportant de grosses sommes, les commerçants qui se déplaçaient entre ces différentes places marchandes prirent l’habitude de régler leurs dettes et de se faire payer par le biais d’instruments nouveaux. Ainsi, par le contrat de change, un commerçant remettait des fonds à une personne dans une ville et cette personne s’obligeait en retour à faire remettre cette somme au commerçant par une autre personne en un autre lieu. Il évitait ainsi d'avoir à transporter l’argent d’un lieu à l’autre : sur le premier lieu une personne prend l'engagement, et sur l’autre lieu une autre personne reverse la somme. Aucune chance de se faire détrousser en chemin. On trouve ici l’origine d’instruments propres au monde commercial, en particulier ici la lettre de change, qu’on va étudier ultérieurement. 

Cette volonté de faciliter et de sécuriser les relations entre commerçants par le biais d’instruments juridiques demeure d’actualité. Ainsi, au début des années 80 a été inventé un mode simplifié de cession de créances* : le bordereau Dailly (du nom du sénateur à l’origine de ce projet de loi). Cession de créance: Quand vous êtes créancier de quelqu’un qui doit vous payer plus tard, vous allez pouvoir transférer cette créance, vendre cette créance, à quelqu’un d’autre, un banquier en général qui va payer immédiatement et ira réclamer le paiement plus tard. Ce bordereau était censé répondre au besoin de rapidité des commerçants. Autre preuve d’actualité : on peut évoquer le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limité (EIRL) ou le régime de l'auto-entrepreneur (en réalité nommé régime de micro-entrepreneur). ➔ Le souci est là de simplifier la vie des entreprises et favoriser le commerce. 

Le développement du droit commercial au XIIe siècle donne naissance à des juridictions spéciales, des juridictions de foire qui permettent de régler plus facilement et immédiatement les litiges entre commerçants. On observe une généralisation de ces juridictions par Philippe Le Bel en 1294 et Philippe VI de Valois en 1349. Ce sont ces juridictions qui sont à l'origine de nos tribunaux de commerce. 
Pour sanctionner les commerçants malhonnêtes, des règles sont mises en place dans les statuts des villes pour organiser la banqueroute des commerçants. Le droit commercial d’alors était nécessairement international. On passait d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. On parlait à ce propos de la Lex mercatoria : la loi des marchands, expression qui demeure employée en droit international. 

Ce droit commercial en pleine expansion doit composer avec l’influence de l’Eglise, qui interdit notamment l’usure et le prêt à intérêt. On permet cependant à certaines personnes non- chrétiennes de pratiquer ce prêt : juifs, lombards (peuple germanique d'origine scandinave)... Se développent aussi des contrats qui permettent de contourner cette prohibition du pret à intéret. On crée les "commandites": il s'agit d'un contrat proche d'une société par lequel une personne apporte des financements à une activité et profite ensuite du partage des bénéfcies. C’est une sorte prêt déguisé, à ceci près que l’associé prend un risque en cas de perte. 
Ce genre de difficultés, ayant disparu dans notre monde occidental, se retrouvent aujourd’hui dans les pays où s'applique le Coran, car ce dernier interdit toujours le prêt à intérêt. Or ce prêt est utile, car il permet de financer les entreprises (en effet, pour trouver des prêteurs, on a besoin de les motiver par le fait de leur reconnaitre l'octroi d'intérêt). Il a donc fallu trouver un moyen compatible avec la charia d’arriver à un résultat qui correspond presque au prêt à intérêt: c’est chose faite grâce à des sukuks (sakk, au singulier). En contrepartie du versement de fonds, les investisseurs deviennent porteurs de sukuks, lesquels ont pour base un actif (dit "sous-jacent") qui sert de référence. Le rendement de l'investissement dépend de la performance de cet actif sous-jacent. Par exemple, l’actif acquis grâce au fonds peut être un immeuble, et la rémunération des porteurs dépend des loyers que génèrent la mise en location de l’immeuble, donc la rémunération dépend des performances de l'actif — mais le remboursement du capital également, ce qui permet au sukuk de respecter le principe de partage des pertes et de profits: vous pouvez en effet totalement perdre votre apport, ce qui est conforme à la charia, du moins dans certains pays musulmans.
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Q

Epoque moderne

A

Petit à petit, le droit commercial se structure d’avantage. En 1563, un édit de Charles IX crée les juridictions consulaires, dont les ancêtres sont les juridictions de foire évoquées précédemment. On appelait ces juridictions “consulaires” car elles étaient présidées par des consuls — d’ailleurs l’expression « juridiction consulaire » est encore employée pour désigner des juridictions commerciales. Ces juridictions traitent des litiges entre commerçants, et de la faillite de commerçants, la banqueroute (vous verrez plus tard que ces mots ont un sens très précis aujourd’hui et qu’on les emploie dans les cas courants à tort et à travers).

En 1673, sous Louis XIV, Colbert fait préparer un code par un négociant de Paris, Jacques Savary. Ce code, qu’on a appelé Code Savary, a pour objectif de poser des pratiques commerciales, fixant ainsi le droit commercial de l’époque. L’influence de Colbert ne se résume pas à ce code, elle transparaît aussi dans une doctrine, le colbertisme, qui enjoint à l’Etat d’impulser l’économie, de la diriger et la contrôler.
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4
Q

Epoque contemporaine

A

La Révolution apporte aussi son lot d’évolutions, avec notamment deux lois intéressantes : le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791, qui proclame la liberté du commerce et de l’industrie, principe qui existe aujourd’hui encore. Par ailleurs, il y a aussi la loi Le Chapelier des 14 et 15 juin 1791 qui abolit le système de corporations. Sous l’Ancien Régime les artisans et commerçants etc étaient réunis en corporations, il n’était pas possible d’exercer le commerce hors de celles-ci. Leur abolition en 1791 n’était que la conséquence logique de la proclamation de la liberté du commerce et de l’industrie.
Ce sont ensuite les codifications napoléoniennes qui donnent à la France un vrai code de commerce en 1807. Essentiellement tourné vers la répression des abus, ce code a été très critiqué, considéré comme un code de boutiquier, rédigé à la va-vite. L’essentiel du droit commercial s’est ensuite construit hors de ce code. En particulier, les brevets sont organisés en 1844, et les marques par une loi de 1857. La loi du 24 juillet 1867 réorganise les sociétés en commandite par actions et accorde la liberté de constitution aux sociétés anonymes — auparavant il fallait l’autorisation du gouvernement.

Le XXe siècle est marqué par la volonté de limiter les conséquences néfastes du capitalisme en protégeant la partie faible dans un échange économique, ce qui se traduit par une intervention croissante de l’Etat. 
Ainsi une loi de 1905, aujourd’hui abrogée, voulait protéger contre les fraudes et falsifications — c’est l’origine de ce qu’on appelle aujourd’hui le droit de la consommation. De même, le décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux procède d’une telle volonté de protection du locataire. La loi Royer (1973) destinée à protéger les petis commerçants contre les grande surfaces en est un autre exemple, ainsi que la création de l’EURL en 1985, société à responsabilité limitée avec un seul associé, puis en 2010 du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, et plus généralement toutes les règles qui protègent patrimoine de l’entrepreneur procèdent d’une même philosophie  = protéger la personne qu'on considère comme étant dans une situation digne de protection. 

Au semestre 4 on verra aussi qu’au cours du XXe s’est développé le droit de la concurrence qui vise à éviter que les entreprises évincent leurs concurrents par des moyens abusifs. Par ailleurs, le souhait de rendre le droit plus efficace est aussi une constante de la fin du siècle précédent: les incessantes modifications du droit des procédures collectives, en quête de l’insaisissable Graal permettant de sauver l'entreprise en difficulté sans pour autant léser les créanciers et ainsi éviter les défauts de paiement en cascade, en fournit une illustration topique. 

Un dernier objectif du législateur est de clarifier le droit commercial, et cette tentative est notamment passée par l’édiction d'un nouveau Code de commerce le 18 septembre 2000, afin de regrouper tous les textes relatifs au droit commercial. Comme on l’a dit, nombreux sont les textes relatifs au droit commercial qui ne figuraient pas dans le code de 1807, par exemple la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales qui avaient elle-même clarifié le droit applicable à ces sociétés, ni la loi de 1953 sur le fonds de commerce. Cela rendait difficile la connaissance du droit par les commerçants. 

Le Code du commerce nouvelle version était censé remédier à cela sans pour autant bouleverser le droit existant. C’était une codification à droit constant, rassemblant en un ouvrage unique l’essentiel de la matière commerciale. Mais c’est un code qui présente encore beaucoup de défauts, qui seront évoqués lors des développements de ce cours.
Je vous ai beaucoup parlé du législateur et de son rôle, mais il n’est pas le seul à édicter des règles commerciales. Les sources du droit des affaires sont autrement plus nombreuses que ce qu’on peut croire.

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