Le syndrome catastrophique des antiphospholipides Flashcards
I-Définition SAPL
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est un syndrome clinico-biologique associant
des thromboses vasculaires (veineuses, artérielles, microcirculation)
et/ou des complications obstétricales (principalement des pertes fœtales)
la présence persistante au moins 12 semaines d’anticorps antiphospholipides: anticoagulant circulant dit de type lupique (LA) et/ou anticorps anticardiolipide (aCL) et/ou anticorps anti-2-glycoprotéine I (anti-2GPI) (1).
Le SAPL peut s’observer associé à d’autres maladies auto-immunes principalement le lupus érythémateux systémique (LES) ou être isolé définissant le SAPL primaire.
I-Définition syndrome cadastrophe de SAPL
forme rare, très grave, accélérée, de SAPL individualisée sous le nom de syndrome catastrophique des antiphospholipides (SCAPL) (2).
Le SCAPL est caractérisé par la survenue, presque simultanée de thromboses de la microcirculation de localisations multiples conduisant à une défaillance multiviscérale, pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
Contrairement au SAPL simple, les thromboses veineuses ou artérielles touchant des vaisseaux de moyen ou gros calibre sont rares.
Un facteur déclenchant est souvent noté.
Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique, nécessitant le plus souvent une prise en charge du patient en unité de soins intensifs.
II- Epidémiologie
Le SCAPL est un variant rare du SAPL puisque affectant moins de 1% des patients avec SAPL qui est lui-même rare,
il est associé à une mortalité très élevée,atteignant plus de 40% (3).
La grande rareté de ce syndrome le rend extrêmement difficile à étudier.
Un registre international incluant des patients entre 2000 et 2008 a permis d’obtenir des données épidémiologiques ainsi que des critères diagnostiques et une aide à la conduite thérapeutique qui ont été largement utilisés dans ce document.
Ainsi dans cette série du «CAPS registry» incluant 280 patients (3), l’âge moyen de survenue d’un SCAPL est de 37±14 ans et le sex ratio femmes/hommes est de 3. Le SAPL était primaire chez 46% des patients.
III- Pathogenèse
En raison de la rareté de ce syndrome la pathogenèse du SCAPL a été très peu étudiée et est mal connue.
Différents mécanismes sont évoqués (4, 5):
Le facteur déclenchant du SCAPL étant très souvent une infection, le rôle de celle-ci dans la survenue de la thrombose a été plus particulièrement étudié.
Il existe une homologie de structure entre la partie de la 2GPIreconnue par les anti-2GPI et des séquences peptidiques présentes sur certains virus et bactéries.
Une mécanisme d’activation cellulaire commun aux infections et au SCAPL a ainsi été évoqué et mettant en jeu le Toll-Like Receptor 4 (TLR-4).
Ainsi les anti-2GPI activeraient les cellules endothéliales, selon un mécanisme dépendant du TLR-4. La production excessive de cytokines qui en résulteserait responsable :
- d’une réponse inflammatoire systémique.
- de l’acquisition d’un phénotype endothélial pro-coagulant et pro-thrombotique associée à une augmentation de synthèse et/ou d’expression de facteur tissulaire.
La thrombose elle-même entretiendrait le processus thrombotique avec génération excessive de thrombine et de fibrine associée à une diminution de la fibrinolyse par augmentation de synthèse de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI), observée au cours de cette pathologie.
IV- Facteurs déclenchants
Le «CAPS registry» portant sur 280 patients a permis d’identifier un facteur déclenchant chez 53% d’entre eux. Par ordre de fréquence, on note: une infection (22%), une chirurgie ou une autre procédure effractive (10%), un arrêt des anticoagulants ou un INR en dessous de la zone thérapeutique si un traitement antagoniste de la vitamine K est en cours (8%), des complications obstétricales (7%), la prise de nouveaux médicaments (7%), un cancer (5%) et une poussée lupique (3%) (3).
Les signes d’appel identifiés dans le registre sont variables : dyspnée, toux sèche, encéphalopathie hypertensive avec protéinurie ou hématurie, parfois aussi macro-thrombose …(3).
V- Manifestations cliniques
les atteintes au cours de l’épisode de SCAPL,
l’atteinte rénale hypertensive est la plus fréquente (71% des cas)
suivie de l’atteinte pulmonaire (64%): syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) et embolie pulmonaire.
L’atteinte cérébrale est également fréquente (62%).
L’atteinte cardiaque (51%) se présente le plus souvent sous forme d’une insuffisance cardiaque, ou d’un infarctus du myocarde, parfois en association à des lésions valvulaires préalables.
L’atteinte cutanée est présente dans 50% des cas avec un livedo reticularis, des ulcères de jambes, des lésions nécrotiques, une gangrène digitale, des hémorragies sous-unguéales, ou des ecchymoses multiples.
Les thromboses veineuses profondes ne sont détectées que chez 23% des patients du registre et les occlusions artérielles périphériques chez 11% d’entre eux.
D’autres organes sont plus rarement atteints: le foie (33%), l’estomac et l’intestin (25%), la rate (19%), les surrénales (13%) et le pancréas (8%) (3).
VI- Signes biologiques
Les anomalies biologiques le plus souvent observées sont les suivantes (3):
- Une thrombopénie (<100 G/L) de mécanisme variable (en rapport avec une activation de la coagulation et/ou d’origine auto-immune) est observée chez 46% des patients.
- Une anémie hémolytique est mise en évidence dans 35% des cas, de type mécanique (schizocytes), liée à une microangiopathie thrombotique dans 16 % des cas.
- Une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) a été trouvée chez 15% des patients selon les critères définis par le sous-comité de l’ISTH et associant:
.plaquettes <100 G/L,
.baisse du temps de Quick en pourcentage d’activité,
.augmentation des produits de dégradation de la fibrine ou des D-dimères et diminution de la concentration du fibrinogène <1 g/L (6). - Les aCL d’isotype IgG sont généralement présents à titre élevé chez 83% des patients;
les aCL d’isotype IgM sont moins fréquents.
Si ces anticorps n’étaient pas connus au préalable, il convient dans toute la mesure du possible de les rechercher rapidement.
Il existe dans plus de 80% des cas un LA mais sa mise en évidence lors de la phase évolutive du syndrome peut être délicate, surtout s’il existe une CIVD
VII- Critères diagnostiques
Des critères préliminaires de classification du SCAPL ont été proposés en 2003 par un collège d’experts (7).
Ils ont été modifiés en 2010 avec l’inclusion des anti-2GPI comme critère biologique et la nécessité de la persistance des aPL à 12 semaines (8)
1) Mise en évidence de l’atteinte d’au moins 3 organes, systèmes et/ou tissusa
2) Survenue simultanée des différentes atteintes en moins d’une semaine
3) Confirmation histologique de l’occlusion des petits vaisseaux dans au moins un organe ou tissub
4) Confirmation biologique de la présence d’anticorps antiphospholipides (LA et/ou aCL et/ou anti-2GPI)
VII- Critères diagnostiques _interpretations
Syndrome catastrophique des antiphospholipides certain (‘definite’ en anglais)
Les 4 critères sont présents
Syndrome catastrophique des antiphospolipides probable
Les 4 critères sont présents, mais seulement 2 organes, systèmes et/ou tissus sont concernés
Les 4 critères sont présents, mais la confirmation biologique de la persistance à 12 semaines des anticorps antiphospholipides n’a pu être réalisée du fait de la mort précoce du patient ou de l’absence de test avant la survenue du SAPL
1, 2 et 4
1, 3 et 4 et survenue d’un 3ème événement plus d’une semaine, mais moins d’un mois, après les premières manifestations, malgré le traitement anticoagulant
note
aMise en évidence clinique d’occlusion vasculaire, confirmée par des techniques d’imagerie appropriées. L’atteinte rénale se définit comme une augmentation d’au moins 50 % de la créatininémie, l’apparition d’une hypertension artérielle marquée (> 180/100 mm Hg) et/ou d’une protéinurie (> 500 mg/24 h)
bLa confirmation histologique signifie la mise en évidence d’un phénomène de thrombose bien qu’un processus de vascularite puisse occasionnellement coexister
cSi le patient n’a jamais eu de test biologique au préalable, les anticorps antiphospholipides doivent être détectés à deux reprises, espacées d’au moins 12 semaines (pas nécessairement au moment de l’événement clinique), en accord avec les critères préliminaires proposés pour la classification des syndromes des antiphospholipides de Sapporo révisés à Sydney
VIII- Diagnostic différentiel
1) les microangiopathies thrombotiques
2) la thrombopénie induite par l’héparine (TIH) de type II auto-immune
La CIVD aiguë
1) les microangiopathies thrombotiques
1) les microangiopathies thrombotiques au premier rang desquelles figure le purpura thrombotique thrombopénique (PTT).
Classiquement le PTT associe une atteinte neurologique, de la fièvre, une thrombopénie, une atteinte rénale et une anémie hémolytique (avec schizocytes).
Mais l’ensemble de ces atteintes n’est présent que dans 50% des cas de PTT. De plus ces manifestations sont souvent présentes dans le SCAPL. Inversement des anticorps antiphospholipides sont également observés dans le PTT mais à des titres plus faibles que ceux observés dans le SCAPL.
La survenue concomitante d’un événement macro-thrombotique (veineux ou artériel), la présence d’un LA, un test de Coombs direct positif doivent orienter vers le SCAPL mais la présence de schizocytes et d’aCL n’est en aucun cas spécifique de l’une ou l’autre de ces pathologies. De plus, la survenue d’un PTT avec déficit acquis marqué en ADAMTS-13 a déjà été décrite chez deux patients avec SAPL primaire (10).
2) la thrombopénie induite par l’héparine (TIH) de type II auto-immune
2) la thrombopénie induite par l’héparine (TIH) de type II auto-immune constitue un diagnostic différentiel lorsque les patients sont traités par héparine.
Elle peut s’accompagner de thromboses veineuses, artérielles ou de la microcirculation avec notamment atteinte des surrénales et/ou CIVD.
La présence d’anticorps anti-PF4 a été détectée chez des patients avec SAPL et/ou présentant un LES en l’absence d’exposition à l’héparine, à des titres parfois élevés, proches de ceux observés dans les TIH (11).
Mais dans tous les cas, les tests fonctionnels (agrégation plaquettaire en présence d’héparine ou sécrétion de sérotonine radio-marquée) sont négatifs au cours du SAPL (11).
La CIVD aiguë
La CIVD aiguë lorsqu’elle survient dans un contexte de sepsis grave peut poser des problèmes de diagnostic différentiel avec le SCAPL d’autant qu’elle a été rapportée dans 15% des cas dans le «CAPS registry» (3).
Pour mémoire les autres diagnostics différentiels possibles sont les endocardites marastiques ou bactériennes, et l’encéphalopathie réversible postérieure.