COURS N°2: Histoire de la Psychiatrie Flashcards
Définition de la psychiatrie
• Définir la Psychiatrie n’est pas chose simple.
• Le mot lui-même est d’invention assez récente (début du XIXème siècle) et fut longtemps supplanté par Aliénisme, et Médecine mentale.
• Étymologie :
– psychiatrie : médecine de l’âme
• iatros, médecin / psukhê, souffle, âme
– psychothérapeute : • Therapeia, soin
La période antique La civilisation grecque
HIPPOCRATE (Vème siècle avant JC) est le médecin qui a effectué la synthèse des connaissances de son temps, il est à l’origine de la “théorie humorale”. Selon celle-ci, la santé est fonction de l’équilibre des humeurs (sang, lymphe, bile jaune, bile noire). Il n’y a pas de différence entre maladies de l’esprit et maladies du corps. Les troubles des humeurs altèrent le fonctionnement du cerveau et provoquent ainsi la folie.
Le médecin cherche à restaurer l’équilibre, notamment par une alimentation et des médicaments appropriés, ce qui n’exclut pas l’écoute du malade.
A cette époque les « Maladies psychiatriques » identifiées sont :
Phrénitis (maladie aigue + fièvre)
Manie (agitation sans fièvre)
Mélancolie (trouble chronique sans agitation ni fièvre)
Les « traitements » utilisés sont : exercices, massages, voyages, bains, saignées, purgation, diète, herboristerie …
L’empire romain
Définition du statut social du malade psychiatrique
LE DROIT ROMAIN institue l’incapacité de I’aliéné.
Le “mente captus” est toujours incapable, le “furiosus” reste capable dans les intervalles de lucidité.
Il existe un “curateur des fous”.
Les aliénés inoffensifs restent en famille.
Ceux qui sont dangereux sont détenus en prison et à la fin de l’Empire sont mis dans des établissements charitables.
Sur le plan médical
CELSE (Ier siècle) oppose les maladies aigues aux maladies chroniques et divise chaque groupe en maladies générales ou locales.
GALIEN (IIème siècle) élabore la théorie des tempéraments (sanguin, phlegmatique, colérique, mélancolique). Les maladies de l’âme sont des lésions de la sensibilité et de l’intelligence dues à une atteinte du cerveau ou d’un autre organe, transmise au cerveau par sympathie. Il rattache l’hystérie à une pollution du sang sous l’effet de la rétention d’un liquide séminal féminin, entraînant une irritation des nerfs et, de ce fait, des convulsions ..
CELIUS AURELIEN (Vème siècle) apparaît comme le dernier grand médecin latin s’inscrivant dans une lignée caractérisée par l’observation et le positivisme. Il assure une synthèse des connaissances acquises par ses prédécesseurs.
Le Moyen-âge
Pendant tout le Moyen Age chrétien une perception religieuse des maladies mentales, en rapport avec les mentalités populaires, va coexister avec une conception proprement médicale.
La première explique les troubles mentaux par une possession démoniaque, une manifestation du péché, de l’hystérie et envoie au bûcher les malades
Excision de la pierre de la folie; Bruegel l’Ancien. Opération, fondée sur la croyance que la folie serait causée par une pierre dans la tête (tournée en dérision par de nombreux peintres).
Le Moyen Age organise l’incapacité civile du malade mental, mais oblige sa famille, si cela est possible, à en assurer la garde ;
le malade est parfois incarcéré dans les donjons, le fou étranger est expulsé.
Le malade mental se retrouve aussi, comme les pauvres et les autres malades, dans les Hôtels Dieu. Les hôpitaux commencent à réserver aux fous des salles spéciales.
L’espoir du miracle fait organiser les pèlerinages spécialisés.
En Bretagne, St Méen et St Colomban (Locminé) guérissent les
fous moyennant une neuvaine (neuf jours de dévotions).
En Flandre, l’accueil des malades mentaux dans les familles de Gheel a une origine semblable (St Dymphne).
La Renaissance
Prolongation du Moyen Age pour la médecine, la Renaissance est cependant l’époque des guerres et de l’urbanisation, à l’origine du vagabondage et de la mendicité qui vont marquer l’époque suivante.
Jérôme Bosch : La Nef des Fous
Le thème de ce tableau s’inspire de la Nef des Fous (Das Narrenschiff), poème satirique que Sébastien Brant publia à Strasbourg en 1494.
Saint Jean-de-Dieu (1495-1550) mérite d’être cité pour son oeuvre hospitalière, mais aussi parce qu’il est considéré comme le saint-patron des hôpitaux psychiatriques.
La Renaissance
Elle est aussi la période où apparaissent quelques grands médecins humanistes, Jean WIER (1515- 1588) et Juan VIVES (1492-1540) qui s’insurgent contre la pratique du bûcher appliquée aux Fous.
“Estant doncques amené en l’hospital, un homme, d’esprit esmeu et remué, il faut regarder au commencement si cette enragerie ou maladie d’hors du sens est naturelle; ou si par accident elle serait advenue, s’il y a espoir de santé ou de guérison …. les uns ont besoin de calmants et d’un régime, les autres doivent être traités avec bienveillance afin d’être apprivoisés peu à peu comme des bêtes sauvages d’autres ont besoin d’être éduqués, il en est pour lesquels l’enfermement et les chaînes sont nécessaires, mais on doit en faire usage de telle sorte qu’ils n’en soient pas effarouchés davantage, dans la mesure du possible, il faut introduire dans leurs esprits la tranquillité, point de départ d’un retour facile du jugement et de la raison”.
En 1682, un édit royal met fin aux poursuites pour fait de sorcellerie
L’âge classique
Depuis le XVlème siècle, les indigents se sont multipliés : les misères du temps, le chômage, l’urbanisation créent une population errante sans cesse grandissante. Il s’agit d’un phénomène qui s’étend à toute l’Europe : les idées de l’époque ne s’orientent pas vers la charité mais vers l’enfermement des pauvres.
Se développent alors :
Hôpitaux généraux et Maisons de force
L’Hôpital Général de 1656 est le rassemblement des établissements de Paris 4000 à 5000 personnes seront placées à la Pitié, à Bicêtre, à la Salpêtrière (Paris compte 40 000 mendiants), les grandes villes se dotent d’hôpitaux où l’accueil charitable s’associe à la mise au travail des mendiants valides et à la répression des déviants, les insensés s’y retrouvent également.
Les maisons de force
Ces locaux de correction, le plus souvent communautés religieuses, accueillent, moyennant une pension, les “correctionnaires”. Les insensés y sont plus nombreux en proportion que dans les hôpitaux généraux (20%) ; certaines maisons se spécialisent, comme Charenton ou le Bon Sauveur à Caen.
Population de la Salpêtrière en 1701 (réservée aux femmes) : 4 646.
- 1894 enfants de moins de 15 ans,
- 594 vieilles aveugles ou paralytiques,
- 300 folles violentes ou innocentes
- 92 épileptiques de divers âges.
Mode d’hospitalisation
Les lettres de cachet
Acte souverain, la lettre de cachet émane du roi ; elle ordonne l’internement. Ce type de placement “administratif” n’est pas plus arbitraire que le placement en maison de Force qui n’est soumis à aucune formalité.
La lettre de cachet doit suivre une procédure : la famille rédige un placet, l’intendance enquête … La lettre de cachet est aussi le reflet d’une société où la famille est maîtresse de la liberté de ses membres, les surveille et les interne si besoin est.
La Révolution Française abolit les lettres de cachet, mais maintient les fous enfermés. 90% des lettres de cachet étaient demandées par les familles en vue de l’emprisonnement des marginaux et déviants, donc des fous.
Les XVIIème et XVIIIème siècles
Les soins et les traitements
Le magique et le religieux assurent aux XVIIème et XVIIIème siècles leur permanence, dont le maintien des pèlerinages à but thérapeutique et miraculeux est le témoignage le plus évident.
Calmants, évacuants, diète, saignées (souvent exagérées), toniques, lavements, bains, sont les médications les plus courantes.
S’y ajoutent des traitements plus ou moins fantaisistes : les voyages ayant parfois guéri les mélancoliques, ce sont les cahots des routes que l’on imite avec un “trémoussoir”, fauteuil agité par une mécanique.
“Contre la frénésie
Prenez le poumon d’un porc tout chaud et aussitôt faites le cuire dans de l’eau claire, puis lorsqu’il est cuit, retirez le de l’eau et le mettez tout chaud sur le chef du malade.
autre
Prenez du sang de truye et le faites cuire, et de ce faites un emplâtre qu’il faudra mettre sur la teste du malade” …
Les soins et les traitements
A l’opposé, quelques médecins entament une démarche scientifique. Thomas SYDENHAM (1624 - 1689, Britannique) marque son
désaccord avec la théorie “utérine” de l’hystérie ; sa déduction, très en avance sur son temps, est que l’homme aussi est susceptible d’hystérie. Il utilise par ailleurs l’opium comme calmant.
William CULLEN (1710 - 1790, Britannique) crée en 1769 le terme “névroses” désignant un ensemble d’affections du sentiment et du mouvement, sans fièvre ni lésions décelables. Son ouvrage essentiel sera traduit en 1785 par Pinel.
Le XIXème siècle
LES PREMIERS ALIENISTES 1800 - 1860
Apparition d’un nouveau type de médecin « l’Aliéniste » qui consacre tout son temps à fonder, diriger ou réformer des asiles d’aliénés.
Souvent, l’aliéniste habite dans un des bâtiments de son asile, observe et connaît tous ses malades individuellement, s’adonne à des recherches d’anatomie cérébrale où il croit que réside le secret des maladies mentales.
Un traitement humain des aliénés fut introduit par plusieurs pionniers : Pinel à Paris, Tuke en Angleterre
Par le biais d’une description clinique et de l’institution d’une pratique thérapeutique de la maladie mentale, il apportait un regard nouveau sur la folie : le fou n’est plus un “insensé” , la communication reste possible avec lui, car sa raison n’est jamais totalement perdue
Pinel écrit deux traités de psychiatrie
• Il développe la notion de « traitement moral »
• Le traitement moral : parler avec douceur, compatir avec le patient et lui redonner espoir (éléments fondamentaux de toute psychothérapie) mais aussi « entrer dans la raison du fou »
• En quelques décennies : échec du traitement moral.
• Dans la deuxième édition, développe son expérience institutionnelle, montre l’importance des relations avec l’entourage familial, le milieu, les autres malades dans le déclenchement, la persistance, les aggravations de la maladie mentale.
Dans son traité de 1801, Pinel prône la spécialisation d’une médecine mentale au sein de la médecine, véritable fondement de la psychiatrie moderne
• Charcot (1825- 1893)
- Arrive à la Salpêtrière en 1862
- Oriente ses recherches vers les affections du système nerveux. Il laisse une œuvre neurologique importante.
– 1865 : “Sclérose latérale amyotrophique” ou “Maladie de Charcot”
– 1868 : “La sclérose en plaques”
– 1868 - 1869 : “ Les arthropathies du tabès»
1882 : communication à l’Académie des Sciences sur « les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques »
• FREUD (1856- 1939)
– 1876 : Travaux de
neurophysiologie
– 1885 : Bourse d’étude - se rend à Paris dans le service de Charcot d’octobre 85 à février 86.
– 1886 : Ouvre un cabinet à Vienne.
– 1889 : bref voyage à Paris à l’occasion du 1er congrès international de l’hypnotisme.
1923 : le Moi et le Ça
1926 : Inhibition Symptôme - Angoisse 1927 : L’avenir d’une illusion
1930 : Malaise dans la Civilisation
Le traitement moral
Stratégie thérapeutique élaborée par Pinel et ses successeurs, et consistant à « entrer dans la raison du fou ».
• Cette stratégie reposesur:
– Une attitude empathique vis-à-vis de l’aliéné (c’est-à-dire
« celui dont la raison est aliénée par la maladie mentale »)
– Une mise en scène de son délire: Pinel a ainsi organisé un simulacre de procès d’un malade présentant un délire mélancolique et qui était convaincu qu’il serait condamné à la guillotine. Le simulacre du procès a mis en scène un acquittement du patient, ce qui n’a pas conduit à l’amélioration de son état, bien au contraire.
• Bien qu’encore rudimentaire et souvent inefficace, le traitement moral représente cependant une des premières approches de la psychothérapie, et une nouvelle forme de la relation entre le thérapeute et son malade.
Esquirol
1805 - Thèse “Les passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l’aliénation mentale”.
A la mort de PUSSIN, est nommé Médecin-surveillant à la division des folles de La Salpêtrière.
1807 - entreprend le tour de France des lieux de renfermement des aliénés asiles, hospices et prisons.
1819 - célèbre rapport au Ministre de l’Intérieur “des établissements consacrés aux aliénés en France et des moyens de les améliorer”.
Comme PINEL, il voit à la folie des causes à la fois physiques et morales et ramène les maladies mentales à 4 groupes principaux : la démence, l’idiotie, la manie, les monomanies.
- inspira la loi française de 1838 qui perdurera jusqu’en 1990
Le XXème siècle
On peut nettement y distinguer deux périodes séparées
par la 2ème guerre mondiale L’avant-guerre
La Psychiatrie s’édifie d’abord comme une science en développant la nosologie et la nosographie, restant cousine de la neurologie, s’approchant de la psychologie comme équivalent de la physiologie.
Le cerveau, support de l’esprit, est l’objet de la recherche car c’est lui qui tient la clef de l’étiologie des maladies mentales.
Cette vision médicale trouve son prolongement dans les thérapeutiques biologiques qui apparaissent après la première guerre mondiale.
Les électrochocs - CERLETTI et BINI (1938).
Principe : passage d’un courant électrique entraînant une convulsion. Intérêt dans les schizophrénies et les troubles de l’humeur.
La psycho-chirurgie - Edgar MONIZ, neurologue et homme politique portugais.
Prix NOBEL de médecine en 1949.
Il présente le résultat de ses recherches, sur les connexions intercérébrales qu’il convenait de rompre lors de la fixation de certains troubles, notamment des obsessions.
Durant cette période près de 40 000 malades périront dans les hôpitaux Français, notamment de faim.
Ceci conduira à la mise en cause du système asilaire.
Ces revendications associées aux aspirations liées à la fin de la guerre conduiront à une remise en question profonde du système et au mouvement de désinstitutionnalisation
Le XXème siècle L’après-guerre
C’est, en premier lieu, la désinstitutionalisation
D’autre part, l’ouverture de la psychiatrie à différents courants, en premier lieu aux sciences humaines, mais aussi aux neurosciences, à l’éthologie, reflètent les différents axes théoriques de cette fin de siècle et la fécondité des approches interdisciplinaires et pluridisciplinaires.
Henri EY (1900-1977) est le dernier représentant de cette féconde période où les descriptions cliniques abondent. Il tente une synthèse entre les symptômes psychiatriques et les données. Développement de la théorie organodynamique.
LA DESINSTITUTIONNALISATION
C’est une période qui voit diminuer le rôle de l’hospitalisation dans Ies établissements de grande capacité, souvent éloignés des grands centres urbains et l’extension des traitements extrahospitaliers et des structures intermédiaires.
1960 - Le quinze mars, une circulaire signe l’acte de conception d’une idée : le SECTEUR. Une deuxième circulaire précise que les pavillons ne doivent pas dépasser vingt cinq lits.
1968 - Les événements de Mai.
La neuropsychiatrie est séparée en Neurologie et Psychiatrie.
PETITE HISTOIRE DE LA SISMOTHÉRAPIE
- L’ECT est issue de l’histoire des techniques de stimulation ou thérapies de choc et non de l’histoire de l’électricité.
- Point de départ: paradigme de l’induction d’un nouveau trouble pour en guérir un autre…
Julius Wagner Jauregg & la malariathérapie
• Psychiatre autrichien (1857 – 1940), université de Vienne
• Inoculation de plasmodium pour traiter la dementia paralytica (neurosyphilis)
• Amélioration de 6 patients sur 9
• Prix Nobel de Médecine en 1928
Avenir moins glorieux: recommande en 1935 que tous les malades mentaux soient stérilisés de force. Sa demande d’entrer dans le parti nazi est refusée du fait de son premier mariage avec une femme de confession judaïque…
Manfred J. Sakel et les comas insuliniques
• Synthèse de l’insuline en 1922
• Utilisation dans le sevrage aux
opiacés
• MJ. Sakel (1900 – 1957), né en Ukraine, fait ses études de médecine à Vienne
• Intègre par la suite un sanatorium dans la périphérie de Berlin
Constate « par hasard » en 1927, l’amélioration des symptômes chez un patient schizophrène après un coma hypoglycémique accidentel dans le cadre d’un traitement de sevrage aux opiacés.
« Les cures de Sakel »
- 1ère évocation en congrès en 1933
- 1ère publication en 1935
- Suite à la montée du nazisme, émigre à New York en 1937
- Pratique alors des cures insuliniques à « prix d’or » et s’enrichit considérablement (fortune de 2 millions de dollars à sa mort)…
Les cures dites de Sakel consistaient à injecter à un malade de l’insuline afin de créer un coma hypoglycémique. Ce coma peut entraîner la survenue d’une crise d’épilepsie, ce qui s’avère être thérapeutique. Ce n’est pas l’insuline en elle-même qui est thérapeutique… Le malade était ensuite « resucré » à partir d’une sonde gastrique…