III. Citations de critiques Flashcards
Sur le “réalisme” des romans courtois, Auerbach
“le propos essentiel des romans courtois est de représenter, d’un point de vue lui-même féodal, les moeurs et les idéaux de la chevalerie féodale (…) Le réalisme des romans courtois se limite à la peinture d’une seule classe de la société.” Eric Auerbach, Mimesis
La courtoisie : 3 aspects
- Style de vie
- érotique “une forme de conjonction sentimentale et corporelle entre deux individus de sexe différents.” (George Duby)
- Vaste ensemble de textes poétiques et romanesques (anti Tristan)
4 éléments de définition de la doctrine de l’amour courtois par Gaston Paris
- Crainte constante de perdre sa bien-aimée (exclusion des liens conjugaux)
- Dame inaccessible et fait subir une autorité rigoureuse et arbitraire
- Le héros doit en être digne, pour cela tous les actes imaginables
- L’amour devient un art, une science avec ses propres lois et règles du jeu
Mais pour Frappier trop simple et trop basé sur Chapelain
4 aspects de l’amour tristanien selon Jacques Ribard
- “Amour passion”, “amour souffrance”
- “Amour fatalité” (dont expression privilégiée = philtre)
- Lien étroit à la mort.
- Amour qui se pose en absolu
=> limites : 1/ les héros du Tristan n’ont pas l’impression d e vivre un fol’amor
2/ Conceptions des troubadours lyrique, pas chevaleresque, Frappier parle d’amour arthurien” ou “chevaleresque” qui intègre la conjugalité.
Tournant du 12ème dans les représentations religieuses, Michel de Certeau
‘L’Unique change de scène” : “depuis le XIIIème (l’Amour courtois, etc.), une lente démythification religieuse semble s’accompagner d’une progressive mythification amoureuse. (…) Ce n’est plus Dieu, mais l’autre et, dans une littérature masculine, la femme” La Fable Mystique
Michel Zink et Michel Stanesco sur l’apparition de l’amour dans les textes du 12ème siècle
Cf. Charles Seignobos, “L’amour est une invention française du 12ème siècle”
“Si l’amour est un sentiment vieux comme le monde, ce n’est que dans les littératures d’oc et d’oïl du XIIème siècle que l’on assiste à l’apparition d’un fait fondamentalement nouveau dans l’histoire affective de l’humanité; l’amour de l’homme pour une femme peut devenir un idéal absolu.”
Histoire européenne du roman médiéval, 1992
Paul Zumthor sur le roman arthurien et le lecteur
“le roman procède à une initiation critique de son auditeur, il l’engage (de manière plus ou moins habile) dans une quête de sens, une enquête (…) irréalisable (…) sans le truchement de l’écrit.” La lettre et la voix. De la “littérature” médiévale
Annie Combes sur le jeu entre fiction et vérité dans les oeuvres de CdT
“Les romans de Chrétien de Troyes jouent volontiers avec les catégories de la vérité et du mensonge qui sont au coeur du phénomène frictionnel. (…) l’auteur champenois manie un narrateur capable de distanciation à l’égard de ses propres énoncés, ce qui révèle un haut degré de réflexion poétique chez l’écrivain lui-même.” Elle parle de “fictions de vérité” : “au fil des pages (…) on rencontre ici et là un auteur qui prétend livrer la source véridique de l’histoire, un narrateur garantissant l’authenticité de son propos, des chevaliers qui racontent leurs exploits en les dotant de signes nombreux de véracité et des demoiselles au savoir aussi absolu qu’inexpliqué. Un cadre, un nom, une coutume valident également l’authenticité de l’histoire. Mais ces fictions de vérité sont minées de l’intérieur par un excès d’insistance, voire par un aveu ponctuel d’ignorance: si le savoir du narrateur est vacillant, faut-il accorder un plein crédit aux propos des personnages ? Et le monde arthurien étant par nature d’essence frictionnelle, toute proclamation de vérité peut y produire, paradoxalement, un surcroît de fonctionnalité. En multipliant les fictions de vérité, les romans de CdT courent le risque de mettre en péril l’adhésion à une vérité de la fiction.”
Dans “Fictions de vérité dans les réécritures européennes des romans de CdT”
Cf. “Ne cuidez pas que je vos mante.” Le Chevalier au lion, v.6525
Jean-Pierre Bordier sur l’aspect de la quête
“la quête est accomplie par le héros en vue de combler le “manque” caractéristique de la situation initiale.”
“quand un héros cherche un objet, le lecteur cherche un sens et ne trouve qu’un récit qui est ce sens et cet objet mêmes.” “Quête littérature” Dictionnaire du Moyen Age. Littérature et philosophie.
Giorgo Agamben sur le terme d’“aventure”
- Valeur dans la diégèse: pendant la rencontre avec le bouvier, a à voir avec la merveille, permet au héros de prouver sa valeur
- Valeur métapoétique: “Yvain (= Calogrenant), qui cherche ce qu’il ne peut trouver, pourrait alors être une évocation voilée de Chrétien de Troyes qui “trouve” l’argument de son poème: l’aventure du chevalier est l’aventure même du poète.”
“et le caractère performatif que prend le texte poétique, dans la mesure où l’acte de raconter et le contenu du récit tendent à s’identifier.” - Valeur ontologique du mot: “un sens proprement ontologique”: “si l’être est toujours, selon les mots d’Aristote, quelque chose qui “se dit”, alors l’aventure a certainement affaire avec une expérience déterminée de l’être.”
dans L’Aventure.
Paul Zumthor sur l’aventure
L’aventure est “un acte complexe et ayant pour fonction à la fois de retarder le retour du héros dans son lieu initial (la cour) et de manifester imprévisiblement un aspect encore inconnu de sa destinée”
Essai de poétique médiévale.
Philippe Walter sur le rapprochement de La Pesme Aventure et la Bible
Pesme Aventure // versets de l’épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens, IV, 9-14
“L’oeuvre acquiert ainsi une portée eschatologique. les jeunes filles possèdent le statut mythique des âmes captives de l’enfer qu’un chevalier christique est venu délivrer.”
Mais “Les connotations bibliques n’autorisent aucune lecture allégorique du texte ; elles ne font que souligner l’importance de la médiatisation culturelle et religieuse du roman du XIIème siècle. Elle ne vise pas exprimer fondamentalement les vérités de la foi.”
“il est clair qu’Yvain est à la fois lui-même et le Christ Rédempteur, mais il n’est pas le Christ à proprement parler. La connotation n’impose aucune identification ; elle permet au discours de jouer sur l’ambivalence des deux représentations, de créer des effets de sens originaux à partir de ce jeu et d’opérer par là même l’oblitération partielle de la référence dénotative au profit d’une surcharge connotative. Il est certain que ces jeux d’écriture égarent la naïveté du lecteur plus qu’ils ne l’éclairent. Ils sont nécessaires à construire l’univers de la fiction car la littérature vit d’ambiguïté.”
dans “Moires et mémoires du réel chez CdT: la complainte des tisseuses dans Yvain.”
Jean Fourquet sur la double cohérence
Analyse de la Joie de la Cour:
“Les principes d’identité et de non-contradiction n’existent pour ainsi dire pas ici : un objet a deux existences, parce qu’il est engagé dans deux réseaux de relations, celles du plan chevaleresque et celles du plan mythique qui coexistent sous le couvert du même schéma, de la même séquence épique.”
Double cohérence:
- de la matière (civilisation chevaleresque du 12ème siècle, culture courtoise)
- sur le plan du sens (plan mythologique des récits bretons)
J.M Fritz sur le merveilleux dans CdT
“Cette rencontre, unique au Moyen-Âge, entre roman et poésie, se joue également autour du merveilleux. Celui-ci constitue à la fois l’essence du romanesque arthurien (les merveilles de Brocéliande) et l’instant privilégié où le romancier devient poète.” Introduction livre de poche
Michel Stanesco sur le merveilleux
Dans son article sur “Le conte de fées et le merveilleux romanesque”:
- “le principe de la distanciation présuppose la dissolution de ce que Hans Georg Gadamer appelle un rapport primordial d’appartenance.”
- Citant Daniel Poiron “Le merveilleux dans la littérature française du MA : “l’étrangeté du désir saisi dans la projection imaginaire du merveilleux se confond avec la figure de l’autre, de l’étranger, d’une créature venue d’un autre monde, de l’Autre Monde.”
- “Le merveilleux est subséquent d’une dissociation ontologique.”
- citant Max Lüthi : “Il (les humains du conte) leur manque l’expérience de l’intervalle entre eux et les autres êtres (ceux de l’Autre Monde).”
- “Ces êtres de l’autre monde sont importants en tant qu’auxiliaires ou adversaires, ils ne sont pas intéressants en tant qu’apparitions: aucun mouvement intérieur chez l’humain au contact avec le fantastique : l’humain des contes n’est pas “fin Staunender”, il ne s’émerveille pas. Dans cette forme, constatait André Jolles, le merveilleux n’est pas merveilleux, mais naturel.”