Sécurité internationale Flashcards
Barry Buzan et Lene Hansen 2009 (The Key Questions in International Security Studies: The State, Politics, and Epistemology)
Il est impossible de comprendre la façon dont les débats en sécurité internationale ont évolué sans bien comprendre l’objet de référence qu’est l’État. Quatre questions structurent le champ : l’État comme objet de référent, la division interne/externe, la restriction aux menaces militaires, et les politiques d’exception. Il y a deux transformations historiques importantes dans la formation de l’État moderne : (1) Un système d’État médiéval vers un modèle territoriale moderne. (2) Une forme monarchique de gouvernement vers un gouvernement national et populaire. Ce texte explore aussi la tension entre les concepts de rationalité et d’exception dans le domaine de la sécurité internationale. Il met en évidence comment les approches traditionnelles en ESI adoptent des hypothèses de rationalité tout en reconnaissant que la sécurité peut impliquer des décisions exceptionnelles prises sous pression et sans informations parfaites. Finalement, il souligne que la compréhension de la sécurité dépend de la manière dont elle est étudiée et des approches épistémologiques adoptées (objective, subjective, linguistique).
Michael C. Williams 2010 (The Public, The Private, and the Evolution of Security Studies)
L’auteur souligne l’importance cruciale de la distinction entre le public et le privé dans le domaine de la sécurité, mettant en évidence son rôle historiquement construit, lié à des intérêts sociaux et des relations de pouvoir. Cette distinction a eu un impact profond sur la conception politique et pratique de la sécurité, notamment dans le contexte de l’État moderne. L’article explore comment cette division a évolué dans les études sur la sécurité, remettant en question la prédominance de l’État dans ce domaine. Il identifie quatre implications majeures de l’examen de la dimension public/privé : la façon dont cette distinction affecte la définition et la théorisation de la sécurité, l’émergence de la police comme acteur important dans la sécurité internationale, la relation entre la violence et l’ordre politique, et la montée des acteurs privés dans le domaine de la sécurité. En fin de compte, l’article souligne que la frontière entre le public et le privé reste pertinente pour comprendre les dynamiques actuelles de la sécurité internationale et les nouveaux défis qui se posent.
Peter Burgess 2014 (The Future of Security Research in the Social Sciences and Humanities)
Le paysage de la recherche en sécurité en Europe est en pleine mutation, avec un changement dans la nature et les causes de l’insécurité au cours des deux dernières décennies. La sécurité est désormais perçue comme un enjeu sociétal complexe, avec des dimensions culturelles, sociales, politiques et historiques cruciales. Les débats actuels opposent souvent la recherche technologique axée sur l’industrie à une approche sociétale de la sécurité, créant des désaccords significatifs. La notion de sécurité a évolué d’une vision nationale pendant la Guerre froide à une perspective thématique et multiniveaux, mettant l’accent sur la gestion plutôt que l’élimination des menaces. De plus, la sécurité est devenue une question de gouvernance et d’éthique, impliquant une responsabilité sociale. Les domaines de recherche en sécurité ont élargi leurs horizons au-delà des relations internationales traditionnelles, intégrant des disciplines telles que la psychologie et la sociologie. Le futur de la recherche en sécurité nécessite une évolution conceptuelle pour tenir compte des nouveaux enjeux, des menaces émergentes et des pratiques contemporaines, telles que la surveillance, la gestion urbaine et la privatisation.
Olaf Corry 2014 (From Defense to Resilience: Environmental Security beyond Neo-liberalism)
Cet article se penche sur l’évolution des concepts de sécurité et de défense, mettant en lumière la montée en importance du concept de résilience. Il avance que, depuis que la sécurité est devenue un élément clé dans les États-Unis dans les années 1940, la défense a été au centre des pratiques de sécurité stato-centrées. Cependant, il affirme que la défense est de moins en moins adaptée pour faire face aux menaces contemporaines qui sont diffuses et souvent non militaires. Dans ce contexte, la résilience est présentée comme une alternative à la défense. Contrairement à la défense, la résilience ne se concentre pas sur des scénarios spécifiques de menaces, mais elle vise plutôt à développer des capacités ouvertes pour faire face à diverses situations.
L’article explore également les origines du concept de résilience, qui trouve ses racines dans des domaines tels que la psychologie et l’économie, où il désigne la capacité d’une entité ou d’un système à résister aux chocs, à s’adapter, à apprendre, à évoluer ou à atteindre un nouvel équilibre tout en maintenant ses fonctions de base. Ce concept a récemment gagné en importance dans le discours politique, en particulier en ce qui concerne la sécurité nationale et les questions environnementales.
L’auteur reconnaît que la résilience a souvent été critiquée en tant que concept intrinsèquement lié au néolibéralisme, mais il plaide en faveur d’une perspective plus nuancée. Il soutient que la résilience peut être utilisée dans des contextes de gouvernance qui contestent directement le néolibéralisme. Par exemple, le texte mentionne le Centre de Résilience de Stockholm, qui utilise le concept de résilience pour argumenter en faveur d’une régulation des activités économiques mondiales dans le respect de neuf “limites planétaires”, y compris la biodiversité, le changement climatique et d’autres questions environnementales.
Enfin, l’article examine les implications de remplacer la défense par la résilience. Il met en avant trois points clés : la résilience est axée sur le long terme, l’adaptabilité et la réflexivité par rapport à la défense, qui est souvent associée à la préservation du statu quo ; la résilience encourage l’apprentissage et l’amélioration des systèmes, tandis que la défense vise principalement à la préservation ; enfin, la résilience évite la logique du “nous contre eux” qui est souvent associée à la défense, en reconnaissant que les menaces peuvent émaner de sources variées, y compris la nature. En résumé, l’article met en avant la résilience en tant que concept clé dans l’élaboration de nouvelles approches de sécurité, tout en soulignant sa complexité et son potentiel pour des gouvernances diverses, au-delà du néolibéralisme.
Michael Williams et Rita Amrahamsen 2009 (Security Beyond the State: Global Security Assemblages in International Politics)
Cet article examine la privatisation de la sécurité au-delà des soldats privés, mettant en lumière l’expansion des activités commerciales de sécurité privée, de la sécurité physique aux domaines de l’analyse des risques et de la surveillance. La privatisation de la sécurité, observée à l’échelle mondiale, représente une transformation significative dans la gouvernance de la sécurité globale, marquant un passage du concept de police à celui de maintien de l’ordre. Cette évolution est profondément liée à la montée du néolibéralisme, favorisant une approche de gouvernance en réseau, où l’État n’est plus le seul fournisseur de sécurité. Elle est également influencée par un changement dans la compréhension dominante de la criminalité, basée sur des approches économiques et calculatoires. La sécurité privée devient un acteur clé dans la reconfiguration des relations entre public et privé, ainsi qu’entre local et global, créant des assemblages de sécurité globale complexes et interconnectés. Émergence « d’assemblages de sécurité » où la sécurité est séparée du monopole de l’État, où l’État devient un nodule dans un réseau de pouvoir et d’activités allant au-delà du territoire national. C’est indicatif d’une transformation dans l’exercice du pouvoir public et privé. Cas Sierra Leone : Création d’une structure hybride publique/privée. Il n’y a pas de relations hiérarchiques claires, où le pouvoir et l’autorité sont évidents. Les deux sont négociés et mis en œuvre avec ceux du privé et leurs clients. Ce n’est pas un exemple de privé qui soutien « un État de l’ombre », c’est plutôt existence d’assemblage global. Le public garde un rôle en mettant un cadre légal et intégrant le public dans les structures privées. Il est clair que le cadre public est influencé par l’international et que le gouvernement voit la sécurité privée comme une façon d’asseoir sa légitimité avec des investissements étrangers. C’est un réseau complexe public/privé et global/local.
Anna Leander 2005 (The Power to Construct International Security: On the Significance of Private Military Companies)
Cet article examine le pouvoir des sociétés militaires privées (SMP) dans le façonnement des politiques de sécurité. Il argumente que le pouvoir des SMP ne doit pas être sous-estimé, car ils ont une influence significative sur la manière dont les questions de sécurité sont formulées et sur la compréhension même de ce qu’est la sécurité. Les auteurs proposent trois dimensions du pouvoir des SMP : le pouvoir de façonner l’agenda de sécurité en déterminant quels enjeux sont sécurisés, le pouvoir épistémique en influençant les discours de sécurité par la collecte et l’analyse d’informations, et le pouvoir structurel en contribuant à la création d’un champ d’expertise militaire et technique. Cette influence des SMP a tendance à dépolitiser la sécurité en la replaçant dans le domaine privé et militaire, érodant ainsi le pouvoir civil de l’État et de la société civile. En résumé, le pouvoir des SMP réside dans leur capacité à façonner la compréhension de la sécurité et les discours qui l’entourent, ce qui a des implications significatives pour les politiques de sécurité.
Cyril Magnon-Pujo 2013 (Des mercenaires aux compagnies de sécurité privée : Construction et pratiques de légitimation de la violence privée commerciale dans le système international)
Les compagnies de sécurité privée travaillent à légitimer leurs activités depuis le début des années 2000, cherchant à obtenir une acceptation au-delà de la reconnaissance gouvernementale. Ce processus de légitimation est décrit comme en cours et non linéaire, impliquant des actions plutôt que simplement de la rhétorique. L’auteur analyse les pratiques des compagnies de sécurité privée et leurs efforts pour établir une norme professionnelle qui définit leur rôle légitime, malgré la perception publique que l’usage de la force est un monopole de l’État. Ces entreprises se différencient des mercenaires et cherchent à légitimer leur intervention dans des domaines traditionnellement sous le contrôle de l’État. L’émergence de cette norme professionnelle reflète leur désir de regagner de la légitimité dans un domaine qui a été discrédité. Cependant, l’industrie de la sécurité privée s’appuie sur l’autorité de l’État pour valider leur norme, en mettant l’accent sur le monopole de l’État en matière de force physique légitime. La validation de l’État est considérée comme cruciale pour légitimer l’usage privé et externe de la force. En fin de compte, l’État est l’autorité suprême qui valide la légitimité construite par les compagnies de sécurité privée, qui prétendent être non offensives, non autonomes, contrôlées et non controversées.
Nicole Sunday Grove 2019 (Weapons of Mass Participation: Social Media, Violence Entrepreneurs and the Politics of Crowfunding for War)
L’auteur de cet article avance deux arguments essentiels. Tout d’abord, il souligne que les combattants engagés contre des groupes comme Daesh se distinguent des acteurs traditionnels de la sécurité privée, car leur motivation réside davantage dans la recherche d’une expérience violente, voire dans le plaisir de la violence, que dans la simple poursuite d’objectifs financiers ou professionnels. Ces combattants sont ainsi qualifiés d’“entrepreneurs de la violence,” remettant en question les conceptions habituelles de la sécurité privée. Deuxièmement, l’auteur met en lumière l’importance des plateformes en ligne de financement participatif dans la distribution de fonds pour ces combattants et leurs opérations auto-organisées, ce qui crée des formes hyper-médiatisées de patronage. Cela a pour effet de brouiller les distinctions entre civils et combattants, donnant aux donateurs individuels un rôle à la fois de producteurs et de consommateurs de sécurité, tout en remodelant les structures nationales et les modèles organisationnels conventionnels liés à la guerre. Dans l’ensemble, l’auteur explore comment les entrepreneurs de la violence émergent en marge des institutions étatiques, remodelant ainsi la politique et la souveraineté dans un contexte de guerre décentralisée et d’innovation violente. Ce qui rend ces entrepreneurs de violence politique au sens de Schmitt, c’est qu’ils tentent d’éliminer la vie d’un autre. Cela requiert une décision de nous contre eux, ami et ennemi. La décision souveraine vient hors du cadre de l’État, soit dans l’assemblage complexe et imaginée de communautés de financement en réseau, ou pas la singularité d’un homme armé.
Jack S. Levy et William R. Thompson 2010 (Causes of War)
Ce livre parle des guerres civiles et des guerres entre États. Les guerres entre États sont plus rares, mais possibles et caractère destructeur sans équivalences. Ce livre se veut une étude de certaines des théories les plus influentes sur les causes de la guerre. Pour les auteurs, la guerre est « sustained, coordinated violence between political organizations ». Le livre procède par niveaux d’analyses pour rendre compte du monde. On diffère entre théories qui mettent l’accent sur le système, l’État et la société, mais aussi les niveaux d’analyse de prise de décision, soit niveaux individuels et organisationnels. Les auteurs ajoutent un autre niveau, soit l’interaction entre les États.
Dominique Linhardt et Cédric Moreau de Beillaing 2014 (Ni Guerre ni paix : Dislocations de l’ordre politique et décantonnements de la guerre)
Le texte introduit la notion d’une sociologie des formes politiques instables, en se penchant sur les contextes situés entre la guerre et la paix. Il souligne l’importance d’observer les phénomènes de transformation et de réadaptation de la guerre, au-delà des “nouvelles guerres”, à travers des actions et dispositifs guidés par une rationalité guerrière coexistant avec une relative stabilité politique et sociale. Le texte évoque également le défi que pose la thèse des “nouvelles guerres” en mettant en lumière la transformation des violences armées et l’évolution des rapports entre la guerre et les États. Il insiste sur le caractère spatial et temporel changeant de ces conflits, marqués par des frontières moins définies et une fluidité entre guerre et paix, ce qui rend difficile la distinction nette entre ces deux états. Enfin, le texte encourage une approche graduelle pour comprendre comment la guerre et la paix coexistent et évoluent, en mettant en lumière l’importance des revendications de droits subjectifs et des dynamiques liées à l’exercice de la violence collective dans ces contextes.
Tarak Barkawi 2016 (Decolonising War)
Ce texte critique le concept eurocentrique de la guerre dans les enquêtes sociales et politiques, en mettant en lumière comment la guerre est principalement imaginée en termes provinciaux, se concentrant sur les grandes guerres de l’Occident. L’auteur plaide pour la décolonisation du concept de guerre afin de le libérer de cette pensée eurocentrique. Il remet en question la distinction entre guerre et paix, soulignant que la guerre est souvent une dimension ordinaire de la politique. L’auteur suggère un schéma alternatif de bataille/répression pour réfléchir à la violence et à la menace de la force dans la société. De plus, l’auteur remet en question l’idée d’État-nation souverain en tant que modèle dominant de la guerre, soulignant que les relations militaires impériales et transnationales ont façonné la politique mondiale. Le texte met en évidence l’importance des petites guerres et des relations impériales pour une compréhension globale de la guerre. Enfin, il encourage une réévaluation de la relation entre la force, la politique et d’autres processus sociaux et historiques, tout en mettant en garde contre les suppositions eurocentriques dans l’étude de la guerre et de la politique mondiale. En résumé, l’article met en évidence la nécessité de dépasser le concept binaire de guerre/paix pour comprendre pleinement l’interaction complexe de la guerre avec la société.
Swati Parashar 2013 (What Wars and ‘War Bodies” Know About IR)
Tente de comprendre la guerre non pas comme un élément des relations inter/intraétatiques, mais comme une institution socioculturelle et transhistorique qui a un impact sur la vie « quotidienne » des hommes, des femmes et des enfants. Dans cet article, l’auteur soutient que la guerre n’est pas une perturbation du « quotidien », une abstraction qui a un début et une fin définis, quelque chose dans lequel nous entrons et sortons. Au contraire, elle peut être saisie dans les expériences quotidiennes et banales vécues par les gens et dans les émotions puissantes qui constituent le « soi », la communauté et « l’autre ». En s’appuyant sur des recherches sur les guerres en Asie du Sud, il réfléchit en particulier à la manière dont la guerre façonne le banal et le fervent et dont les récits culturels et politiques des « corps de guerre » mettent en scène l’« international » de diverses manières. Il souhaite surtout attirer l’attention sur la façon dont les relations internationales, en tant que discipline universitaire, sont si profondément engagées dans la guerre et semblent pourtant avoir une relation distante avec elle.
Emmanuel Adler et Michael Barnett 1998 (Security Communities)
Le texte se compose de deux chapitres qui examinent la notion de communautés de sécurité en relations internationales. Il fait référence au concept de “communauté de sécurité” de Karl Deutsch, qui souligne la possibilité de la paix stable au sein de communautés politiques internationales. Le premier chapitre explore les origines du concept et son importance pour repenser la sécurité internationale, en mettant l’accent sur les interactions sociales, les dynamiques de pouvoir, les idées et les normes qui sous-tendent la formation de ces communautés. Le deuxième chapitre propose un cadre analytique en trois parties pour étudier le développement des communautés de sécurité, en mettant en lumière les facteurs déclencheurs, les éléments structurels et les processus de formation de la confiance et de l’identité collective au sein de ces communautés. Les auteurs soulignent l’importance de la compréhension des phases du développement des communautés de sécurité, tout en notant qu’elles peuvent être sujettes à la désintégration, en particulier après des crises ou des changements dans l’ordre mondial. Il explique le développement des communautés de sécurité en trois phases.
Jennifer Mitzen 2016 (Security Communities and the Unthinkabilities of War)
L’auteur examine la notion d’impensabilité de la guerre dans le contexte des relations internationales. Il soutient que cette impensabilité peut avoir des dimensions distinctes : la disponibilité (cognition) et l’acceptabilité (normes sociales et affect). Il propose une typologie 2x2 pour explorer quatre types d’impensabilité de la guerre : (1) Guerre disponible et acceptable : Dans ce cas, la guerre est une option politique ouvertement discutée et socialement acceptable. Cela correspond à une absence de communauté de sécurité. (2) Guerre indisponible mais acceptable : La guerre est rendue indisponible en tant qu’option politique grâce à des pratiques de résolution non violente des conflits institutionnalisées. Les membres de la communauté de sécurité la considèrent également comme inacceptable. (3) Guerre disponible mais inacceptable : La guerre est une option politique disponible, mais elle est devenue socialement inacceptable et taboue au sein d’un groupe d’États. Cela peut impliquer une stigmatisation ou une expulsion active de la guerre. (4) Guerre indisponible et inacceptable : Dans ce scénario, la guerre est à la fois indisponible en tant qu’option politique et inacceptable en raison de la répression émotionnelle, de la honte, ou du traumatisme associé à son souvenir. Cette impensabilité peut rendre la guerre plus probable car elle empêche la confrontation avec les implications de la violence. L’auteur remet en question l’idée que l’impensabilité de la guerre toujours positivement associée à la paix, suggérant que certains types d’impensabilité peuvent en réalité augmenter la probabilité de la guerre. Cette analyse offre un cadre pour explorer comment différentes formes d’impensabilité de la guerre peuvent influencer la politique internationale et les relations entre États.
Vincent Pouliot 2017 (La logique du praticable : une théorie de la pratique des communautés de sécurité)
Cet article soutient qu’une grande partie de ce que les gens font, en politique mondiale comme dans tout autre domaine social, n’émane pas de la délibération consciente ou d’une réflexion approfondie concernant leurs intérêts, les règles sociales ou la vérité. Les pratiques sont plutôt le résultat de savoirs non réfléchis, qui font que certaines manières de faire vont de soi ou relèvent du bon sens. On retrouve dans cette « logique du praticable », dans cette logique de la chose évidente à faire, une dimension fondamentale de la vie sociale qui est trop souvent négligée par les chercheurs. Cet article s’inscrit d’ailleurs dans une tendance plus large en faveur d’un « virage pratique » (practice turn) en théorie sociale. Pour simplifier, les théoriciens de la pratique cherchent « à faire justice à la nature pratique de l’action en rattachant les activités humaines à une strate non réfléchie ». Face à un penchant pour la connaissance réflexive qui est omniprésent en sciences sociales, la théorie de la pratique ramène les savoir-faire tacites au premier plan de l’analyse. Cet article poursuit deux principaux objectifs. (1) D’abord, il cherche à approfondir le virage pratique en théorie des RI en s’interrogeant sur les tenants et aboutissants de la logique du praticable. (2) Ensuite, l’article démontre la portée analytique de la logique du praticable au regard d’un enjeu incontournable de la politique mondiale : la paix internationale.
Ryerson Christie 2010 (Critical Voices and Human Security: To Endure, to Engage or to Critique?)
Le concept de sécurité humaine, qui a déplacé l’accent de la sécurité de l’État vers l’individu, a été adopté par une variété d’acteurs, tant du Nord que du Sud et des milieux politiques progressistes et conservateurs. Les chercheurs critiques, bien que tardivement, se sont également intéressés à ce concept. Il a été développé dans un contexte où l’ordre international libéral prévalait, mais les inégalités économiques et les conflits internes dans le Sud ont mis en évidence les limites de la sécurité traditionnelle centrée sur l’État. La sécurité humaine visait à placer l’individu au centre de la sécurité, révélant ainsi les failles de l’approche stato-centrée. Cependant, malgré son élasticité conceptuelle, il est devenu un cadre qui a renforcé le rôle de l’État en matière de sécurité et a été adopté par les gouvernements pour justifier des politiques de développement et de sécurité. Les chercheurs critiques ont abordé la sécurité humaine à travers quatre thèmes principaux, notamment l’élargissement des discours de sécurité, les analyses féministes en relations internationales, l’émancipation et le virage éthico-politique. Malgré son potentiel initial, la sécurité humaine est maintenant devenue une orthodoxie, perdant ainsi son tranchant critique, et risque même de renforcer les pratiques contre lesquelles elle était censée lutter. Il est donc nécessaire de la remettre en question et de la critiquer pour éviter de perpétuer les inégalités Nord-Sud.
Barry Buzan, Ole Waever, et Jaap de Wilde 1998 (Conceptual Apparatus)
La sécurité en RI est un concept complexe et subjectif. Elle repose sur la perception de menaces existentielles à un objet de référence, qui peut varier selon les secteurs (militaire, politique, économique, sociétal, environnemental). La “sécuritisation” est le processus par lequel un enjeu est présenté linguistiquement comme une menace existentielle, justifiant des mesures extraordinaires. Cela dépend de l’acceptation de l’audience. La sécurité peut être institutionnalisée, mais certaines pratiques sécuritaires restent en dehors du domaine public. La sécurité est intersubjective et socialement construite, dépendant de l’acceptation et du pouvoir social. Il y a trois types d’acteurs : les objets de référence (les choses menacées), les acteurs sécuritisants (ceux qui déclarent une menace), et les acteurs fonctionnels (qui influencent un secteur). La sécurité ne repose pas sur une mesure objective, mais sur des perceptions et des relations sociales.
Thierry Balzacq 2005 (The Three Faces of Securitization: Political Agency, Audience and Context)
L’article remet en question la théorie de sécurisation de l’École de Copenhague, qui considère la sécurité comme un acte de langage formel et universel, en faveur d’une approche stratégique de la sécurisation. L’auteur argue que la sécurisation doit être comprise comme une pratique pragmatique, ancrée dans des circonstances spécifiques telles que le public visé, le contexte, et l’agent de sécurisation. Contrairement à l’idée d’un acte de langage avec des règles fixes, cette approche reconnaît l’influence du contexte social, de la disposition de l’audience, et de l’agence politique de l’orateur dans la construction du discours de sécurité. En mettant l’accent sur la persuasion et l’utilisation d’artefacts discursifs, cette perspective offre une vision plus nuancée de la sécurisation en tant que pratique stratégique, dépassant les limites de la formalité linguistique pour inclure des éléments contextuels et politiques essentiels.