Voter ou s’abstenir Flashcards
Pourquoi on vote ? Pourquoi on s’abstient ?
Le vote ne va pas de soi, et parce que donner le droit de vote ne fait pas nécessairement voter.
Ce n’est pas simplement le négatif de la première question, l’abstention est un peu plus complexe que l’étude du fait de certaines conditions qui ne sont pas réunies pour voter. On peut considérer l’abstention comme un comportement politique à part entière, on peut chercher à mettre en évidence des facteurs qui expliquent cette abstention. Cette question a longtemps éUté négligée par les études de sociologies électorales, car on a longtemps vu comme une sorte d’anomalie des démocraties, comme une sorte de manquement au devoir civique. Ça peut résulter d’un comportement déviant. Les premières études datent des années 1960/1970. C’est aussi parce que le vote dans les démocraties bénéficie d’une légitimité particulière, parce que le vote est jugé comme important que la question de l’abstention se pose d’avantage que pour d’autres modes de participation politique. On s’interroge aujourd’hui beaucoup moins sur la baisse des manifestations et des pétitions car elles sont des façons de participer beaucoup moins attendues que le vote.
Pourquoi le vote est une pratique si courante ?
La contrainte du vote
Malgré la hausse de l’abstention, le vote est une participation politique qui reste très importante, plus que d’autres formes de participation. Les élections où on dépasse les 50% d’abstention restent rares, même si ces cas existent. C’est notamment le cas quand on propose des referendums sur des questions techniques, comme sur le quinquennat par exemple (70% d’abstention). Pour la plupart des élections, en général 50 à 80% des électeurs se déplacent. Qu’est-ce qui pousse à aller voter ?
A. Le paradoxe du vote
Les électeurs votent car ils pensent pouvoir exercer une influence politique par ce moyen. Cette réponse correspond à une approche rationnelle du vote, à une approche instrumentale.
On vote parce que cela sert à quelque chose, parce que l’on fait le choix de voter et parce que cela permet d’obtenir un résultat. Elle est finalement assez conforme à la théorie démocratique du vote.
Il permettrait aux électeurs de choisir des représentants qui mettront en œuvre une politique plutôt proche de nos préférences politiques. Dès que l’on examine de plus près, cette réponse parait limitée. Jusqu’à nouvel ordre, le vote est individuel. Or à ce niveau l’intérêt à participer pour exercer une influence est faible. Une voix compte relativement peu. Par ailleurs, l’issue du vote en général dépend de nombreux paramètres : du mode de scrutin, de la taille des circonscriptions, du vote des autres électeurs… Le résultat est déterminé par toute une série de paramètres, qui ne dépendent pas du choix effectué par les électeurs, qui ne maitrisent pas la manière d’agir de ces différents facteurs.
Enfin, le vote sert à désigner des gouvernants, mais si on choisit ses gouvernants c’est en général parce qu’ils vont mettre en œuvre une certaine politique. Or, non seulement le résultat électoral est indépendant des volontés des électeurs, mais ils ont une maitrise encore plus incertaine. Ils interprètent leur programme politique selon un grand nombre de facteurs qui là aussi dépendent des contraintes du système politique. On ne peut pas dire que le vote correspond à une rationalité instrumentale car la portée d’un choix individuel est limitée quand des millions d’électeurs votent. Seule une minorité estime qu’elle peut exercer une influence par le vote. On peut parler d’une attitude ambiguë. 80% des électeurs considèrent qu’il est nécessaire de voter pour se faire entendre. 70% des électeurs ont la conviction d’avoir une très faible influence sur les gouvernements lorsqu’ils votent. Ce que cela laisse entendre c’est que finalement les électeurs attribuent au vote une fonction d’expression de leurs intérêts et préoccupations, plutôt qu’une fonction de participation au fonctionnement politique.
Cette limite de la conception du vote comme un instrument permettant d’atteindre un bénéfice, un avantage, a été souligné par des auteurs qui défendent par ailleurs l’idée que les individus sont des acteurs rationnels ; cf A.Downs. Quand il s’interroge sur les motivations du vote, l’individu n’a intérêt à aller voter que si son vote peut lui rapporter quelque chose. Dans ce cadre-là, la rétribution est définie comme une différence, écart qui existe entre le bénéfice attendu qui est multiplié par la probabilité que son vote individuel fasse une différence moins le coût du vote.
Dans cette théorie, l’électeur ne se déplace que si sa rétribution n’est pas nulle. Or, le bénéfice est toujours incertain, alors que le coût lui-même n’est jamais nul, car il faut faire des démarches pour voter.
Il faut trouver d’autres bonnes raisons de voter que la rétribution. Certains auteurs qui s’inscrivent dans cette approche du choix rationnel ont essayé de trouver d’autres raisons qui pourraient nourrir ce bénéfice attendu. Certains auteurs présentent la décision de vote comme un résultat de stratégie qui viserait à minimiser les risques, les regrets. Ils vont coter même s’ils savent que la probabilité de faire une différence sur le résultat est nulle, mais pour ne pas regretter que leur candidat soit écarté à quelques voix près. Cette réponse est limitée, car on ne résout pas les problèmes d’après les élections.
B. Le vote comme obligation sociale
Dire que le vote est une obligation sociale revient à dire que l’on va voter parce qu’on associe le vote a une pratique plutôt positive, c’est-à-dire qu’on se dit qu’il est bien de voter, qu’il faut voter, même si on ne sait pas pour qui voter et même si on peut avoir des doutes sur ce que ça va éventuellement changer. Cette obligation sociale du vote passe par toute évidence par l’intériorisation de la valeur du vote. On met en place des procédures de vote, comme en Belgique pat exemple. Même dans les pays où il n’y a pas d’obligation légale, il y a une forme d’obligation sociale qui rend un peu problématique pour les individus de ne pas voter. Quels sont les indices d’obligation sociale d’aller voter ?
Il y a une stigmatisation d’abstention qui reste relativement souvent présentée par les médias et les responsables politiques eux même comme un manquement civique et moral, présenté comme une attitude d’indifférence à l’égard des affaires publiques. Ce que cela implique que l’abstention est très souvent sous-estimée par les instituts de sondage, car les personnes interrogées hésitent avant de déclarer qu’elles n’iront pas voter à telle ou telle élection. Des analyses plus scientifiques sur la question sont assez négatives. Les analyses positives sont-elles relativement rares ? Soit elles sont antidémocratiques, c’est-à-dire qu’elles considèrent que la participation du plus grand nombre n’est pas nécessaire, soit elles considèrent que cette abstention peut être interprétée comme le signe que finalement une majorité d’électeurs considèrent que le système politique normalement, et que leur vote n’ajoutera pas grand-chose à ce fonctionnement.
On peut aussi dire qu’il est mieux que beaucoup d’électeurs ne votent pas, car ça peut permettre un fonctionnement de la politique moins sensible aux opinions, moins sensible à la démagogie. On ne fait pas reposer le système sur des engagements hostiles à la démocratie ou ignorantes du fonctionnement politique. Les défenseurs de ce point de vue se reposent sur l’exemple de la république de 1930 Weimar, on avait un fort taux de la politique, avec des opinions claires et une forte participation électorales, ce qui n’a pas empêché Hitler d’arriver au pouvoir. La montée de l’abstention est analysée comme un symptôme de dépolitisation d’un individualisme croissant au sein de la société, ils se replient sur leur intérêt personnel au lieu de s’intéresser aux problèmes publics. On a un certain nombre de message explicites et implicites qui relayent l’idée que voter correspond à une obligation civique, elle est expressément formulée sur la carte d’électeur. Il y a de campagnes régulières de sensibilisation du vote, soit faites par l’état à l’approche d’élections soit faite par des associations. S’exprimer est important, et qu’il ne faut pas laisser les autres électeurs choisir à notre place et que seul nous pouvons porter nos préférences par le biais du vote. Ne pas voter est un renoncement à un droit, accorder suite à de longues luttes, et un droit qui nous fait devenir des citoyens, qui fait de nous des individus politiques. Le même type de message est délivré par un certain nombre d’institutions, comme l’école avec les cours d’éducation civique qui suscite des pratiques de vote ; les médias qui jouent un rôle assez important notamment quand ils présentent les élections comme des moments forts pour la vie d’un pays même si on peut constater qu’il y a un différentiel de couverture médiatique selon les types d’élections, les médias contribuent à ce que les électeurs soient peu sensibilisés aux élections et à témoigner ce désintérêt.
Le vote est une pratique banale, partagée, alors que cela n’allait pas nécessairement de soi comme le montre la longue histoire de l’apprentissage du suffrage universel. Même lorsque le vote est intériorisé comme une obligation, cela peut conduire à des votes relativement automatiques qui ne témoignent pas d’un fort investissement des électeurs. Cette pratique peut aussi s’accompagner d’une faible signification politique, d’une forme de désintérêt et de nombreux électeurs se déclarent peu intéressés par la politique. Cela a une incidence sur le sens qu’il faut attribuer au vote. La fonction expressive du vote est à relativisé car ce que l’on manifeste par le fait de voter n’est pas tant l’expression d’une préférence que l’expression d’un attachement à la démocratie elle-même. On vote car on est attaché au vote et à la démocratie. On a dans l’idée que plus on vote, plus les électeurs sont nombreux, plus la démocratie est légitimée par cette participation et plus elle sort renforcée de ces opérations. Il faut manifester une adhésion au principe même de la démocratie représentative, autant voir plus que manifester son soutien à tel ou tel candidat.
Le retrait du vote
A. Une abstention irrégulière révélatrice d’un rapport au vote
Les élections n’ont pas toutes la même valeur aux yeux des électeurs. Elles sont différentes selon le type d’élection. Traditionnellement, il y a des élections où l’abstention est forte, comme les élections départementales, les élections régionales et pour les élections européennes. Le taux d’abstention dépasse les 50% pour les départementales, qui est de même pour le 1er tour des régionales. On a aussi 70%M d’abstention pour les européennes. Ce sont des élections dites « de second rang » car les électeurs ne les considèrent pas.
L’élection présentielle mobilise le plus de participants, on a entre 12% et 28% d’abstention, mais elle est très médiatisée. Il y a donc des variations en fonction de type d’élection.
Il y a aussi des variations en fonction du calendrier électoral : quand il y a une succession d’élection, on a une abstention qui augmente d’élection en élection. C’est la même chose quand il y a des élections très fréquentes, comme en Suisse par exemple.
Même lorsque les élections sont nationales, et quand elles sont considérées importantes par les électeurs, elles seront toujours moins importantes que les élections présidentielles, et surtout depuis l’inversion du calendrier électoral. Les législatives mobilisent donc beaucoup moins qu’auparavant. Dès que le corps électoral est élargi (1944 pour les femmes, 1975 pour les 18-21 ans) on a une augmentation momentanée du taux d’abstention du fait que ces nouvelles catégories ne s’approprient pas immédiatement ce droit de vote. Les inscrits augmentent, mais pas le nombre de votants. Ces constats amènent aux hypothèses suivantes :
• La contrainte de vote ne joue pas de manière définitive : il y a plus de mobilisation quand l’élection est médiatisée
• Les élections plus personnalisées : elles mobilisent plus que les autres. De manière générale, les scrutins uninominaux mobilisent plus que les scrutins de liste. On a un effet de masse (comme les élections municipales).
• Les referendums : ceux qui ont suscités le plus de participation sont ceux interprétés par des termes personnels, comme une possibilité de manifester contre de Gaulles par exemple. Les électeurs se décident pour aller voter lorsque les élections sont importantes, ainsi que quand les élections sont nationales et non locales. Les élections locales sont investies d’une importance lorsque l’on pense qu’elles peuvent servir de test à l’échelon local. Il peut donc y avoir une mobilisation importante.
Ces élections intermédiaires peuvent ponctuellement remobiliser l’électorat, surtout lorsque la participation est jugée clivant. Election de 1983 qui ont suscité une participation énorme, car 1983 est la mise en place du tournant de la rigueur par Mitterrand. Il faut davantage limiter les dépenses publiques et préserver les comptes de la nation pour maintenir la France dans l’UE. On retrouve un débat entre la gauche et la droite, d’où la mobilisation des électeurs. Cette contrainte électorale fonctionne de manière diverse.
B. Hausse de l’abstention, érosion de la croyance dans la valeur du vote
On peut l’observer dans la plupart des pays occidentaux. Elle est visible et précoce aux USA où elle s’est déclarée dès les années 60. Elle a augmenté d’une 12aine de points en 10 ans. Il a fini par atteindre l’Europe dans les années 80/90.
Ce sont des années électorales massives. Elle est caractéristique même sur les élections nationales, comme les parlementaires ou législatives. On dépasse le seuil des 30% d’abstention dès les élections de 1988. C’est stabilisé momentanément aux alentours de 40% en 2007 et en 2012. La tendance à la hausse pour les présidentielles est assez nette, depuis les années 1990 n’a connu qu’une exception en 2007 de Nicolas Sarkozy qui a connu une participation électorale exceptionnelle due à un contexte particulier, à savoir qu’elle a eu lieu après les émeutes urbaines de 2005 et c’est la 1ère élection qui s’est déroulée après le précédent du 21 avril 2002 avec l’arrivée de FN au second tour.
La personnalité des candidats à mobiliser les participants du fait de personnalités médiatisées, avec Royal et Sarkozy. Plus le débat est conflictuel, plus les positions sont claires, plus cela encourage la participation électorale. Il faut aussi ajouter les chiffres relatifs au vote blanc et au vote nul, qui manifeste une autre forme de non vote. On a encore un refus de choisir ici.
Ces deux types de vote ne peuvent pas être assimilés. Le vote blanc est interprété comme une forme d’adhésion à l’élection. Pour le vote nul, il peut exprimer un rejet violent de la politique électorale que l’abstention. Le retour de vote blanc est nul toutes ces années-là, soit 2% des inscrits.
Aujourd’hui, ces comportements sont minoritaires, mais tourne autour de 5% des inscrits. Cela dénote une augmentation conséquente par rapport aux années 50. Il y a toujours eu des résistances politiques face à cette norme de l’élection. Il y a toujours eu des refus de participer aux opérations électorales. Dans ces refus, la principale idée est que le vote est surtout un instrument de justification du pouvoir politique. Ce pouvoir trahit la volonté générale et le peuple, ils font des choix politiques qui correspondent à leurs propres intérêts et qui ne répondent pas nécessairement aux demandes sociales. Donner son vote, participer à l’opération électorale ne fait que légitimer cette trahison du peuple, et aider les dominants à dominer. On est dans le cas où le refus du vote repose sur le refus de la différence entre gouvernés et gouvernants. A côté de ces refus très construits, on a aussi la montée en puissance de forme d’hésitation, de réticence face au vote. Ces attitudes sont moins théorisées, qui manifestent l’opinion que le fait de ne pas voter n’est peut-être pas si grave, ce qui tend à penser que le vote n’est peut-être pas si indispensable au fonctionnement de la démocratie. Dans le cas français, on pourrait l’expliquer d’une part par l’affaiblissement des clivages idéologiques qui séparent les différents candidats et les différents partis. Les clivages se sont affaiblies, les différences se sont amoindries, surtout entre les partis susceptibles de remporter les élections. Cette caractéristique des principaux partis diminuent l’intérêt de soutenir tel ou tel candidat par rapport à un autre. Le summum de cet affaiblissement est « la stratégie de triangulation » pour s’approprier les enjeux de son adversaire et le combattre sur son propre terrain. On retrouve aussi la banalisation de l’alternance politique et le fait que la succession de gvt de couleur politique différente, faite de manière pacifique, ne permet pas aux électeurs de percevoir des différences dans le traitement des enjeux politiques malgré les changements de partis au pouvoir. Elle a été particulièrement en France, où depuis 1981 aucune majorité sortante n’a été reconduite, à l’exception de 2007, où la droite a succéder à la droite. Cela ne produit pas de changement clair pour les électeurs. Un plus grand scepticisme de la part des manœuvres politiques : les électeurs croient de moins en moins que les responsables politiques que les moyens et la capacité n’influent pas.
Ces trois grands facteurs entrent en dissonance avec l’idée que le vote doit être considéré comme un devoir, qu’il y a une forme d’obligation civique à voter. Cette norme morale du vote est battue en brèche par ces différents éléments. Même s’il y a une érosion de la croyance dans le vote, on reste quand même persuadé que c’est un bon moyen de participation. Quand on fait des enquêtes, le taux de personne intéressé reste stable et on voit par ailleurs se développer de nouvelles formes de participation, comme les associations.
Logiques de l’abstention électorale
A. Les conditions sociales du vote et du non-vote
Il y a des conditions légales :
• Il faut avoir 18 ans ou plus
• Etre inscrit sur les listes électorales
• Ne pas être déchu de ses droits
• Avoir la nationalité française
Une proportion grandissante d’individus s’abstient automatiquement ou ne s’inscrivent pas sur les listes électorales. La non inscription sur les liste concerne environ 10% de la population en droit de voter. Cette inscription est théoriquement obligatoire, mais comme aucune sanction n’est prévue, la non inscription est facile. Pour pallier à ce problème, une loi passée en 1997 prévoit l’inscription automatique à 18 ans de tous les nouveaux électeurs. Cette loi ne règle pas le problème des changements de résidence, des déménagements. Comme aucune procédure n’est prévue de manière automatique, il y a un taux important de mal inscription sur les listes, de gens inscrits, mais sur des listes qui correspondent à des bureaux dont ils sont éloignés ce qui n’encourage pas la participation. On trouve une fraction de la population peu diplômée, avec de faibles revenus, souvent peu informés des enjeux électoraux. Le résultat est que l’abstention et la non inscription sont particulièrement forts dans les zones qui concentrent des populations plus défavorisées. Dans les Zones Urbaines Sensibles (ZUS), le taux de non inscription dans ces cités avoisine les 25%. S’ajoutent 30% de mal inscrits. C’est la mal inscription qui est principalement responsable du taux d’abstention dans ces cités, car le coût du déplacement est élevé, et c’est une question d’avoir converser sur place des réseaux de sociabilité qui nous entraine à voter. Ces conditions sociales valent pour les personnes qui affichent un faible intérêt pour la politique. La non inscription est surtout le fait que le monde politique est trop éloigné du leur, que la politique est le domaine réservé pour des individus qui ont d’autres occupations et qui enlève tout intérêt au vote. On retrouve donc la logique du « cens caché », qui vaut aussi pour ceux qui s’y intéressent, car le vote peut être perçu comme un signe d’intégration sociale. Les gens sont dans un monde professionnel qui les encourage à aller voter, évoluent dans des milieux plus sensibilisés aux médias, dans des milieux qui favorisent l’école donc dans des milieux sensibles à l’idée que le vote est un acte banal qui est légitime et routinier.
L’idée de sociabilité joue lorsque l’on observe les différentiels de participation en milieu urbain et rural. L’abstention est plus forte dans les grands centres urbains qu’en milieu rural, car les liens sociaux étaient plus forts en milieu rural que dans les grandes villes. Cela peut aussi expliquer l’abstention en fonction de la classe d’âge : 30% entre 18-24 ans, alors qu’à partir de 45 ans elle chute aux alentours de 15%. Cette abstention de la jeunesse peut être due à un sentiment d’ignorance politique, mais elle est surtout due à une période transitoire, où ces réseaux de sociabilités sont un peu moins stables qu’aux autres périodes de la vie. Ces bouleversements de la sociabilité donnent une forme de fragilité aux injonctions sociales à aller voter. Il s’agit d’un moratoire électoral. Cette période est une période de construction de l’identité politique. Pour des raisons inverses, on trouve une grosse abstention sur les personnes de plus de 75 ans. Elle s’explique par une forme d’isolement, qui joue sur la non incitation à aller voter.
Le facteur de l’origine ethnique est très discriminant et a été étudié aux USA, particulièrement visible. Plus les électeurs sont issus d’une immigration récente, plus ils s’abstiennent. Electeurs d’origine asiatiques ont un taux d’abstention supérieur de 30% aux blancs. En France, les électeurs d’autres origines s’abstiennent beaucoup plus que ceux de la métropole de naissance. Cet effet est aussi dû à la ségrégation à l’œuvre dans les quartiers défavorisés, où il peut y avoir de fortes densités de population immigrée.
La situation sociale des individus favorise l’abstention. La participation démocratique repose sur une forme d’égalité. Ces abstentionnistes peuvent être rangés dans la catégorie des abstentionnites hors-jeu, qui se situent eux mêle distant du jeu politique. Expression forgée voir fiche plan. Ces abstentionnites-là ne suffisent pas à expliquer la montée de l’abstention depuis 20 ans. Pour expliquer ces taux d’abstention, il faut prendre en compte le fait que certains électeurs s’abstiennent délibérément car ils font le choix de s’abstenir.
B. L’abstention délibérée
Cette abstention est intermittente et conjoncturelle. Elle doit être interprétée en fonction des contextes. Certains électeurs peuvent avoir recours à l’abstention dans certaines circonstances et dans ces cas-là, elle est vécue comme une prise de position politique, encouragée par certains politiques. Les abstentionnistes dans le jeu politique sont intéressés à la politique, affichent des préférences, et qui peuvent voter de manière intermittente. Ils sont assez diplômés, engagés dans d’autres formes de participation et de manière général se situent dans le jeu politique. S’ils choisissent de s’abstenir, c’est parce que dans certains cas ils souhaitent exprimer une insatisfaction vis-à-vis de leur propre camp. Ils sanctionnent le parti qu’ils soutiennent, sans aller jusqu’à voter pour l’adversaire de leur camp. Ces abstentionnites peuvent être nouveaux.
Cohabitations à retenir :
• 1986/1988 président de gauche et gvt de droite
• 1993/1995 président de gauche et gvt de droite
• 1997/2002 président de droite et gvt de gauche
Cette abstention peut signifier un refus de choisir au sein de l’offre proposée au sein des candidats. Ces électeurs décident que parmi les candidats proposés, aucun ne correspond à ces préférences, pas de programme satisfaisant. Cela alimente une abstention plus importante au second tour qu’au premier tour. Cette abstention peut devenir permanente, plus régulière qu’intermittente, parce que l’offre politique tend elle-même à être stable et n’est pas renouvelée d’élections en élections. Cette abstention dans le jeu peut aussi être un comportement très proche des électeurs qui changent de partis de manière différente à chaque élection.
Il y a bien une abstention délibérée, même si cette abstention, qui est le produit d’individus informés, reste minoritaire. Elle peut être envisagée comme une forme de participation dans le sens où elle peut être ressentie comme une prise de position politique, une forme de jugement sur le système politique. Les effets du vote sur le gvt sont difficiles à prouver, il en est de même pour l’abstention. Les deux types d’abstention augmentent, et il y a des facteurs structurels à cela, notamment en ce qui concerne l’abstention enjeu (crise sociale, disparition d’organisation syndicale ou politique qui encadraient le vote populaire). Quant à l’abstention hors-jeu, la norme sociale du vote s’affaiblie mais de manière non linéaire. Ce réservoir peut être ponctuellement remobilisé en cas de crises politiques importantes.