I. B. Citations de Bouvier dans La Poisson Scorpion Flashcards
Le Poisson Scorpion, l’arrivée à Ceylan
« La lyre d’Orphée ou la flûte de Krishna. Celle qui résonne lorsque le monde apparaît dans sa transparence et sa simplicité originelle. Qui l’entend, même une fois, n’en guérira jamais. » p.14
Le Poisson Scorpion, sur les dangers du voyage, et de la maladie
« Dans la géographie comme dans la vie il peut arriver au rôdeur imprudent de tomber dans une zone de silence, dans un de ces calmes plats où les voiles qui pendent condamnent un équipage entier à la démence ou au scorbut. Il est plus rare qu’on prenne la peine de l’en avertir. » p.31
Le Poisson Scorpion, - Le processus d’écriture à Ceylan
« j’ai trois mois d’argent et la vie devant moi. C’est à moi de lui faire des offres. Je puis commencer mon inventaire n’importe où et n’importe quand. La musique bosniaque ou le Grand Mogol, Gobineau ou les guêpes de Kandahar, les tulipes sauvages du printemps kurde ou Montaigne. J’ai tout ce foutoir vidéo-culturel à réduire par alchimie dans cet incubateur. » p.37
Le Poisson Scorpion, sur Montaigne
« C’est en outre un homme universel par la gaieté irréductible qui sous-tend tous les propos désabusés qu’il a pu tenir. » p.38
Le Poisson Scorpion, - Sur la « pause » à Ceylan et sur la musique
« Il faut bien s’arrêter de temps en temps pour apprendre à faire sa musique, faire un peu chanter ses élytres, non ? »
Le Poisson Scorpion sur la musique de la Ceylan
« Toute ville doit pourtant avoir sa leçon mais je ne comprends rien à celle qu’on me chante ici. Je ne trouve en moi que dépit et, pour la première fois depuis longtemps, peur du lendemain. Je ne sais comment conjurer ces interlocuteurs qui se dérobent, ces portes qui se ferment, cette capitale absente dans son odeur de brûlée, ni comment faire face à tant de vide avec le peu que je suis devenu. » p.43
Le Poisson Scorpion, - Après le refus à l’Alliance française
« Plutôt que de m’accrocher à ces lambeaux d’Europe, à ces minauderies académiques, mieux vaudrait retourner bravement dans ma fournaise, ouvrir l’œil pour rendre justice aux choses, dresser l’oreille pour déchiffrer la musique qui seule les fait tenir ensemble, et me mettre à l’établi. » p.45
Le Poisson Scorpion, - Sur le passage au dispensaire
« Deux jours dans leur compagnie m’ont rendu plus léger qu’un rond de fumée. » p.53
Le Poisson Scorpion, sur le voyage, définition
« Voyager : cent fois remettre sa tête sur le billot, cent fois aller la reprendre dans le panier à son pour la retrouver presque pareille. On espérait tout de même un miracle alors qu’il n’en faut pas attendre d’autre que cette usure et cette érosion de la vie avec laquelle nous avons rendez-vous, devant laquelle nous nous cabrons bien à tort. » p.53
Le Poisson Scorpion, sur le voyage, ce qu’il n’est pas
« On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. On s’en va loin des alibis ou des malédictions natales, et dans chaque ballot crasseux coltiné dans des salles d’attente archibondées, sur de petits quais de gare atterrants de chaleur et de misère, ce qu’on voit passer c’est son propre cercueil. Sans ce détachement et cette transparence, comment espérer faire voir ce qu’on a vu ? Devenir reflet, écho, courant d’air, invité muet au petit bout de la table avant de piper mot. » p.54
Le Poisson Scorpion, regard rétrospectif - Sur le souvenir des Soviets et sur le souvenir
« Soviet de l’ « Oriental Patissery » je vous remercie et je vous revois : le quinquet fume et charbonne, noire icône, visages à larges pores luisant dans la chaleur de la nuit pendant que le temps se défait en péroraisons spectrales. Dans une vapeur d’arak à couper au couteau, la braise d’un cheeroot éclairant les mâchoires cariées, ils poussent leurs cartes en tisonnant patiemment le passé. Ce que je fais aujourd’hui même. Si à tous ceux qui vieillissent on interdisait cette petite phrase : « Vous souvenez-vous ? », il n’y aurait plus de conversation du tout : nous pourrions tous, et tout de suite, nous trancher paisiblement la gorge. » p.72
Le Poisson Scorpion, Sur le rituel et la propreté lors de la réception de la lettre de l’amoureuse (ironie dramatique)
« Je n’ai pas osé l’ouvrir avant d’avoir essayé de faire basculer la journée en ma faveur. Le voyage, comme la modicité de ma vie, m’ont rendu un brin ritualiste. » p.89
Le Poisson Scorpion, après ouverture de la lettre
« Désormais chacun sa vie et chacun sa musique ; pour quelques temps la mienne ne serait qu’un grincement. Chacun sa guerre aussi ; la mienne – qui ne sera jamais gagnée – n’en serait pas facilitée. Des haillons d’un rouge vineux s’effilochaient encore dans le ciel presque noir. C’en était bientôt fini de la grande débandade des couleurs. » p.94
Le Poisson Scorpion, extrait d’une lettre à sa mère
« … Vous n’imaginez pas comme ma vie ici peut-être fatigante. Cette observation toujours à cheval entre le réel et l’occulte me tue. Souvent je pleure sans savoir pourquoi. Les postiers me perdent crânement ces lettres d’Europe dont j’ai autant besoin que de sang. J’en reste donc à la dernière où vous me dites que ce séjour ne me vaut rien, que l’Île est en train de me brûler les nerfs et qu’on ne peut faire façon de ce que je vous adresse, que le lecteur occidental n’est pas préparé. Je veux bien, mais je voyage pour apprendre et personne ne m’avait appris ce que je découvre ici. » p.130-131
Le Poisson Scorpion, sur la mémoire et la dépression
« J’avais dans la tête assez de lieux, d’instants, de visages pour me tenir compagnie, meubler le miroir de la mer et m’alléger par leur présence fictive du poids de la journée. Cette nuit-là, je m’aperçus avec une panique indicible que mon cinéma ne fonctionnait plus. » p.136
« Il y a des jours – des soirs surtout – où il ne faut pas trop chercher à savoir qui a écrit la musique, et à cheval donné on ne regarde pas la dent. » p.145