Chapitre 1Section 1. La place centrale de l’État, sujet originaire du droit international public Flashcards
Définition : Acteurs du DI / Sujets du DI / Personnes privés
Acteurs : Disposent d’une capcité d’action sur la scène internationale, pouvant influencer, orienter ou déstabiliser l’ordre mondial
Sujets : ils sont titulaires de droits, d’obligations et de capacités internationales au sein de l’ordre juridique international.
Personnes privées: En droit international, les personnes privées désignent les individus ou entités non étatiques (comme les entreprises ou ONG) qui peuvent, dans certaines conditions, être titulaires de droits et d’obligations au regard du droit international.
Définition : Sujets originaire du DI / Sujets dérivés du DI
Sujets originaires :
o Seuls les États appartiennent à cette catégorie.
o Leur qualité de sujet de droit international découle directement de leur existence, ce qui signifie qu’ils sont automatiquement soumis aux règles du droit international.
o Ils disposent de droits et de devoirs au sein de l’ordre juridique international.
Sujets dérivés :
o Leur existence découle de la volonté des États.
o Ce sont principalement les organisations internationales, qui sont créées par les États et se voient conférer des droits et des obligations spécifiques.
o Ex : l’ONU a été reconnue comme sujet de droit international par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans son avis consultatif du 11 avril 1949 sur la Réparation des dommages subis au service des Nations unies, affirmant que « les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas identiques quant à l’étendue de leurs droits ».
Définitions : acteur étatiques et interétatiques / non étatiques
Deux grandes catégories d’acteurs :
1. Les acteurs étatiques et interétatiques : États, organisations internationales.
2. Les acteurs non étatiques : entreprises multinationales, ONG, individus (via la responsabilité pénale internationale), peuples (droit à l’autodétermination).
Définition : Etat
Dans ses Contributions à la théorie générale de l’État (1921), le juriste Carré de Malberg définit ce dernier comme une “communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition”. Il souligne ainsi la double acception de la notion, où l’État correspond :
d’une part, à un mode d’organisation sociale territorialement défini ;
d’autre part, à un ensemble d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique.
Décision de la Commission d’arbitrage de la Conférence européenne pour la paix en Yougoslavie du 29 octobre 1991 (conditions d’existence de l’Etat)
« L’État est communément défini comme une collectivité se composant d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir organisé. Il se caractérise par la souveraineté. La reconnaissance par d’autres États a des effets purement déclaratifs : l’existence ou la disparition de l’État n’est qu’une question de fait. »
Définition : théorie des éléments constitutifs de l’Etat
En droit international, trois éléments sont nécessaires pour qu’une entité soit qualifiée d’État :
• Un territoire,
• Une population,
• Un gouvernement indépendant.
Un territoire
Un territoire
Un État ne peut exister sans un territoire, qui doit être naturel et non artificiel. Le changement climatique peut affecter un territoire et, en cas de disparition totale, l’État disparaîtrait également. Toutefois, une réduction de territoire ne remet pas en cause son existence.
La souveraineté territoriale s’exerce sur un territoire délimité, sans exigence d’étendue minimale (ex. : Monaco, Vatican), de contiguïté (ex. : territoires d’outre-mer), ou de tracé exact des frontières (ex. : enclaves espagnoles au Maroc).
Le territoire d’un État comprend :
• Le territoire terrestre : ensemble des terres émergées, sol et sous-sol.
• Le territoire maritime, incluant :
o Les eaux intérieures,
o Les eaux territoriales (jusqu’à 12 milles marins, selon la Convention de Montego Bay), sur lesquelles l’État exerce pleinement sa souveraineté, sous réserve du « droit de passage inoffensif » des navires étrangers,
o La zone contiguë (jusqu’à 24 milles marins) où l’État a des pouvoirs de police (douanes, immigration, santé),
o La zone économique exclusive (ZEE) (jusqu’à 200 milles marins), où l’État dispose de droits exclusifs d’exploitation des ressources,
o Le plateau continental, qui comprend les fonds marins et sous-sols au-delà de la mer territoriale, soumis à des droits exclusifs d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles.
o La haute mer, considérée comme un espace internationalisé où aucun État ne peut revendiquer de souveraineté (Convention de Montego Bay). Les fonds marins y sont qualifiés de patrimoine commun de l’humanité.
• Le territoire aérien : espace atmosphérique surplombant le territoire terrestre et maritime. Il est soumis à la souveraineté exclusive de l’État. En revanche, l’espace extra-atmosphérique est un espace internationalisé, régi par la Convention sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, excluant toute appropriation étatique ou privée.
Une population
Un État ne peut exister sans une population, définie comme l’ensemble des individus résidant de manière stable sur son territoire, qu’ils soient nationaux ou étrangers.
• Le droit international n’impose aucune condition quant à la taille, la sédentarité, ou l’homogénéité ethnique ou culturelle de la population.
• La nationalité crée un lien juridique entre l’individu et l’État, fondant sa compétence à l’égard de ses ressortissants.
• Le droit international intervient principalement pour prévenir les conflits de nationalité et régler les cas d’apatridie.
Un gouvernement indépendent
L’État, en tant que personne morale, a besoin d’un appareil politique capable d’exprimer sa volonté et d’exercer l’autorité sur son territoire et sa population.
• Le type de régime politique (démocratique, autocratique, hybride) est indifférent en droit international.
• Un gouvernement souverain signifie qu’il ne dépend d’aucune autre autorité, ni à l’intérieur ni à l’extérieur du territoire.
L’indépendance du gouvernement repose sur une déclaration d’indépendance, qui exprime la volonté d’une collectivité humaine de se constituer en État.
La reconnaissance internationale
La reconnaissance par d’autres États peut faciliter l’intégration d’un nouvel État dans la communauté internationale, mais elle n’est pas une condition constitutive de son existence.
Certains États ont été reconnus malgré des controverses :
• Taiwan n’a jamais officiellement proclamé son indépendance, mais il est reconnu par une dizaine d’États.
• Le Kurdistan possède une autonomie sur plusieurs territoires (Syrie, Irak, Iran, Turquie) mais n’a pas proclamé son indépendance.
• Israël et la Palestine ont vu leur reconnaissance évoluer dans le cadre des résolutions de l’ONU.
• La Catalogne a proclamé son indépendance en 2017, mais l’Espagne s’y est opposée, dissolvant le Parlement catalan et poursuivant ses dirigeants.
Ainsi, si la reconnaissance facilite l’intégration d’un État au sein de la communauté internationale, son existence repose avant tout sur les critères matériels définis par le droit international.
La nature et l’effet de la reconnaissance
Il convient de distinguer la reconnaissance d’un État et celle d’un gouvernement. De nombreux États occidentaux n’ont pas reconnu le gouvernement des Talibans, mais cela ne signifie pas qu’ils ne reconnaissent pas l’Afghanistan comme un État.
Cette question a longtemps fait débat en doctrine autour de deux conceptions :
• La conception constitutive considère que la reconnaissance constitue un quatrième élément nécessaire à la formation d’un État, en plus des trois critères classiques (territoire, population, gouvernement). Cette vision accorde un poids déterminant aux États déjà existants, qui bénéficieraient d’une position supérieure : sans leur accord, aucun nouvel État ne pourrait être reconnu ni participer aux relations internationales. Cependant, cette approche heurte le principe d’égalité souveraine entre les États.
• La conception déclarative, qui est la plus largement admise en doctrine et en pratique, considère que l’existence d’un État repose uniquement sur la réunion des trois éléments de fait. La reconnaissance n’est donc qu’une déclaration de fait, et non une condition de l’existence d’un État. Cette position a été adoptée par la Commission d’arbitrage pour la paix en Yougoslavie. Toutefois, bien que la reconnaissance ne soit pas une condition d’existence, elle reste indispensable pour permettre à un État de nouer des relations diplomatiques et de participer pleinement à la vie internationale.
Les formes de la reconnaissance
La reconnaissance peut prendre différentes formes
La reconnaissance peut prendre différentes formes :
• Reconnaissance expresse : acte unilatéral pris par un État qui a pour objet même cette reconnaissance. Cela peut se faire par une déclaration officielle, un communiqué de presse ou des notes verbales échangées entre États.
• Reconnaissance tacite : se déduit du comportement d’un État qui traite l’entité politique comme un nouvel État, sans déclaration formelle. Elle peut se manifester par la conclusion de traités bilatéraux, l’établissement de relations diplomatiques (échange d’ambassadeurs, ouverture de consulats, etc.).
• Reconnaissance individuelle ou collective :
o La reconnaissance est majoritairement individuelle : chaque État prend une décision qui n’engage que lui. Cependant, certaines reconnaissances ont un poids diplomatique plus important, notamment lorsque l’État reconnu est une ancienne colonie ou une entité issue d’une sécession.
o Dans certains cas, la reconnaissance peut être collective. Exemple : lors de la dissolution de l’ex-Yougoslavie, les États membres de l’UE ont adopté une déclaration commune en 1991 pour encadrer la reconnaissance des nouveaux États d’Europe de l’Est. Toutefois, cette initiative est restée inachevée car certains États, comme l’Allemagne, ont reconnu unilatéralement certains pays sans attendre une position commune.
L’importance de la reconnaissance dans l’accès aux organisations internationales
Un État dont l’existence est contestée peut chercher à adhérer à une organisation internationale pour renforcer sa légitimité sur la scène internationale. En effet, pour devenir membre d’une organisation internationale, il faut généralement être reconnu comme un État.
Exemple :
• L’Autorité palestinienne a soumis sa candidature à l’ONU et a obtenu en 2012 le statut d’observateur non-membre, lui permettant d’être reconnue comme un acteur international sans pour autant être considérée comme un État à part entière.
• En 2024, l’Espagne, l’Islande et la Norvège ont reconnu l’État de Palestine, suivis par la Slovénie, illustrant une tendance à la reconnaissance collective dans certains contextes diplomatiques.
Le caractère discrétionnaire de la reconnaissance
Le principe de liberté des États
En droit international, la reconnaissance d’un État relève du pouvoir discrétionnaire des États. Aucun texte ne les oblige à reconnaître une entité politique comme État. Ce pouvoir appartient au pouvoir exécutif et non au pouvoir législatif.
Lorsqu’un nouvel État cherche à intégrer une organisation internationale, cela ne signifie pas que tous les États membres de cette organisation sont tenus de le reconnaître individuellement. Chaque État reste libre de décider s’il souhaite établir des relations avec le nouvel État.
- Les limites à la liberté de reconnaissance
Bien que le principe de liberté prévale, il existe certaines limites en droit international. Un État ne peut pas être reconnu s’il a été créé en violation de normes impératives du droit international, telles que :
• L’interdiction du recours à la force armée : un État issu d’une annexion illégale ne peut être reconnu.
• Exemple : la République de Crimée. Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’ONU a adopté une résolution demandant aux États membres et aux organisations internationales de ne pas reconnaître ce territoire comme un État indépendant ni comme une partie intégrante de la Russie.
Ainsi, la reconnaissance d’un État ne repose pas uniquement sur des critères factuels, mais peut aussi être influencée par des considérations politiques et juridiques, notamment en matière de respect du droit international.
Conclusion
La reconnaissance des États est une prérogative discrétionnaire des États existants, mais elle joue un rôle clé dans l’intégration des nouveaux États à la communauté internationale. Si la reconnaissance n’est pas une condition juridique de l’existence d’un État (conception déclarative), elle demeure essentielle pour son fonctionnement diplomatique et son intégration aux organisations internationales. Toutefois, des limites juridiques existent, notamment en cas de violation de normes fondamentales du droit international.
L’apparition d’un État comme un processus factuel
- L’apparition d’un nouvel État entraîne la disparition de l’État prédécesseur (dissolution ou fusion)
L’apparition de nouveaux États résulte de la disparition d’États précédents.
• Dissolution : il s’agit de l’éclatement d’un État préexistant en plusieurs États nouveaux, dont aucun ne peut prétendre être le continuateur de l’État dissous, sauf accords entre les États successeurs. Exemple : la dissolution de l’URSS en 1991, actée par l’accord d’Alma Ata, a établi que la Russie serait le continuateur de l’URSS. À l’inverse, la Tchécoslovaquie a conduit à la formation de la République tchèque et de la Slovaquie sans qu’aucun des deux États ne soit le continuateur.
• Fusion : un regroupement pacifique d’États préexistants pour former un nouvel État, comme la création des États-Unis ou la République arabe unie (Égypte et Syrie), même si cette dernière n’a pas perduré. Un autre exemple est la fusion entre la Tanzanie (suite à l’union de Tanganika et Zanzibar en 1964) ou entre le Yémen du Sud et du Nord. La réunification de la RDA et de la RFA en Allemagne n’est pas une fusion, car il n’y a pas eu de disparition de l’État initial. - L’apparition d’un nouvel État sans la disparition de l’État prédécesseur (sécession)
La sécession est la séparation d’une partie du territoire d’un État existant pour former un nouvel État. Cela porte atteinte à l’intégrité territoriale de l’État préexistant, car une portion de son territoire est amputée. Cette démarche est généralement mal perçue par les États concernés.
• Contexte de la décolonisation : La décolonisation s’est déroulée en plusieurs vagues, débutant en Amérique au XVIIIe siècle, puis en Asie et en Afrique au XXe siècle. La SDN et l’ONU n’ont pas initialement condamné la colonisation et ont même institutionnalisé la colonisation à travers les mandats et les régimes de territoires sous tutelle.
• Sécession dans le cadre de la décolonisation : Le processus de décolonisation a vu des États obtenir leur indépendance, souvent par sécession, à travers un processus progressif. Exemple : les indépendances des nations d’Afrique subsaharienne et des territoires en Asie ont été précédées par la reconnaissance du droit à l’autodétermination.
L’apparition d’un État comme un processus saisi par le droit
- Reconnaissance du droit à l’indépendance pour les peuples coloniaux soumis à des régimes racistes ou autres formes de domination étrangère
La Charte des Nations Unies mentionne le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans son préambule, mais ne précise pas son application exacte. Ce droit peut être compris sous deux formes :
• Autodétermination externe : droit de créer un nouvel État (droit à l’indépendance).
• Autodétermination interne : droit pour un peuple de choisir son gouvernement.
La Charte de l’ONU ne consacre pas explicitement le droit à l’autodétermination externe, mais elle a permis la décolonisation, notamment à travers les Articles 11 et 12 qui ont créé des systèmes de tutelle et d’autogestion pour les territoires sous domination coloniale.
• Le rôle de l’Assemblée générale de l’ONU : Au cours du XXe siècle, l’Assemblée générale a largement soutenu le mouvement de décolonisation, appuyée par les puissances comme les États-Unis et l’URSS. - Le caractère discrétionnaire de la reconnaissance des États
Les États jouissent d’un pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de reconnaître un nouvel État, cette décision étant généralement prise par l’exécutif, et non par le législatif. Les États peuvent ainsi établir leur propre doctrine de reconnaissance, comme l’illustre l’exemple des États européens qui ont conditionné la reconnaissance de certains États à des critères spécifiques, comme le respect de l’État de droit.
• Limites à la reconnaissance : Bien que les États jouissent de cette liberté, des exceptions existent. Un nouvel État né par l’annexion ou en violation des normes impératives du droit international ne pourra pas être reconnu, et le droit international peut parfois encourager ou au contraire condamner l’accession à l’indépendance d’une entité.
- Résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960
Cette résolution consacre le droit à l’indépendance des peuples colonisés et interdit aux puissances coloniales d’entraver ce droit par l’usage de la force. Elle affirme que chaque peuple colonisé est libre de déterminer son avenir :
Devenir indépendant,
Maintenir sa sujétion à la puissance coloniale,
S’associer à une autre entité.
- Résolution 1541 (XV) du 15 décembre 1960
Cette résolution vient définir ce qu’est un territoire colonisé. Il s’agit d’un territoire :
Géographiquement séparé du pays qui l’administre,
Ethniquement ou culturellement distinct de l’État administrateur,
Placé sous une subordination arbitraire, qu’elle soit administrative, juridique ou historique.
Le critère de séparation géographique vise à concilier le respect de l’intégrité territoriale des États avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
- Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
Cette résolution rappelle :
L’obligation pour les puissances coloniales de mettre rapidement fin au colonialisme, en tenant dûment compte de la volonté librement exprimée des peuples concernés.
L’interdiction pour les puissances coloniales de recourir à la force pour priver ces peuples de leur droit à disposer d’eux-mêmes.
Elle renforce ainsi les principes énoncés par la résolution 1514 en insistant sur la mise en œuvre effective de la décolonisation.
C’est une étape décisive dans le processus de décolonisation, car elle consacre, sur le fondement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un véritable droit à l’indépendance.
Droit à la décolonisation
L’Assemblée générale des Nations unies joue un rôle central dans le contrôle de l’application du droit à l’autodétermination externe des peuples décolonisés.
• Contrôle des territoires non autonomes : Avant même la résolution 1514, l’Assemblée générale était chargée du contrôle des régimes appliqués aux territoires non autonomes. En 1949, elle avait mis en place un comité spécial chargé d’étudier quels territoires disposaient ou non d’une population s’administrant elle-même, conformément à l’article 11 de la Charte des Nations unies.
• Rôle après la résolution 1514 : À la suite de cette résolution, l’Assemblée générale crée le Comité des 24, chargé de suivre son application et d’identifier les peuples colonisés ayant un droit à l’indépendance.
• Garantie d’une autodétermination authentique : L’Assemblée générale contrôle également les modalités de l’expression libre et authentique de la volonté des peuples des territoires non autonomes, s’assurant que les décisions prises sur leur avenir reflètent bien leur volonté.
• Exhortation aux puissances coloniales : Elle appelle les puissances coloniales à respecter l’intégrité territoriale des territoires non autonomes et à ne pas entraver leur processus d’autodétermination.
Extension du droit à l’autodétermination externe
L’Assemblée générale des Nations unies a élargi la catégorie des peuples bénéficiant du droit à l’autodétermination externe.
• Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 : Cette résolution définit juridiquement la notion d’agression et consacre le droit à la légitime défense en cas d’agression armée. Elle précise que :
« Rien dans la présente définition ne pourra en aucune manière porter atteinte au droit des peuples qui sont soumis à des régimes coloniaux, racistes ou à d’autres formes de domination étrangère. »
Cette disposition légitime ainsi la lutte de ces peuples pour leur autodétermination et leur libération.
• Reconnaissance des peuples sous domination raciste ou étrangère : Contrairement aux territoires non autonomes, qui avaient été recensés par l’ONU, les peuples soumis à un régime raciste ou à une domination étrangère n’ont pas fait l’objet d’une liste spécifique établie par l’Assemblée générale. Toutefois, celle-ci a déterminé au cas par cas les peuples concernés, à travers l’adoption de résolutions ciblant des États particuliers.
Application du droit à l’autodétermination externe dans la pratique
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été reconnu dans certains cas aux peuples soumis à des régimes racistes, notamment en Afrique du Sud et en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), qui ont connu des régimes d’apartheid et de ségrégation raciale.
Afrique du Sud et les bantoustans
• L’Afrique du Sud avait déjà mis en place des lois de ségrégation raciale avant même son indépendance.
• Dans les années 1970, le régime d’apartheid a instauré les bantoustans : des territoires censés être des États autonomes réservés aux populations noires.
o Ces bantoustans couvraient seulement 13 % du territoire sud-africain, alors qu’ils regroupaient 70 % de la population.
o Il y en avait dix, formant de nombreuses enclaves.
o Certains bantoustans ont déclaré leur indépendance, mais cette indépendance était en réalité fictive, car ces entités étaient totalement dépendantes du régime sud-africain.
Condamnation internationale
• Résolution 31/6 A du 9 novembre 1976 : Condamne la création des bantoustans au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
• L’ONU ne reconnaît pas la déclaration d’indépendance des bantoustans, les considérant comme une manœuvre du régime d’apartheid pour priver la majorité noire sud-africaine de ses droits politiques.
Rhodésie du Sud (Zimbabwe actuel)
• Sous domination britannique, la Rhodésie du Sud a unilatéralement déclaré son indépendance en 1965 sous un régime ségrégationniste blanc dirigé par Ian Smith.
• L’ONU a condamné cette indépendance et a imposé des sanctions économiques pour forcer la transition vers un gouvernement majoritaire.
• Après une longue guerre de libération, le pays devient indépendant en 1980 sous le nom de Zimbabwe, avec Robert Mugabe comme premier dirigeant.
Autres cas
• La reconnaissance du droit à l’autodétermination externe ne s’est pas limitée aux anciennes colonies. Elle a aussi concerné les peuples sous domination étrangère ou raciste, comme en Afrique australe.
• Polynésie française : La question de l’autodétermination s’est posée dans certaines territoires insulaires, notamment en Océanie. L’ONU a inscrit la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes en 2013, renforçant la reconnaissance de son droit à l’autodétermination.
Reconnaissance du droit à l’autodétermination externe pour les peuples sous occupation étrangère
Le droit à l’autodétermination externe a également été reconnu aux peuples soumis à une occupation ou domination étrangère.
• Reconnaissance par les organes de l’ONU : Le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et la Cour internationale de justice (CIJ) ont affirmé que certains peuples, comme les Sahraouis (Sahara occidental) et les Palestiniens, disposent d’un droit à l’indépendance sur le fondement du droit à l’autodétermination externe.
• Cas du Sahara occidental :
o Ancienne colonie espagnole, ce territoire est revendiqué par le Maroc, alors que le Front Polisario réclame son indépendance.
o L’ONU considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome dont le peuple a le droit de choisir son avenir par un référendum d’autodétermination (résolution 1514 et décisions de la CIJ en 1975).
o Malgré cela, le référendum n’a jamais été organisé en raison du blocage politique entre le Maroc et le Front Polisario.
• Cas de la Palestine :
o La question palestinienne est traitée par l’ONU depuis 1947, avec le plan de partage de la Palestine (résolution 181).
o L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont reconnu le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création d’un État souverain.
o La reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre de l’ONU en 2012 (résolution 67/19) constitue une avancée vers l’indépendance.
Limites du droit à l’autodétermination externe en dehors de la décolonisation
• Non-reconnaissance pour les minorités sécessionnistes :
Le droit à l’autodétermination externe n’est pas reconnu aux minorités qui souhaitent faire sécession d’un État existant.
• Cas du Kosovo :
o En 2008, le Kosovo a proclamé son indépendance unilatéralement vis-à-vis de la Serbie, en invoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
o La Cour internationale de justice (CIJ), dans un avis consultatif de 2010, a jugé que cette déclaration d’indépendance ne violait pas le droit international, mais sans reconnaître explicitement un droit général à la sécession.
o La communauté internationale reste divisée sur cette indépendance : certains États la reconnaissent (États-Unis, France, Allemagne), d’autres non (Russie, Chine, Serbie).
• Différence entre autodétermination et sécession :
o L’autodétermination externe est reconnue dans un contexte de décolonisation ou d’occupation étrangère.
o Une sécession à l’intérieur d’un État existant n’est pas couverte par ce droit, sauf en cas de violations graves des droits fondamentaux (comme le génocide ou l’apartheid).
Ainsi, seules les situations de domination coloniale, raciste ou étrangère peuvent justifier un droit à l’indépendance reconnu par la communauté internationale.
La théorie de la sécession-remède : un argument émergent
La sécession-remède est une théorie qui a émergé dans certains contextes où une population minoritaire est victime de graves violations de ses droits par l’État central.
1. Application dans l’affaire du Kosovo
• Lors de la procédure devant la CIJ sur l’indépendance du Kosovo (avis consultatif de 2010), certains États et juristes ont avancé que la population du Kosovo avait un droit à créer un État indépendant en raison des violations graves des droits humains commises par la Serbie dans les années 1990 (répression contre les Albanais du Kosovo).
• Ce droit serait fondé sur une sécession-remède, c’est-à-dire la possibilité pour une population opprimée de se détacher d’un État qui ne respecte pas ses droits fondamentaux.
• La résolution 2625 (1970) de l’ONU, qui fixe des principes coutumiers du droit international, est invoquée dans ce raisonnement.
o Elle rappelle que l’intégrité territoriale d’un État est protégée, tant que cet État respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’égalité des droits.
o A contrario, certains en déduisent que si un État opprime une population, cette dernière pourrait revendiquer une sécession légitime.
2. La sécession-remède invoquée par la Russie dans ses interventions
• Géorgie (2008) :
o Après la guerre en Ossétie du Sud et en Abkhazie, la Russie a reconnu l’indépendance de ces deux territoires, affirmant qu’ils bénéficiaient du droit à l’autodétermination externe en raison de la répression exercée par la Géorgie.
o La Russie a justifié son intervention en affirmant que la Géorgie violait les droits des Ossètes et des Abkhazes, mais la communauté internationale n’a pas reconnu ces indépendances.
• Crimée (2014) et Ukraine (2022-2023) :
o En 2014, la Russie a utilisé l’argument de la sécession-remède pour justifier l’indépendance de la République de Crimée, qui a ensuite demandé son rattachement à la Russie via un référendum contesté.
o Lors de l’invasion de l’Ukraine en 2022, la Russie a procédé à l’annexion des territoires du Donbass et du sud de l’Ukraine, invoquant encore une fois l’idée que ces régions étaient victimes de discriminations par le gouvernement ukrainien.
o Or, ces annexions ont été largement condamnées au regard du droit international, car elles résultent d’une intervention militaire étrangère, ce qui viole la souveraineté de l’Ukraine et les principes fondamentaux du droit international.
3. La sécession-remède : un concept non consacré par le droit international
• Le droit international ne reconnaît pas explicitement la sécession-remède, bien que certains États ou juristes l’évoquent dans des cas de violations extrêmes des droits humains.
• La CIJ, dans son avis sur le Kosovo, n’a pas tranché sur cette question, se contentant de dire que la déclaration d’indépendance n’était pas contraire au droit international, sans pour autant reconnaître un droit général à la sécession-remède.
• De manière générale, le droit international reste très réticent à consacrer un droit à la sécession, sauf dans des situations extrêmes (génocide, apartheid).