Figure de Style 2. Dictionnaire Flashcards

1
Q

“Trop, c’est trop!”

A

Adynaton

♦ Étymologie: Terme emprunté du grec adunatos «impuissant, impossible » formé de a (→ a) privatif et dunatos « capable de, puissant ».
♦ Définition: C’est une hyperbole* (= exagération) – souvent humoristique – impossible tant elle est excessive, « aboutissant à la description de faits inconcevables et contredisant en particulier les lois de la nature » (Bacry, p. 178).»

«C’est une façon de mettre en relief un fait, un événement pour frapper l’imagination ou pour montrer le ridicule ou l’inanité du discours.

♦ Exemples:

C’est un roc! C’est un pic! C’est un cap!
Que dis-je c’est un cap?… C’est une péninsule!
(E. Rostand, Cyrano de Bergerac, la tirade du nez.)

L’adynaton ci-dessus se double d’une gradation* (= succession de mots de force croissante ou décroissante) et d’une métaphore* (= transfert de sens par substitution analogique).

Lise me faisait faire des trous dans le ciel en me poussant trop fort dans les balançoires pour bébés.
(Michel Tremblay, L’Ange cornu aux ailes de tôle, p. 51.)

L’adynaton est particulièrement recherché par la publicité:

Divine saveur. Céleste légèreté. Le nouveau Yoplait léger.
(Cité par Arcand, p. 80.)»

AMPLIFICATION (pl. II), MISE EN RELIEF(pl. XI C)

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2
Q

“Ricochet”

A

ANADIPLOSE (N.F.)

♦ Étymologie: Ce mot est un emprunt au grec anadiplosis « redoublement », formé de l’élément ana « en tête, en remontant » et du nom diplosis « redoublement », mot dérivé du verbe diploun « doubler ».

♦ Définition: Cette figure est un procédé d’enchaînement dans lequel le dernier mot d’une proposition rebondit comme premier mot de la deuxième proposition et ainsi de suite d’après le schéma suivant:
–A, A–B, B–C, C–D,…

♦ Exemples:

[…] selle de cheval, cheval de course, course à pied, pied à terre, terre de feu…
Le néant a produit le vide, le vide a produit le creux, le creux a produit le souffle, le souffle a produit le soufflet et le soufflet a produit le soufflé.
(P. Claudel, Le Soulier de satin, 4e journée, scène II.)

Et les princes et les peuples gémissaient en vain; en vain, Monsieur, en vain, le roi lui-même tenant Madame serrée dans de si étroits embrasements.
(Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d’Orléans.)
Mourir pour des idées, l’idée est excellente.
(Georges Brassens.)

Synonyme: Épanastrophe.

→ Remarque 1. Une succession d’anadiploses s’appelle une concaténation.

→ Remarque 2. Si l’anadiplose est la reprise, en début de phrase, d’un mot terminant la phrase précédente, l’épanalepse* consiste à placer un même mot en tête et en fin de phrase (A–A), et l’épanadiplose* consiste à placer un même mot en tête et en fin de vers ou de phrase comprenant deux propositions juxtaposées (A–, –A).

→ Remarque 3. Bacry (p. 169) appelle dorica castra la reprise de syllabes et non de mots entiers. Ex.: J’en ai marre, marabout, bout de ficelle…

JEUX (pl. IX D), RÉPÉTITION (pl. XIII B)

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3
Q

“Phrase à cloche-pied”

A

ANANTAPODOTON (N.M.)
Équivalent latin particula pendens.
♦ Étymologie: Ce terme est emprunté au grec anantapodoton « sans proposition correspondante », formé de an privatif et de antapodoteon, « correspondance » en parlant de membre de phrase, lui-même formé de anta « en face » et de podotes « muni de pieds ». La phrase d’en face n’a pas de pieds, elle est manquante.
♦ Définition: C’est une variété d’anacoluthe* (= rupture de construction) dans laquelle de deux membres de phrases alternatives (introduites par tantôt… tantôt, d’une part… d’autre part, les uns… les autres, ou bien… ou bien…), seul, le premier membre est entièrement exprimé.

♦ Exemples: Ou bien vous faites ce que je vous demande ou bien tant pis pour vous! (comprendre: … ou bien vous ne le faites pas et tant pis pour vous!)
Tantôt, il s’enthousiasmait à l’idée de ce voyage; et puis qu’avait-il à gagner loin de son pays, des siens… (Morier, cité par Dupriez, p. 43.)
Tantôt, qui apparaît toujours dans une relation binaire, devrait se retrouver commençant le deuxième membre de la phrase alternative qui, lui aussi, est absent.

Les uns, dirait-on, ne songent jamais à la réponse silencieuse de leur lecteur. Ils écrivent pour des êtres béants.
(P. Valéry[…]»
«Ce que font les autres, on ne le vous dira pas.
→ Remarque 1. Quand une phrase non alternative laissée en suspens est remaniée en cours de route, on a une autre variété d’anacoluthe: un anapodoton.
→ Remarque 2. Si la proposition est remplacée par un silence, il s’agit d’une réticence
.
→ INTERRUPTION (pl. VII)

INTERRUPTION (pl. VII)

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4
Q

“Phrase bancale”

A

ANAPODOTON (N.M.)
♦ Étymologie: Ce terme est emprunté au grec anapodoton, formé de an privatif (→ ana), « sans », et de podotes, « muni de pieds ».
♦ Définition: C’est une variété d’anacoluthe* (= rupture de construction) qui consiste en une phrase « sans pieds », c’est-à-dire qui ne tient donc pas debout.

♦ Exemple:

Si vous n’êtes pas d’accord avec ce que je vous dis…
Si c’est vraiment cela votre opinion, alors j’aviserai.

La phrase commençant par: Si vous n’êtes pas d’accord… n’est pas terminée; elle reste en suspens et de ce fait est bancale; l’idée est ensuite reprise sous une forme nouvelle: Si c’est vraiment votre opinion… et se poursuit par une phrase conséquente: alors, j’aviserai.
C’est une figure fréquente dans la langue parlée où le locuteur hésite, se trouble ou tout simplement se croit compris à demi-mot.
→ Remarque. Quand il s’agit de l’absence totale oupartielle du deuxième membre d’une phrase alternative, cette variété d’anacoluthe se nomme un anantapodoton*.

INTERRUPTION (pl. VII)

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5
Q

SYNTAGME EN VERLAN

A

ANASTROPHE

Mot formé de l’élément ana, emprunté au grec « de bas en haut, en arrière, ou en sens inverse » et du substantif grec strophê, « tour », employé spécialement pour parler des évolutions du chœur lyrique sur la scène et de l’air chanté par le chœur, et par figure au sens de « ruse » (cf. tour en français); le mot dérive de strephein « tourner », verbe d’origine inconnue (d’après Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).

♦ Définition: Renversement de l’ordre habituel des mots à l’intérieur d’un groupe, d’un syntagme (= groupe de mots formant une unité dans l’organisation de la phrase: syntagmes nominal, verbal, prépositionnel, adjectival…).

L’anastrophe nous apporte des effets de miroir », dit H. Suhamy (p. 85).»

Exemples:
Sa vie durant… (au lieu de: durant sa vie)
Plus encore… (pour: encore plus)
Moi excepté… (pour: excepté moi)
Close la bouche et lavé le visage Purifié le corps, enseveli
Ce destin…
(Y. Bonnefoy, Vrai corps.)

→ Remarque 1. Pour Dupriez (p. 47), l’expression sa vie durant serait davantage une brachylogie* (= c’est-à-dire une phrase raccourcie) qu’une anastrophe: autant que sa vie ira durant; sa vie durant aurait un sens différent de durant sa vie.
→ Remarque 2. L’anastrophe se différencie de l’inversion* car elle porte sur
l’ordre des mots à l’intérieur d’un syntagme
alors que l’inversion porte sur l’ordre des syntagmes eux-mêmes.
»

DÉPLACEMENT (pl. VI), JEUX (pl. IX D),
MISE EN RELIEF (pl. XI A), SURPRENANT (pl. XV)

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6
Q

«Sosie ou Prêt momentané»

A

Annomination
Étymologie: Ce mot est dérivé du latin an (→ ad), vers, d’après, conformément à… et de nominatio, « appellation, dénomi-nation ».
♦ Définition: D’après les spécialistes, il s’agit d’une remotivation d’un nom propre.

Toutefois, l’annomination peut se pré-senter:
– soit sous la forme d’une antanaclase* « qui consiste à retrouver le sens d’un nom propre en rappelant le sens qu’il a lorsqu’il est pris comme nom commun » (M. Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique.)
♦ L’exemple le plus frappant est donné par Littré:

Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église.
(Évangile selon saint Matthieu XIV, V, 18.)

→ Remarque. Cette figure diffère de l’antanaclase du fait qu’elle fait intervenir un nom propre et un nom commun et non pas deux noms communs:
– soit sous la forme d’une dérivation (ajout d’un suffixe à un mot primitif ou radical pour en modifier la signification) néologique, inattendue, formée avec quelque intention«néologique, inattendue, formée avec quelque intention satirique de manière à créer à partir d’un nom propre un nom commun à effet plaisant ou humoristique.
Le nom propre appartient en général à un personnage de l’actualité politique ou littéraire et ces annominations se retrouvent le plus souvent dans la presse.
♦ Exemple:

J’ai oublié l’art de pétrarquer
Je veux d’amour franchement deviser
Sans vous flatter et me déguiser.
(Du Bellay, Contre les pétrarquistes.)

→ Remarque. Ce genre de dérivation ne résiste d’ordinaire pas au temps et est appelé à disparaître avec la notoriété du personnage qui a prêté son nom.
»

«IRONIE (pl. VIII), RAPPROCHEMENT (pl. XII), RÉPÉTITION (pl. XIII B), TRANSFERT (pl. XVI A)»

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7
Q

“Jongler avec les sens d’un mot”

A

ANTANACLASE (N.F.)
♦ Étymologie: Emprunt au grec antanaclasis « répercussion », c’est-à-dire le fait d’être renvoyé dans une direction nouvelle.
♦ Définition: C’est jouer sur la polysémie (= plusieurs sens d’un mot, voir remarque 1) des mots en donnant, dans une même phrase, des sens différents d’un même mot. Cette figure joue donc sur une ambiguïté.

♦ Exemples:

Après quelques propos sans propos et sans suite…
(Mathurin Régnier, Satires, X.)

Le premier propos a le sens de « paroles » et sans propos signifie « sans raison sérieuse, intempestif ».
Cette figure peut donner lieu à des effets comiques, appelée par certains antanaclase ludique:

Or Sartre l’avait largement mérité [le prix Nobel] par son œuvre et ses pompes à côté desquelles il lui arrive de marcher de temps en temps, ce qui n’enlève rien à son génie.»
(Robert Beauvais, Nous serons tous des protestants, p. 84.)

La première occurrence de pompes signifie « déploiement de faste dans un cérémonial » alors que la deuxième occurrence représentée par desquelles signifie en langue argotique les « chaussures ».

Je suis contre les femmes… Tout contre!
(Sacha Guitry.)

La première occurrence de contre fait croire que l’auteur est en opposition aux femmes alors que la deuxième le montre tout près.

→ Remarque 1. Se garder de confondre polysémie et homonymie.
Il y a polysémie quand tous les sens (= les signifiés) d’un mot remontent à la même étymologie; ils se retrouveront donc tous dans la même entrée du dictionnaire.

Exemple: Argent (latin: argentum = argent, métal)
1. métal blanc;
2. par ext. fig. de la couleur de l’argent;
3. monnaie métallique de ce métal;
4. toute sorte de monnaie métallique, de papier-monnaie;
5. Blas. un des métaux employé dans les armoiries et représenté par de l’argent, du blanc.
(D’après le Petit Robert.)

Il y a homonymie quand deux mots semblables ont des étymologies différentes (= mêmes signifiants et signifiés différents) et chacun d’eux aura son entrée dans le dictionnaire. Exemple:

Port (latin portus: ouverture, passage → port): 1. abri naturel ou artificiel aménagé pour recevoir des navires; 2. Port de porter (lat. portare): action de porter, ex: le port de l’uniforme. (D’après le Petit Robert).

→ Remarque 2. On appelle diaphore* l’antanaclase qui donne à la deuxième occurrence du mot un sens plus soutenu, plus vif.
→ Remarque 3. L’antanaclase diffère de la syllepse* qui donne à la même occurrence deux sens différents. Ex.: Cette femme est plus douce que le miel. où douce signifie à la fois « sucrée » et « tendre, bienveillante… ».

JEUX (pl. IX C), RÉPÉTITION (V. XIII B), TRANSFERT(pl. XVI B)

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8
Q

“Collision”

A

ANTILOGIE (N.F.)

♦ Étymologie: Ce mot « est emprunté (1623) au grec antilogia “réplique” et “contradiction”, de anti (→ anti) et de logia (→ logie) ». (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française). Anti marque l’opposition et logos signifie « parole, discours ».

♦ Définition: « Contradiction interne dans un texte » (Le Robert, op. cit.); « Contradiction entre les idées » (Quillet).

C’est une figure de contraste qui présente deux idéesantithétiques et s’apparente au paradoxe. Elle est considérée parfois comme une erreur ou une hésitation entre deux idées opposées, parfois comme un manque de logique qui conduit au non-sens.

♦ Exemples:

Même si c’est vrai, c’est faux.
(H. Michaux, Tranches de savoir, cité par Dupriez, p. 53.)
C’est assez vague pour être clair, n’est-ce pas?
(B. Vian, En avant la zizique, cité par Dupriez, p. 53.)
[…] le dialogue de la Russie avec la France se résumait à un monotone et opiniâtre: Je t’aime; moi non plus.
(Gilles Perrault, Le Secret du roi, p. 300.)

L’antilogie peut prendre une forme ludique:

Il avait son talon d’Achille près du cœur (Monteilhet, De plume et d’épée, p. 198.)

♦ Synonymes: Non-sens, paradoxisme.
♦ Antonyme: Tautologie*.

→ Remarque. Pour certains linguistes, l’antilogie serait synonyme d’oxymoron; certes, l’une et l’autre appartiennent à la même catégorie de figures, soit les figures de contraste; toutefois, l’antilogie serait considérée comme un défaut de raisonnement, du moins un contraste entre les idées, peut-être involontaire ou inconscient tandis que l’oxymoron (= alliance de deux mots dont les sens paraissent incompatibles) se retrouve dans un même syntagme (= groupe de mots formant une unité dans l’organisation de la phrase: syntagmes nominal,
verbal, adjectival, prépositionnel) et est, en général, recherché par l’auteur à des fins stylistiques pour rendre une fine nuance. Ex: « L’humide étincelle » (Verlaine).

CONTRASTE (pl. V), JEUX (pl. IX C), SURPRENANT (pl. XV)

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9
Q

“Mots sans queue”

A

APOCOPE (N.F.)
♦ Étymologie: « Ce mot est emprunté (1521) au latin apocope ou apocopa, grec apocopê, dérivé du verbe apocoptein “couper” de apo (→ apo) et de koptein, “frapper, trancher”, appartenant à une famille indo-européenne représentée dans le latin capus (→ chapon) et le lituanien kapiù “tailler, abattre” » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).

♦ Définition: Chute d’une syllabe ou d’un groupe de syllabes à la fin d’un mot.

♦ Exemples: La télé (= la télévision), le ciné (= cinéma, déjà apocope de cinématographe), les ado (= adolescents), une occase (= occasion), un déca (= décaféiné), le vélo (= vélocipède), le métro (= métropolitain), maso (= masochiste), sensass (= sensationnel), chez Mc Do (= Mc Donald), à perpète (= à perpétuité)…

L’apocope est de plus en plus courante dans le langage des jeunes: une interro, un prof, la géo, la récré, la gym, la pub…
→ Remarque 1. Cette figure, comme l’aphérèse* (= mot sans tête) et la syncope* (= mot amputé d’une lettre ou d’une syllabe en son milieu), et au même titre que l’épenthèse (ajout d’un phonème non étymologique à l’intérieur d’un mot: la merdre du père Ubu) et la métathèse»

«(déplacement ou inversion d’un phonème ou d’une syllabe à l’intérieur d’un mot: l’aréoport pour l’aéroport), fait partie des métaplasmes: terme générique pour toutes les altérations du mot par adjonction, suppression ou inversion de sons ou de lettres. La plupart de ces métaplasmes sont des phénomènes phonétiques ou grammaticaux concernant
surtout le niveau de langue, la langue parlée et la langue poétique (astreinte à un certain nombre de pieds). N’apparaissent donc dans cet ouvrage que trois d’entre eux: l’apocope, la syncope* et l’aphérèse* qui ont, par leur rôle expressif, une valeur stylistique. En effet, « on peut se demander s’il n’y a pas dans l’inconscient collectif des usagers du langage et dans le cadre social des groupes professionnels et autres une volonté spécifiquement stylistique dans l’usage des abréviations où entre un souci d’élégance et d’ésotérisme. Les argots de métier et de groupes abondent en abréviations » (Suhamy, p. 107).
→ Remarque 2. Certains théoriciens rangent l’élision (la suppression du e devant une voyelle ou un h muet) parmi les apocopes.

JEUX (pl. IX A), SUPPRESSION (pl. XIV)»

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10
Q

“Un air de famille”

A

APOPHONIE (N.F.)
♦ Étymologie: Ce mot est emprunté au grec apophonia formé de l’élément apo ayant valeur d’« éloigner, d’écarter » et de phonia, dérivé du mot phonos « son ». Ce sont des mots qui s’écartent phonétiquement parlant.
♦ Définition: C’est utiliser dans un même syntagme (groupe de mots formant une unité dans l’organisation de la phrase: syntagmes nominal, verbal, adjectival, prépositionnel) deux mots de famille proche mis en séquence, et entre lesquels existe une petite différence phonétique. Bien souvent, il s’agit d’adjectifs coordonnés et par conséquent de même fonction.

Cette alternance vocalique est, en général, recherchée et « se prolonge d’intentions intellectuelles, voire didactiques, alors que les figures plus naïvement répétitives expriment la démarche naturelle de l’imagination et de la sensibilité » (Suhamy, p. 66).

♦ Exemples: Parler d’un jugement partial et partiel. Avoir des réactions passionnées et passionnelles.
Donner deux versions des faits: l’une officieuse et l’autre officielle. Apporter une aide effective et efficace. Faire une analyse structurelle et structurale.
Introduire une procédure artificielle sinon artificieuse.

→ Remarque 1. L’apophonie est une forme de dérivation: cette dernière est plus générale et se caractérise par l’emploi, dans une même phrase (et non plus dans un même syntagme) de plusieurs mots dérivés d’un même radical, peu importe leur fonction. Ex.: « Il vaut mieux rêver sa vie que de la vivre, encore que la vivre ce soit encore la rêver. » (Proust, Les Plaisirs et les Joies, « Regrets et rêveries! »)
→ Remarque 2. L’apophonie est un procédé qui rapproche deux vocables qui se ressemblent par le son et par l’étymologie, alors que la paronomase
est un procédé qui rapproche deux vocables n’ayant en commun que des sons presque identiques.

JEUX (pl. IX A), RAPPROCHEMENT (pl. XII)

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11
Q

“Stop et virage”

A

APOSIOPÈSE (N.F.)
♦ Étymologie: Mot emprunté au grec aposiopein, « se taire ».
♦ Définition: C’est une phrase commencée, interrompue par un silence et qui se continue par une digression.
« Elle consiste à s’arrêter tout à coup dans le cours d’une phrase pour faire entendre par le peu qu’on a dit et avec le secours des circonstances ce qu’on affecte de supprimer et même souvent beaucoup au-delà » (Fontanier, p. 135).

Cette brusque interruption du discours traduit une émotion, une hésitation devant ce qu’on aurait à dire et qu’on voudrait taire… mais aussi, suivant les cas, le pathétique ou la ruse.
♦ Exemples:

LISETTE: Ah! Tirez-moi d’inquiétude. En un mot, qui êtes-vous?
ARLEQUIN: Je suis… N’avez-vous jamais vu de fausse monnaie?
(Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, cité par Suhamy, p. 111.)

J’ai donc fait le tour de la chambre… Le sentiment de la mort s’est toujours lié pour moi à l’agonie.
(A. Malraux, Lazare.)

L’aposiopèse est fréquente dans les monologues où l’on passe d’un sujet à l’autre sans terminer ses phrases.

♦ Synonyme: Abruption, proposé par H. Suhamy.
→ Remarque 1. L’aposiopèse diffère de la réticence
qui,elle, ne se continue pas par une digression.
→ Remarque 2. L’aposiopèse diffère de l’anacoluthe*. Dans l’une et l’autre, il y a digression, mais l’anacoluthe ne fait pas intervenir de silence et elle est plutôt considérée comme un défaut de construction.

INTERRUPTION (pl. VII), SURPRENANT (pl. XV)

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12
Q

“Astuce badine”

A

ASTÉISME

Étymologie: Ce mot est dérivé du latin astu (Bacry) « la ville » par excellence chez les Grecs à Athènes et peut-être aussi de astus, « ruse».
Définition: L’astéisme est un badinage délicat et ingénieux par lequel on loue ou on flatte avec l’apparence même d’un reproche » (Fontanier, p. 150).

«Exemples:

Maître, votre dernier roman est un attentat contre la paix des familles contre mon sommeil et ma santé. Depuis que pour mon malheur, j’ai jeté les yeux sur l’exemplaire que vous m’avez diaboliquement adressé, j’en perds le boire et le manger, mon mari et mes enfants meurent de faim, tout va à vau-l’eau. Si l’Inquisition existait encore, je vous dénoncerais comme un magicien du verbe, possesseur de philtres interdits… (Henri Suhamy, p. 117.)

L’astéisme n’est plus guère une figure productive de nos jours.

Remarque 1. L’astéisme s’apparente à l’antiphrase. Si celle-ci reste généralement sur le plan familier, celui-là se situe sur le plan mondain.
Remarque 2. La figure qui ironise sur soi-même et non plus sur autrui est un chleuasme
.

A utiliser dans les catégories suivantes :

  1. COMPLICITÉ PARTICIPATION
  2. OPPOSITION ENTRE L’INTENTION DU LOCUTEUR ET SON DISCOURS.
  3. IRONISER OU FAIRE DE L’HUMOUR À PROPOS D’AUTRUI.
  4. FAIRE ENTENDRE LE CONTRAIRE DU DISCOURS

«COMPLICITÉ (pl. IV), CONTRASTE (pl. V), IRONIE (pl. VIII), TRANSFERT (pl. XVI B)»

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13
Q

“Sans liens”

A

ASYNDÈTE (N.F. OU N.M.)
♦ Étymologie: « Ce mot est emprunté soit au bas latin asyndeton, lui-même emprunt au grec, soit directement au grec asundeton, “style sans conjonctions”, de a (→ a) privatif et de sundein,
“lier ensemble”, de sun, “avec” (→ syn), et de dein, “lier”, verbe indo-européen à comparer au sanskrit dyati » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).
♦ Définition: « Sorte d’ellipse par laquelle on retranche les conjonctions simplement copulatives qui doivent unir les parties dans une phrase » (Littré).
«Les éléments apparaissent les uns à la suite des autres, sans liens, juxtaposés.

Cette figure a pour but d’accentuer la rapidité et l’énergie du discours ou de mettre en évidence l’opposition entre deux idées; c’est au lecteur de rétablir les liens inexprimés entre phrases ou propositions de même nature, c’est-à-dire les conjonctions de coordination, de concession, d’opposition telles que: et, car, mais, tandis que… qui sont remplacées par une virgule.

♦ Exemples: J’irai par la forêt, [et] j’irai par la montagne [car] Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
(Hugo, Les Contemplations, « Demain dès l’aube… »)
La Silésie avait été conquise par les armes, [tandis que] la Pologne fut une conquête machiavélique.
(G. de Staël, De l’Allemagne, XVI, cité par Suhamy p. 109.)

♦ Antonyme: polysyndète.
→ Remarque 1. «L’asyndète étant caractérisée par l’absence de conjonctions copulatives et par la présence d’une virgule, il peut y avoir confusion entre l’asyndète et l’apposition », note Dupriez (p. 84), comme le montre l’exemple suivant: « Cette triste femme contemplait avec douceur les enfants, les bébés » (M.-C. Blais, Une saison dans la vied’Emmanuel, p. 53). Faut-il comprendre d’une part les enfants et d’autre part les bébés ou les enfants qui sont plus exactement des bébés? Addition ou apposition
? Notons que celle-ci est un procédé par lequel deux termes simples ou complexes sont juxtaposés dont l’un joue le rôle de déterminant par rapport à l’autre; dans ce cas, les bébés seraient les enfants.
→ Remarque 2. L’asyndète est une forme spécifique de parataxe*; cette dernière a un sens plus large et a recours à l’effacement de tout marqueur de rapport (y compris les conjonctions de subordination); il en résulte qu’il n’y a plus aucun lien explicite entre les différentes propositions ou syntagmes (= groupes de mots formant une unité dans l’organisation de la phrase: syntagmes nominal, verbal, prépositionnel, adjectival) et que l’effacement des subordonnants peut même entraîner un bouleversement de la structure de la phrase.

JUXTAPOSITION (pl. X), MISE EN RELIEF (pl. XI B), SUPPRESSION (pl. XIV)

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14
Q

“Couple mal assorti”

A

ATTELAGE (N.M.)

♦ Étymologie: « C’est un dérivé usuel du verbe atteler, emprunté au latin attelare, produit par substitution de préfixe à partir du bas latin prote-lare, “conduire jusqu’au bout”, de protelum, “fait de tirer en avant”,
surtout à l’ablatif protelo, “d’un trait” en contexte agricole… En français, atteler outre le sens propre “attacher une bête de trait à une voiture” se dit au pronominal (s’atteler) et au figuré pour “s’associer avec quelqu’un” » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).
♦ Définition: Cette figure consiste à atteler, à associer au même verbe ou à la même préposition des compléments de nature sémantique différente (souvent association d’abstrait/concret).

Cette figure est recherchée par l’auteur et procure un effet de surprise et souvent d’étrangeté.
♦ Exemples:

Il posa sa canne et une question.
Il est venu avec sa valise et sa femme.

Les compléments coordonnés canne et question sont de nature différente ainsi que femme et valise; il y a donc attelage dans les deux cas. Comme on peut le constater, cette figure n’existe que parce qu’il y a une mise en facteur (= zeugme) des verbes posa et est venu: chacun d’eux régit deux compléments.
Comme il arrive bien souvent en cas d’attelage, le mot mis en facteur a deux sens (syllepse
): c’est le cas de posa (mais pas de est venu) qui signifie à la fois mettre un objet à un endroit qui peut le recevoir et interroger quand il est suivi de une question (cf. remarque 1).

Les hommes mettent dans leur voiture autant d’amour-propre que d’essence.
(Ici, zeugme, syllepse et attelage.)
(Daninos, Monsieur Voiture, Le Figaro, 9 octobre 1956.)

Vêtu de probité candide et de lin blanc. (Ici, zeugme, syllepse et attelage.)
(V. Hugo, La Légende des siècles, II, VI, « Booz endormi ».)

Tout jeune, Napoléon était très maigre et officier d’artillerie
plus tard, il devint empereur alors, il prit du ventre et beaucoup de pays.
(Ici, zeugme et attelage puis zeugme, syllepse et attelage.)
(J. Prévert, Composition française, cité par Suhamy p. 111.)

♦ Synonyme: Fausse coordination.
→ Remarque 1. Les notions d’attelage, de zeugme et de syllepse prêtent souvent à confusion. Précisons les relations entre ces figures:
– Il peut y avoir un zeugme (une mise en facteur) sans attelage ni syllepse. Ex: Vêtu de cuir et de lin blanc. « Vêtu est mis en facteur et a un seul sens, son sens propre; de ce participe dépendent deux compléments de même nature cuir et lin blanc.
– Il peut y avoir syllepse (mot ayant deux sens simultanément) sans attelage ni zeugme. Ex.: Lisez entre les lignes (pour une bibliothèque installée dans le métro – exemple proposé par Bacry, p. 183). Ligne signifie à la fois « trajet de métro » et « suite de caractères disposés dans la page sur une ligne horizontale ».
– Il peut y avoir attelage (maigre et officier d’artillerie) et zeugme (était mis en facteur) sans syllepse (le verbe « être » marque un état dans les deux cas).
– Comme on l’a vu précédemment, il ne peut pas y avoir d’attelage sans zeugme; celui-ci conditionne donc la syllepse. Ex.: Il prit du ventre et beaucoup de pays. Le verbe prit est mis en facteur (zeugme) et a deux sens, celui de « commencer à avoir » et celui de « se rendre maître » (syllepse); de ce verbe dépendent deux compléments de nature sémantique différente: ventre et pays (attelage). Ex.: Il est venu avec sa valise et son arrogance coutumière. La préposition avec est mise en facteur (zeugme) et a deux sens: accompagnement et manière (syllepse), et commande deux compléments de nature différente: valise et arrogance attelage).
→ Remarque 2. Certains auteurs considèrent attelage comme synonyme de zeugme; celui-ci est davantage une figure de construction, tandis que celui-là est plutôt une figure de pensée. Même si l’un et l’autre ontétymologiquement le même sens, l’un venant du latin, l’autre du grec, leur définition respective, telle qu’énoncée ici, demande de les considérer comme des figures différentes.

→ Remarque 3. Ce qu’on appelle ici « attelage », Lausberg (cité par Dupriez, p. 474) le nomme « zeugme sémantique ».

CONTRASTE (pl. V), JEUX (pl. IX C), SURPRENANT (pl. XV)

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“Tomber de haut”

A

BATHOS (N.M.)

♦ Étymologie: Emprunté au grec bathos, « profond, creux, étendu de haut en bas

♦ Définition: C’est une gradation de progression ascendante brusquement interrompue pour se terminer par une déception.

L’effet en est ironique ou surprenant, et par contraste, met en relief le dernier terme.

♦ Exemples:

A. de Musset, esprit charmant, aimable, fin, gracieux, délicat, exquis, petit.
(V. Hugo, cité par Dupriez, p. 92.)
Regarde, touche, mange tout le paysage, c’est mon cadeau.
(Michel Tremblay, L’ange cornu aux ailes de tôle, p. 16.)

CLAIRE: Dans ses bras parfumés, le diable m’emporte. Il me soulève, je décolle, je pars… (elle frappe le sol du talon)… et je reste.
(J. Genet, Les Bonnes, p. 21, cité par Dupriez.)

→ Remarque. Un autre effet de « chute » concernant la fin d’une phrase ou d’un paragraphe peut être dû à une clausule, fort prisée au XVIIe siècle et caractérisant l’éloquence antique. Cette figure ressort plus de larhétorique à proprement parler que de la stylistique: elle concerne l’architecture d’une période oratoire dont la chute rythmique est définie selon le nombre de syllabes et leur répartition entre longues et brèves.

En français, la notion de clausule, selon H. Suhamy (p. 75), peut s’appliquer
à des fins de paragraphe qui semblent façonnées sur un certain mètre poétique. » Ainsi, l’hexasyllabe qui, en écho à d’autres membres de phrases de même type, clôt un discours célèbre de Danton: « Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace, et la France est sauvée » (2 septembre 1792). On pourrait également parler de clausule dans ce passage de La Vie littéraire d’Anatole France: « Tandis qu’assis au foyer, les pieds sur les chenets, je sèche à un feu de sarments la boue salubre du chemin et du sillon, la pluie retient ma pensée dans une rêverie mélancolique et je songe. »

INTERRUPTION (pl. VII), IRONIE (pl. VIII), MISE EN RELIEF (pl. XI C), SURPRENANT (pl. XV)»

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16
Q

“Débordement verbal”

A

**BATTOLOGIE (N.F.)
♦ Étymologie: Ce terme est formé à partir de Battos, nom d’un roi de Cyrène qui était bègue, et du nom grec«logia formé de logos, « discours, raison ».

♦ Définition: « Répétition oiseuse, fastidieuse des mêmes pensées [souvent] avec les mêmes termes dans deux propositions rapprochées » (Littré).

C’est une répétition excessive et inutile qui ne fait qu’affaiblir le texte. Elle est à la redondance* (= redoublement expressif de l’idée dans deux phrases proches) ce que la périssologie* est au pléonasme* (= redoublement de l’idée dans deux mots différents d’une même phrase).

♦ Exemples:

Mais ils ne sont pas là où je suis quand j’ai les yeux fermés.
Là où je suis quand j’ai les yeux fermés, il n’y a personne, il n’y a que moi.
(R. Ducharme, L’avalée des avalés, cité par Dupriez p. 188.)

Toute chose finie n’est pas complètement achevée tant qu’elle n’est pas complètement terminée.
(Pierre Dac, cité par Arcand, p. 126.)

Vers le milieu de la journée et à midi, je me trouvai et montai sur la plate-forme et la terrasse-arrière d’un autobus, d’un véhicule de transport en commun bondé et quasiment complet de la ligne S.
(R. Queneau, Exercices de style, « En partie double ».)

La battologie est un procédé de remplissage; c’est le verbiage bien connu des journalistes en mal de commentaires à la radio ou à la télévision lors de cérémonies officielles ou de parties de sport. Il y a des vides qu’il faut remplir!

AMPLIFICATION (pl. II), RÉPÉTITION (pl. XIII A)

17
Q

“Raccourci”

A

BRACHYLOGIE (N.F.)
♦ Étymologie: « Ce mot est emprunté (1789) au bas latin brachy-logia, lui-même emprunté au grec brakhulogia (Hippocrate), “brièveté,
concision dans le langage” » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française). Ce mot est formé de l’adjectif grec brakhus (→ brachy), « court » (dans l’espace), « bref » (dans le temps), et de logos (→ logie, logue), « discours ».

♦ Définition: Le mot dénomme l’emploi d’une expression comparativement courte, une élocution concise aboutissant parfois à l’obscurité » (Le Robert, op. cit.).

« Expression courte, ramassée qui ne résulte pas d’une omission que l’on puisse toujours localiser ou colmater mais d’une condensation » (Suhamy, p. 109).

C’est une façon de s’exprimer avec le moins de mots possible, utilisant souvent l’ellipse comme moyen. C’est d’abord une condensation au niveau de la pensée avant de l’être au niveau grammatical, ce qui explique que le message peut être parfois obscur si le récepteur ne suit pas bien la logique de pensée de l’émetteur.

♦ Exemples:

Boire sa paye (= consacrer sa paye à la boisson)
Je t’aimais inconstant, qu’eussé-je fait fidèle
(= Je t’aimais bien que tu fusses inconstant, qu’aurais-je fait si tu avais été fidèle?) (Racine, Andromaque, acte I, scène IV.)

→ Remarque. Brachylogie: vice d’élocution ou expressivité? Pour Littré, c’est un vice d’élocution (= manière de s’exprimer) qui consiste dans une brièveté excessive et poussée assez loin pour rendre le style obscur. Pour Dupriez (remarque 1, p. 96), la brachylogie n’est pas toujours un vice:
– son obscurité est parfois la rançon d’une brièveté commode. Ex: une surface-rangement (= surface consacrée au rangement);»
– elle dépanne le romancier devant les répétitions des verbes déclaratifs (dire, etc.). Ex: Monsieur, m’aborda-t-il… (= dit-il en m’abordant); Hein, sursauta la visiteuse… (= dit la visiteuse en sursautant);
– la brièveté peut jouer un rôle expressif. Certaines brachylogies sont des ellipses particulièrement fortes. Dans l’exemple de Racine, cité ci-dessus, « une phrase si ramassée ne peut être que l’expression d’une âme oppressée », commente Spitzer, cité par Dupriez (p. 96).

SUPPRESSION (pl. XIV)

18
Q

“Mots et sons à l’envi”

A

CALEMBOUR (N.M.)

♦ Étymologie: « Nom masculin attesté dans une lettre de Diderot à S. Volland (1er décembre 1768) et d’origine incertaine, soit dérivé régressif de calembourdaine, calembredaine, soit directement formé comme ce dernier de l’élément calem et de bourde, amputé de sa finale. P. Guiraud propose, entre plusieurs hypothèses, un composé du picard-wallon calender, « dire des balivernes » (→ calembredaine), et de bourder, « dire des bourdes » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).
♦ Définition: Ce mot désigne un jeu d’esprit fondé sur des mots à double
sens ou sur une équivoque de mots, phrases se prononçant de manière identique. Par extension, il se dit d’un mauvais jeu de mots (Le Robert, op. cit.).

Cette figure repose sur l’homonymie (= mots formellement identiques mais de sens différent), l’homophonie (= une similitude de sons recouvrant différents sens), sur la polysémie (= plusieurs sens pour un même mot) et sur la paronymie (= mots presque homonymes). Il s’agit ainsi de rapprocher deux mots de sens différents pour tirer partie de l’équivoque créée.
Même si Victor Hugo affirmait que le calembour « c’est la fiente de l’esprit qui vole », il ne se gênait pas pour en faire.

♦ Exemples:

Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu hais
(V. Hugo.)
Sais-tu pourquoi les sauvages vont tout nus?
C’est parce que Christophe Colomb les a découverts.
(V. Hugo.)

On s’enlace / Puis un jour / On s’en lasse / C’est l’Amour
On se veut / Puis un jour / On s’en veut / C’est l’Amour.
(Cité par P. Guiraud, Les Jeux de mots, PUF, « Que sais-je? », n° 1656.)

J.-C. Carrière, dans Humour 1900 (cité par Gagnière, p. 132), réhabilite ce genre injustement décrié: « Le calembour fait partie intégrante non seulement de l’esprit mais encore de l’humour français… Le calembour est un exercice salutaire car la liberté de la langue précède celle de l’esprit. En coupant, en torturant, en assemblant des mots que rien n’appelait à s’unir, on découvre un rire nouveau. »
Jacques Prévert nous a laissé quelques calembours célèbres:

De deux choses lune [l’une].
L’autre est le soleil.

Tous les matins, je me lève de bonheur [bonne heure].

« À Vienne que pourra », comme disait ma mère qui ignorait le verbe advenir.
(Michel Tremblay, L’Ange cornu aux ailes de tôle.)

Dans ce dernier cas, le calembour est involontaire.
Notons que, de nos jours, le calembour est très à la mode; certains d’entre eux se basent sur des allusions culturelles et la publicité les utilise à haute dose:

Y a que Maille [moutarde] qui m’aille! Labatt [bière au Québec], y a rien qui la batte!»

→ Remarque. Un calembour involontaire, appelé par Bacry et Dupriez kakemphaton (littéralement « mal dit »), peut donner lieu à un énoncé déplaisant lorsqu’il est causé par la rencontre malencontreuse de sons; ainsi, le vers de Corneille (dans la première édition des Horaces): « Je suis romaine hélas puisque mon époux l’est » (mon nez-poulet).

Il est aussi la cause de plaisanteries courantes telle: Où cours-je? (courge).

IRONIE (pl. VIII), JEUX (pl. IX C), RAPPROCHEMENT (pl. XII)»

19
Q

“À cheval sur n’importe quoi”

A

CATACHRÈSE (N.F.)

♦ Étymologie: Vient du latin catachresis, emprunt au grec katakhresis, emploi d’un mot en sens abusif formé de kata, « en dessous, en arrière, de haut en bas », et de khrethai, « se servir ». Ce mot signifie une erreur.
♦ Définition: « Cette figure consiste à détourner un mot de son sens propre » (Le Petit Robert). « Figure qui consiste dans l’emploi métaphorique d’un mot pour désigner quelque objet pour lequel la langue n’offre pas de terme littéral » (Grand Larousse du XXe siècle).

La langue s’appuie sur la métaphore* (= transfert de sens par substitution analogique) et sur la métonymie* (= remplacement d’un mot par un autre qui lui est uni par unerelation nécessaire) pour s’enrichir ou nommer des réalités nouvelles pour lesquelles il n’existe pas de termes. Ainsi, au lieu de créer de nouveaux mots, on fait des extensions de sens, par analogie (ex: une antenne de télévision ainsi nommée pour sa ressemblance avec l’appendice sensoriel de certains arthropodes). C’est une métaphore « par nécessité ». Aujourd’hui, nombre de termes considérés comme « propres » ont une origine catachrétique; il n’y a pas moyen de les nommer autrement.

♦ Exemples:
une feuille de papier, les pieds de la table, la tête d’un clou, les bras d’un fauteuil, un cadre (dirigeant), un bureau (l’étoffe de bure posée sur une table →> bureau → table à écrire), de la laine de verre, de la laine de roches (produits fibreux) aller à cheval sur un bâton (à califourchon), saut de mouton (passage d’une route au-dessus d’une autre pour éviter les croisements), les ailes d’un bâtiment (parties latérales), l’éventail des prix (ensemble des prix qui peut être diminué ou augmenté comme on ferme ou ouvre un éventail)…

D’autre part, certains mots ou expressions sont des catachrèses d’origine métonymique et sont aujourd’hui d’usage courant et pour n’en citer que quelques-unes: Boire une bonne bouteille, manger une assiette de soupe (on ne boit pas plus une bouteille qu’on ne mange une assiette, mais leur contenu), avoir un toit (ce n’est qu’une partie d’une maison).

«Quand la figure se banalise ainsi, elle cesse d’être une figure de style qui, rappelons-le, est un écart par rapport à la norme.

C’est pourquoi la catachrèse ne peut être considérée comme une figure que s’il y a recherche stylistique ou ludique.

♦ Exemples:
Le cactus du myocarde (pour l’infarctus)
moi
pôvre petit moi
j’a jamais été instructionné… (= n’a pas
reçu d’instruction)
j’a même pas eu la chance d’aller à
l’adversité… (= l’université)
pour défendre la veuve et l’ortolan
(= l’orphelin)
j’aurais fait des plaidoyers esstradinaires
(= extraordinaires)
Des plaidoyers à l’emporte-piastre (Au
Québec, la piastre = un dollar)
(Marc Favreau, alias Sol, Les œufs
limpides, 1979, «L’adversité », p. 21-
26.)

Frédéric Dard (alias San Antonio), cité par Suhamy (p. 22), cultive la catachrèse humoristique. Elle donne lieu à des jeux de mots faciles, se basant sur une homonymieapproximative (remplacement d’un phonème par un autre pour obtenir une signification double), ce qui lui vaut l’appellation d’À peu près*. Ainsi, les visions d’eucalyptus (pour des visions d’Apocalypse), le Nouille-York (pour New York)…

→ Remarque 1. Certaines catachrèses peuvent conduire à des abus de langage ayant des effets assez ridicules: aller à cheval sur un âne ; un bifteck de foie de veau (pour une tranche…); être échaudé par un accueil glacial…

→ Remarque 2. H. Suhamy (cf. p. 29) appelle « catachrèses inversées » les glossèmes tels que les archaïsmes* et les néologismes*. « Alors qu’une catachrèse est un mot qui n’a pas le sens qu’un lecteur savant, mais d’esprit positiviste, lui attribuerait à première vue, le glossème est une signification qui est venue se loger ailleurs que dans le mot auquel on pouvait s’attendre. »

→ Remarque 3. «L’une des manifestations de la catachrèse vicieuse consiste à réveiller des métaphores qui ne demandaient qu’à dormir. Certes, il faut être excessivement puriste pour condamner une expression comme saupoudrer de sucre du fait qu’à l’origine, le verbe signifie “poudrer de sel” » (Suhamy, p. 25).
Il en est de même lorsqu’on parle d’une salade de fruits, si l’on se réfère à l’étymologie du mot « salade » qui signifie met salé.

«→ Remarque 4. Pour certains auteurs, la catachrèse est avant tout considérée comme un abus de langage, un « malaproprisme » qu’il soit phonétique ou sémantique; par exemple, la confusion entre paronymes (mots presquehomonymes = sons semblables) comme éminent/imminent, conjoncture/ conjecture, sujétion/ suggestion, recouvrer/ recouvrir; ou une contradiction sémantique comme dans ce jugement s’est avéré faux (avéré formé de a – ad marquant la direction – et de voir en ancien français: vrai).

→ Remarque 5. La catachrèse peut également être à l’origine d’une dérivation de sens, souvent attribuée aujourd’hui à l’influence de l’anglais. Ex.: expertise « constatation, estimation ou rapport faits par un expert » et qui prend le sens anglais de « savoir-faire »; éventuellement « possible tout en étant hypothétique », et qui prend le sens de « plus tard »; opportunité « caractère de ce qui vient à propos » et qui prend le sens d’« occasion ».
Ces catachrèses ne peuvent en aucun cas être considérées comme des figures de style puisqu’elles n’ont pas d’intention expressive. Ce sont des erreurs.

TRANSFERT (pl. XVI C)

20
Q

“Disposition croisée”

A

**CHIASME **

♦ Étymologie: « Ce mot est emprunté (1538) au grec khiasmos “disposition en forme de croix”, spécialement en rhétorique “disposition d’une période de quatre membres croisés”… Ce mot est formé sur la lettre khi, nom de la lettre grecque en forme de croix (X) transcrite kh en français. » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française.)

♦ Définition: C’est une figure qui comprend quatre termes sémantiquement différents – deux à deux de même fonction et de même nature où les deux derniers sont placés en sens inverse des deux premiers.

Le chiasme est la figure la plus répandue fondée sur la symétrie. On représente le chiasme par une figure en croix ou par le schéma: A–B B’–A’.

♦ Exemples:

Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera
verbe nom nom verbe
compl. compl.
(Racine, Les Plaideurs.)

Un roi chantait en bas, en haut mourait
nom adverbe adverbe
sujet
un Dieu
nom
sujet
(V. Hugo, La Légende des siècles.)

La neige fait au Nord ce qu’au Sud fait
nom nom nom
sujet compl. compl.
le sable
nom
sujet
(V. Hugo, La Légende des siècles, cité
par Bacry.)

→ Remarque. Le chiasme diffère de la réversion*: celle-ci est la reprise de mots qui viennent d’être employés et qu’on réutilise en sens inverse; elle est représentée par le schéma suivant: A–B B–A. « Rome est dans notre camp et notre camp dans Rome » (Corneille, Horace, acte I, sc. III).

JEUX (pl. IX D), RÉPÉTITION (pl. XIII A)»

21
Q

“Dépréciation feinte”

A

CHLEUASME (N.M.)
♦ Étymologie: Ce mot est emprunté directement au grec khleuasma, « sarcasme».

♦ Définition: C’est une dépréciation de soi-même, une auto-accusation avec l’espoir de provoquer chez l’interlocuteur une réaction contraire, une désapprobation encourageante.

Cette figure, marquant une certaine ironie, n’est donc qu’une confession simulée qui fait penser qu’il existe une certaine complicité entre les interlocuteurs; une confession qui peut se traduire très brièvement, souvent dans une situation familière ou dans une période savamment agencée; dans ce dernier cas, elle devient véritablement une figure de rhétorique.

♦ Exemples:

Je n’ai encore jamais écrit pour écrire. D’où il apparaît clairement, je le crains que je ne suis pas un écrivain.
(Vercors, Plus ou moins homme, cité par Dupriez, p. 112.)

Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,
Un malheureux pécheur tout plein d’iniquités, […]
Mais la vérité pure est que je ne vaux rien.
(Molière, Tartuffe, acte III, sc. III.)

♦ Synonyme: Autocatégorème.

→ Remarque 1. Le chleuasme paraît naturel lorsqu’il s’agit de parler de soi et peut parfois être pris pour de la faussemodestie.
→ Remarque 2. Le chleuasme diffère de l’astéisme* qui ironise sur autrui et non pas sur soi-même.

COMPLICITÉ (pl. IV), CONTRASTE (pl. V), IRONIE (pl. VIII)»

22
Q

“Tourner autour du pot”

A

CIRCONLOCUTION (N.F.)
♦ Étymologie: « Est emprunté au latin circumlocutio “détour de langage” de circum “autour” et locutio et calque le grec tardif periphrasis » (Le Robert, Dictionnaire historique de
la langue française).
♦ Définition: C’est un « détour de langage visant à masquer la pensée ou à adoucir ce que l’on veut dire » (Le Petit Robert).

La circonlocution est un moyen de s’exprimer par des moyens détournés quand on est embarrassé, qu’on ne trouve pas ses mots ou quand on ne veut pas aborder directement le sujet pour une raison ou une autre. Dans ce cas, le message s’en trouve allongé et peut être obscurci.

♦ Exemples:

Il faut que je vous dise en toute franchise que je suis dans l’obligation de m’absenter, que par conséquent je ne pourrai pas vous recevoir comme prévu et vous demande de bien vouloir remettre notre rendez-vous à une date ultérieure.

Nous avons l’honneur de vous informer que votre candidature, qui a retenu notre attention, ne figurera pas cette année parmi celles que nous considérons comme devant être réservées en priorité. (Cité par Suhamy p. 52.)

Si la circonlocution cherche à adoucir la pensée ou le réel, elle devient alors un euphémisme* (= expression atténuée)

→ Remarque. Même si les termes circonlocution et périphrase sont, étymologiquement parlant, de même formation, l’une latine, l’autre grecque, ces deux mots ne sont pas synonymes. La périphrase est descriptive (ex: l’astre du jour = le soleil) et se situe au niveau du mot alors que la circonlocution se situe au niveau de la phrase et du message.

AMPLIFICATION (pl. II), ATTÉNUATION (pl. III)»

23
Q

«Les mêmes mots n’ont pas le même poids»

A

LA DIAPHORE

Étymologie: Emprunt du grec diaphora, « action de se porter d’un autre côté », formé de l’élément grec dia, « à travers », et de phora, « action de porter, de se mouvoir ».

♦ Définition: La diaphore est une antanaclase* spécifique (= le fait de répéter un mot dans une phrase en lui donnant un autre de ses sens). Morier (cité par Suhamy, p. 62) appelle ainsi l’antanaclase qui donne au mot répété un sens plus vif, plus soutenu.

“Les mêmes mots n’ont pas le même poids”
♦ Exemples:

Le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas.
(Pascal, Les Pensées, Section IV, 277.)

«Il est aisé de voir qu’ici le deuxième sens de raison (= sagesse, discernement) est plus large et soutenu que le premier (= les motifs).

Un vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d’une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
(La Fontaine, « Le renard ayant la queue coupée ».)

Le mot renard est pris (v. 3) non plus dans le sens d’animal (v. 1), mais dans celui de rusé, très rusé.

Dieu garde l’homme d’oublier d’oublier (Cité par A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, p. 27.)

La deuxième occurrence d’oublier (= ne plus connaître, ne plus penser) a un sens plus profond et permanent que la première (= ne pas retrouver le souvenir d’une chose)

→ Remarque. Certains linguistes contestent la nécessité de dissocier la diaphore de l’antanaclase*; pour eux, ce sont deux synonymes.»

24
Q

“Affaire de famille”

A

DÉRIVATION (N.F.)

♦ Étymologie: « Est emprunté (1314) au dérivé latin dérivatio “action de détourner les eaux”, lui-même formé sur derivare, de de et rivus “ruisseau” (→ ru). Derivare signifie proprement “détourner un cours d’eau de son lit”, d’où au figuré “détourner à son profit” et spécialement en grammaire “former un mot à à partir d’un autre”. » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française.)

♦ Définition: « La dérivation en grammaire, est un procédé de formation de mots nouveaux par modification (addition, suppression ou remplacement) d’un morphème (suffixe) par rapport à une base (radical) » (Le Petit Robert). Ex: chant, chanter, chantage, chanteur.

En stylistique, c’est l’emploi dans une même phrase de mots dérivés d’un même radical. Il ne s’agit pas de pauvreté de vocabulaire, mais d’un emploi délibéré pour attirer l’attention du lecteur ou de l’auditeur sur un leitmotiv.

♦ Exemples:

Le village a disparu. Jamais, je n’ai vu une telle disparition de village.
(Henri Barbusse, Le Feu, chap. XII, cité par Suhamy, p. 67.)
Beauté, mon beau souci
(Malherbe, cité par Suhamy.)
Je montai dans un autobus plein de contribuables qui donnaient des sous à un contribuable qui avait sur son ventre de contribuable une petite boîte contribuait à permettre aux autres contribuables de continuer leur trajet de contribuables.

La dérivation se double ici d’un polyptote* (= emploi dans la même phrase de plusieurs mots à des cas différents, ou de verbes à des personnes, des modes, ou des temps différents).

→ Remarque 1. H. Suhamy met sous le même chapeau dérivation et polyptote*. Il convient pourtant de noter une différence: ce sont les mêmes mots qui reviennent dans le polyptote tandis que dans le cas de la dérivation, les mots sont sémantiquement différents bien qu’ils soient dérivés du même radical.

→ Remarque 2. La dérivation a un sens plus large que l’apophonie* qui en est une forme spécialisée où les mots de même radical appartiennent généralement à un même syntagme et
répondent à « des intentions intellectuelles voire didactiques » (Suhamy, p. 67). Ex.: Une analyse structurale et structurelle.

JEUX (pl. IX A), MISE EN RELIEF (pl. XI C), RAPPROCHEMENT (pl. XII)

25
Q

“Rengaine”

A

ÉPANODE (N.F.)
♦ Étymologie: Emprunt au grec epanodos, « figure de rhétorique qui consiste à revenir en détail sur diverses personnes ou choses », formé de l’élément epi, « sur, à la fin, en plus », et de anodos, « chemin pour monter », lui-même formé de ana, « en arrière, retour », et de odos, « la route ».

♦ Définition: C’est une répétition d’un ou plusieurs mots ou même d’un membre de phrase entier qui revient régulièrement et, par son caractère obsessionnel, devient comique.

♦ Exemples: Le sans dot d’Harpagon:
VALÈRE – […] et qu’un engagement qui doit durer jusqu’à la mort ne se doit jamais faire sans précaution. HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – […] et que cette grande inégalité d’âge, d’humeur et de sentiments, rend un mariage sujet à des accidents fâcheux.
HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – […] à mettre dans un mariage cette douce conformité qui sans cesse y maintient l’honneur, la tranquillité et la joie, et que…
HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – Il est vrai, cela ferme la bouche à tout, SANS DOT.
(Molière, L’Avare, acte I, sc. V.)

Les chimères de Bélise:
Ah! chimères? Ce sont des chimères, dit-on?
Chimères, moi? Vraiment, chimères est fort bon
Je me réjouis fort des chimères, mes frères
Et je ne savais pas que[…]»

«Le « Que diable allait-il faire en cette galère? » de Géronte, dans Les Fourberies de Scapin de Molière (acte II, sc. VII) revient au moins 7 fois! Il est possible que la popularité de cette expression vienne de Cyrano de Bergerac (Le Pédant joué, acte II sc. IV, 17 ans antérieur aux Fourberies).

→ Remarque 1. Dupriez appelle ce genre de répétition une épanalepse*, figure à laquelle est attribué, dans cet ouvrage, un autre sens.

→ Remarque 2. Par son caractère obsessionnel et par sa place indéterminée dans les phrases, membres de phrase ou vers, l’épanode diffère de l’anaphore* (répétition d’un même mot au début de chaque phrase ou membre de phrase successifs).

→ Remarque 3. L’épanode diffère de l’antépiphore* qui, elle, est une sorte de refrain généralement sous la forme d’une phrase entière.

JEUX (pl. IX B), MISE EN RELIEF (pl. XI C), RÉPÉTITION (pl. XIII A)

26
Q

“Sans blague!”

A

ÉPITROPE (N.F.)

♦ Étymologie: Emprunt à l’élément grec epi, « sur », et au verbe trepein, « tourner ».
♦ Définition: « Apostrophe par laquelle on invite ironiquement le destinataire à persévérer dans sa turpitude; il s’agit de faire honte, de dissuader en ayant l’air de persuader » (Suhamy p. 117.) « Figure par laquelle on fait une concession volontaire pour prouver d’une manière plus frappante sa thèse » (Larousse du XXe siècle).

♦ Exemples:»

«Continuez à manger des sucreries et vos dents vous en remercieront!
Fumez, ne vous privez pas et vos poumons s’en trouveront mieux!
Surtout, ne vous gênez pas, faites comme chez vous! Les amis de ma fille sont mes amis. Vous n’avez fait jusqu’à présent que jeter vos cendres sur les tapis, vider les bouteilles, ameuter les voisins. Je vous en prie, mes chers enfants emportez ce qui vous plaît, pillez, cassez, brûlez, on ne vous dira rien, on vous remerciera…
(Henri Suhamy, p. 118.)
Dans une queue devant un magasin dont l’ouverture tarde, une personne passe devant les autres; un témoin réagit:
Vous m’avez écrasé un pied, mais ne vous en faîtes pas, j’en ai un autre à votre disposition! Surtout ne vous gênez pas, passez devant moi, devant tous les autres, nous avons tous le temps, beaucoup plus de temps que vous certainement!…
(Relevé dans la presse.)

♦ Antonyme: Permission

→ Remarque. L’épitrope se différencie de l’antiphrase*; cette dernière se restreint à l’emploi d’un mot ou d’une locution dans un sens contraire à celui qui lui est propre par euphémisme ou ironie (ex: Tu es ma petite peste!). Le but de l’une et l’autre n’est pas le même. L’épitrope est plus une figure de pensée que l’antiphrase parce qu’elle cherche à dissuader par un semblant de persuasion.»

27
Q

“Mots en queue”

A

ÉPIPHORE (N.F.)
♦ Étymologie: Ce mot est un emprunt au grec epiphorê, formé de epi, « sur, à la fin, en plus », et d’un dérivé de pherein, « porter »; c’est l’action de porter à la suite de.
♦ Définition: C’est la figure symétrique de l’anaphore* (= répétition d’un même mot en début de phrase ou de chaque membre de phrase) et qui consiste à terminer des phrases, des vers par les mêmes mots ou groupes de mots.
Cette figure suit le schéma suivant: –A, –A.

♦ Exemples:

Les courtes plaisanteries sont les meilleures, Monsieur,
La justice aura le dernier mot, Monsieur. (G. Bernanos, Romanesques, cité par Dupriez, p. 194.)
Et toujours ce parfum de foin coupé qui venait de Bérénice qui résumait Bérénice, qui le pénétrait de Bérénice.
(L. Aragon, Aurélien, chap. XXV, cité par Suhamy.)

Cette figure se retrouve également en poésie:

Musique de l’eau
Attirance de l’eau
Trahison de l’eau
Enchantement de l’eau.
(Anne Hebert, L’eau dans les songes en
équilibre.)

♦ Synonyme: Épistrophe.

→ Remarque. La symploque* est une combinaison de l’anaphore* (un même mot revient en tête de chaque proposition ou phrase) et de l’épiphore* (un même mot revient à la fin de chaque proposition ou phrase): A–B, A–B, A–B.»

28
Q

“En surplus”

A

EXPLÉTION (N. F.)

♦ Étymologie: Ce terme est emprunté au mot latin expletio, « satisfaction, contentement », formé de l’élément ex, « intensif » (→ ex), et plere « remplir ». C’est un remplissage.
♦ Définition: C’est ajouter des mots ou des tournures inutiles au sens et à la syntaxe, mais généralement autorisés par la grammaire.

♦ Exemples:
«De nombreuses explétions apparaissent dans le langage familier et courant, et n’appartiennent pas à la
catégorie des figures de style. Ainsi, dans les deux exemples suivants:

Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là?
(au lieu de: qu’est-ce que cette histoire-là?)
Je me demande pourquoi est-ce qu’il faut fermer cette entreprise.
(au lieu de: je me demande pourquoi il faut fermer cette entreprise.)

Le l’ est inutile dans l’exemple suivant, mais il peut être aussi utilisé par euphonie (= harmonie des sons qui se succèdent dans le mot ou la phrase) de façon facultative pour éviter un hiatus (rencontre de deux voyelles) comme dans les exemples suivants:

Le monde où l’on vit
Il en est de même pour le de:
Ce n’est pas de ma faute,
ou le d’ prononcé par Andromaque:
Je ne l’ai point encore embrassé d’aujourd’hui.
(Racine, Andromaque, acte I, sc. IV.)

Dans les deux exemples ci-dessous, le ne est opposé à ne pas et n’est pas nécessaire au sens; son emploi est plutôt littéraire:

Il agit autrement qu’il ne parle.
Je crains qu’il ne soit fâché.

Toutefois, cette figure peut contribuer à l’expressivité, lorsqu’elle se rapproche du pléonasme:

Ils ne l’ont pas trahi, eux.
Me faire ça à moi…
Mon manège à moi, c’est toi. (Édith Piaf.)

→ Remarque 1. Le « datif éthique » (cf. Suhamy, p. 70) est aussi explétif: il consiste à joindre à un verbe un pronom personnel non nécessaire qui, sous la forme d’un objet indirect, exprime l’intérêt que le locuteur prend à l’action, sa façon de participer ou un jugement moral; son usage est familier.

Eh! Regardez-moi cette merveille!
Qu’on me l’égorge tout à l’heure!
(Molière, L’Avare, acte V, sc. II.)
Et elle vous détacha un coup de sabot si terrible que de Pampérigouste même on en vit la fumée!
(Daudet, Lettres de mon moulin.)»

«→ Remarque 2. L’explétion peut-elle être considérée comme une figure de style ou marque-t-elle plutôt un niveau de langue? La ligne de démarcation n’est pas évidente.

→ AJOUT (pl. I), COMPLICITÉ (pl. IV)

29
Q

“Frappant!”

A

HOMÉOTÉLEUTE (N.M. ET F.)

♦ Étymologie: Mot formé de homéo, tiré du latin homeo, lui-même tiré du grec homoios, « semblable » (→ homo) et du substantif grec teleutê, « fin ».
♦ Définition: C’est une figure qui consiste à rapprocher des mots ayant la même terminaison représentant de préférence le même élément grammatical ou lexical: le même suffixe (ex: -esque, -ouille, -ette, -naire…) créera même une homéotéleute plus nette qu’un élément grammatical comme les désinences verbales (rai, ais, out…, oud…). On voit donc que l’identité phonétique ne suffit pas pour qu’il y ait homéotéleute.

Cette figure cherche à frapper l’esprit et l’impression créée dépendra souvent du suffixe employé.

♦ Exemples:
Ronsard est touchant, même pitoyable, dans la petite ode À son âme:
Amelette Ronsardelette
Mignonnelette, doucelette
Très chère hôtesse de mon corps
Tu descends là-bas faiblelette
Pâle, maigrelette, seulette
Dans le froid royaume des morts.

J. Romains n’est pas tendre lorsqu’il décrit les paroissiens d’Issoire:

En face, il y avait le banc d’œuvre, et deux rangs d’hommes quadragénaires, quinquagénaires et sexagénaires, cossus, pansus et cuissus…
(Les Copains, p. 228.)

«C’est plutôt l’ironie que recherche San Antonio en répétant les terminaisons -esque

[…] spectacle dantesque, gigantesque, burlesque, grand-guignolesque. (Cité par Bacry, p. 214.)

→ Remarque. L’homéotéleute est différente de la rime poétique qui, elle, ne concerne que la finale de mots placés à la fin de deux unités rythmiques.

JEUX (pl. IX B), RAPPROCHEMENT (pl. XII), RÉPÉTITION (pl. XIII A)

30
Q

“Dire moins pour plus”

A

LITOTE (N.F.)

♦ Étymologie: « D’abord liptote (1521), refait en litote (1730), emprunté au bas latin des grammairiens litotes, lui-même pris au grec litotès, “simplicité, absence d’apprêt” » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).

♦ Définition: La litote est un procédé qui consiste à dire moins pour faire entendre plus. Le sens implicite est donc plus fort que le sens explicite si bien que l’expression affaiblie sert à renforcer la pensée. On allège pour donner plus de poids.

Elle est très souvent marquée par la double négation – négation grammaticale et négation lexicale –, autrement dit la négation du contraire.

♦ Exemples:
Ce petit vin n’est pas mauvais (= il est très bon).
Elle n’est pas si laide (= elle est plutôt jolie).
Va, je ne te hais point.
(Corneille, Le Cid, acte III, sc. IV.)
(Déclaration adressée à Rodrigue par Chimène qui veut lui faire entendre au contraire qu’elle l’aime toujours.)

La litote sert souvent à masquer la modestie vraie ou simulée:
Je ne suis pas mécontent de mon travail (= j’en suis plutôt satisfait)
Le Corydon de Virgile dit: « Nec sum adeo informis »,
Je ne suis pas à ce point difforme. (= Je suis beau et bien fait.) (Larousse du XXe siècle.)

♦ Antonyme: Hyperbole*.

→ Remarque 1. La litote marque une diminution quantitative d’une des propriétés d’un état, d’un objet tandis que l’euphémisme* marque une diminution qualitative; par contre, l’exténuation* et la métalepse* marquent une atténuation de l’idée, l’une en substituant à l’idée exprimée la même idée moins forte, l’autre en faisant entendre l’antécédent par le conséquent (ou vice versa).

«→ Remarque 3. Quand la litote est trop originale, elle verse dans le phébus, c’est-à-dire une présentation de façon peu intelligible mais brillante d’idées relativement simples. (Dupriez, la litote, remarque 4, p. 278.) Ex.: « Harmonieuse, moi, différente d’un songe » (P. Valéry, La jeune Parque); « Chacun immole son / Silence à l’unisson » (P. Valéry, Cantique des colonnes).

ATTÉNUATION (pl. III), TRANSFERT (pl. XVI A)

31
Q

“Trois valent mieux qu’un!”

A

PALLILOGIE

♦ Étymologie: Ce mot est emprunté au grec palillogia, « action de redire » et formé de l’élément palin, « de nouveau, en sens inverse » et de logos « parole, discours ».
♦ Définition: C’est la plus élémentaire des répétitions qui consiste à réutiliser consécutivement des mots d’un intérêt marqué et dont la répétition attire l’attention créant ainsi un puissant effet d’insistance, traduisant le regret, la lassitude, l’exaspération, l’indignation… et même l’ironie. Ces mots se répètent en général sans coordination ni conjonction.

♦ Exemples:

Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer toujours recommencée…
(P. Valéry, Le Cimetière marin.)
Waterloo! Waterloo! Waterloo! Morne plaine!
(V. Hugo, Les Châtiments, « L’expiation ».)
Votre œil en tapinois… me dérobe mon cœur me l’emporte, me le ravit.
Au voleur! Au voleur! Au voleur! Au voleur!
(Molière, Critique de l’école des femmes, sc. IX.)
Hélas! Hélas! Hélas!
(Charles de Gaulle, le 23 avril 1961, cité par Suhamy.)
L’ombre d’elle-même! L’Ombre d’elle-même! La malheureuse a vieilli de cent
ans! cent ans!
(Colette, Chéri.)

Et la répétition rend ironique ces vers de Voltaire sur l’abbé Trublet:

Au peu d’esprit que le bonhonne avait L’esprit d’autrui par supplément servait Il entassait adage sur adage
Il compilait, compilait, compilait, On le voyait sans cesse écrire, écrire Ce qu’il avait jadis entendu dire.»

Synonymes: Reduplication, répétition, épizeuxe.

→ Remarque. Il peut arriver que le mot répété soit coordonné avec lui-même, il s’agit alors d’une simple répétition ou épanaphore*: « L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté/Le désordre fait la servitude » (C. Péguy, Cahiers de la quinzaine, 5 nov. 1905).

JEUX (PL. IX B), JUXTAPOSITION (pl. X), MISE EN RELIEF (pl. XI B), RÉPÉTITION (pl. XIII B)

32
Q

“Pas si vite!»

A

PROLEPSE (N.F.)
♦ Étymologie: Ce mot « est emprunté à la Renaissance (1564) au grec prolêpsis “opinion que l’on se fait d’avance, préjugé”, spécialement en rhétorique “réponse anticipée à une question”. Ce substantif est dérivé du verbe prolambanein (futur prolepsesthai) “prendre, porter en avant” et avec une valeur temporelle, “prendre par avance”, d’où au figuré “prendre d’avance par l’esprit, présumer,
préjuger”… » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française.)
♦ Définition: « En stylistique, ce mot désigne le fait de placer un mot dans la proposition qui précède celle où il devrait normalement figurer. » (Le Robert, op. cit.)

«Cette figure est un déplacement par anticipation; elle peut être une maladresse mais bien souvent une forme d’insistance.

♦ Exemples:
Le monstre surgit devant les promeneurs épouvantés.

Le participe « épouvantés » exprime la conséquence de l’apparition du monstre et non un état antérieur ou simultané; il faut comprendre: Le monstre surgit devant les promeneurs qui en furent épouvantés.

Ils assistèrent traumatisés à cet accident.

Le participe « traumatisés » exprime la conséquence de la vision de l’accident et non un état simultané ou antérieur; il faut comprendre: Ils assistèrent à cet accident qui les traumatisa.

Il fit cette déclaration devant un public consterné.

La consternation est bien la conséquence de ladéclaration Il faut comprendre: Il fit cette déclaration devant un public qui en fut consterné ou le public fut consterné par cette déclaration.

♦ Synonymes: Anticipation, hypobole.
♦ Antonyme: Hyperbate*.

→ Remarque 1. La prolepse est moins évidente que l’hystérologie* qui indique d’abord le résultat de l’action, puis comment réaliser celle-ci (Je vais faire un tour et prendre mon vélo au lieu de: Je vais prendre mon vélo et faire un tour).

→ Remarque 2. La prolepse diffère de la dislocation* qui consiste à déplacer de sa place habituelle un terme de la phrase sans soulever de problème de chronologie (ex: Cet enfant, je le reconnais).

→ Remarque 3. La prolepse en stylistique diffère de la figure du même nom qui appartient à l’art oratoire et qui consiste à aller au-devant des objections des adversaires: on prévient une objection en la réfutant d’avance, on la réfute par anticipation.

DÉPLACEMENT (pl. VI), MISE EN RELIEF (pl. XI C)

33
Q

“Adoucir avec un grain de sel”

A

TAPINOSE OU TAPÉINOSE (N.F.)

♦ Étymologie: Mot emprunté au grec tapeinôsis, « abaissement, humiliation ».

♦ Définition: C’est l’art de l’insinuation. C’est un procédé ironique qui consiste à exprimer une idée péjorative au moyen d’une constatation neutre qui n’engage à rien.

La tapinose est considérée comme une litote* (dire moins pour faire entendre plus) satirique.

♦ Exemples:

Il ne casse pas trois pattes à un canard! (= Il n’est pas très intelligent.)
Il n’a pas inventé le fil à couper le beurre! (= Il n’est pas très malin!)
Il ne fait pas partie de la ligue antialcoolique! (= Il n’est pas sobre.)

→ ATTÉNUATION (pl. III),
IRONIE (pl. VIII),
TRANSFERT (pl. XVI D)

Extrait de
Dictionnaire des figures de style
Ricalens-Pourchot, Nicole
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ATTÉNUATION (pl. III), IRONIE (pl. VIII), TRANSFERT (pl. XVI D)

34
Q

“Ouvrir et fermer la marche”

A

ÉPANADIPLOSE (N.F.)
♦ Étymologie: Ce mot est emprunté au grec epanadiplosis, formé des éléments epi « sur, en plus, à la fin », ana « en tête, en remontant », et du nom diplosis « redoublement » dérivé du verbe diploun « doubler ».»

«Définition: Cette figure est une variété d’épanalepse* (un même mot en début et en fin de phrase). Comme elle, c’est une répétition qui consiste à placer un même mot en tête et en fin de phrase ou de vers quand il y a deux propositions en général juxtaposées, séparées par une virgule ou un point virgule.
Le schéma en est le suivant: A–, –A.

♦ Exemples:

Les chefs combattent pour la victoire, les compagnons pour leur chef.
(Tacite.)
Je vous salue, ma France, aux yeux de tourterelle
Jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop
(L. Aragon, Le Musée Grévin.)

→ Remarque. La nuance entre l’épanadiplose et l’épanalepse* (= répétition du même mot en début et fin de phrase simple ou complexe) est très ténue, comme on l’a vu dans la définition.

JEUX (pl. IX D), RÉPÉTITION (pl. XIII B)

35
Q

“L’alpha et l’oméga”

A

ÉPANALEPSE (N.F.)

♦ Étymologie: « Ce mot est un emprunt savant (1546, Rabelais) au bas latin epanalepsis, terme de grammaire pris du grec epanalepsis “reprise”, de epanalambanein “reprendre, recommencer”. Ce mot est composé de epi “en plus” et de lambanein “prendre, saisir” » (Le Robert,
Dictionnaire historique de la langue française).

♦ Définition: Cette figure consiste à placer un même mot en tête et en fin de phrase ou de vers. C’est une répétition à distance.
Le schéma en est le suivant: A–A.

♦ Exemples:

L’homme est un loup pour l’homme. (Pensée de Plaute : Homo homini lupus, reprise par Bacon et Horbes.)

À l’épanelpse s’ajoute une allitération*: la répétition des l.

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses
L’espace d’un matin.
(Malherbe, Consolation à Du Périer, allusion à la mort d’une jeune fille.)»

«Quand on sait ce qu’on sait et qu’on voit ce qu’on voit, on a bien raison de penser ce qu’on pense.
(Adage. Vieille sagesse paysanne vaudoise.)

Remarque. Il faut reconnaître que la nuance est très mince entre l’épanalepse et l’épanadiplose*: cette dernière consiste à placer le même mot en tête et en fin de phrase ou de vers quand il y a deux propositions juxtaposées.

JEUX (pl. IX D), RÉPÉTITION (pl. XIII B)

36
Q

“Rengaine”

A

ÉPANODE (N.F.)

♦ Étymologie: Emprunt au grec epanodos, « figure de rhétorique qui consiste à revenir en détail sur diverses personnes ou choses », formé de l’élément epi, « sur, à la fin, en plus », et de anodos, « chemin pour monter », lui-même formé de ana, « en arrière, retour », et de odos, « la route ».

♦ Définition: C’est une répétition d’un ou plusieurs mots ou même d’un membre de phrase entier qui revient régulièrement et, par son caractère obsessionnel, devient comique.

♦ Exemples:

Le sans dot d’Harpagon:
VALÈRE – […] et qu’un engagement qui doit durer jusqu’à la mort ne se doit jamais faire sans précaution. HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – […] et que cette grande inégalité d’âge, d’humeur et de sentiments, rend un mariage sujet à des accidents fâcheux.
HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – […] à mettre dans un mariage cette douce conformité qui sans cesse y maintient l’honneur, la tranquillité et la joie, et que…
HARPAGON – Sans dot.
VALÈRE – Il est vrai, cela ferme la bouche à tout, SANS DOT.
(Molière, L’Avare, acte I, sc. V.)

Les chimères de Bélise:
Ah! chimères? Ce sont des chimères, dit-on?
Chimères, moi? Vraiment, chimères est fort bon
Je me réjouis fort des chimères, mes frères
Et je ne savais pas que j’eusse des chimères

«Le « Que diable allait-il faire en cette galère? » de Géronte, dans Les Fourberies de Scapin de Molière (acte II, sc. VII) revient au moins 7 fois! Il est possible que la popularité de cette expression vienne de Cyrano de Bergerac (Le Pédant joué, acte II sc. IV, 17 ans antérieur aux Fourberies).

→ Remarque 1. Dupriez appelle ce genre de répétition une épanalepse*, figure à laquelle est attribué, dans cet ouvrage, un autre sens.

→ Remarque 2. Par son caractère obsessionnel et par sa place indéterminée dans les phrases, membres de phrase ou vers, l’épanode diffère de l’anaphore* (répétition d’un même mot au début de chaque phrase ou membre de phrase successifs).

→ Remarque 3. L’épanode diffère de l’antépiphore* qui, elle, est une sorte de refrain généralement sous la forme d’une phrase entière.

JEUX (pl. IX B), MISE EN RELIEF (pl. XI C), RÉPÉTITION (pl. XIII A)

37
Q

“Double personnalité”

A

SYLLEPSE (N.F.)

♦ Étymologie: « Ce mot est un emprunt savant au bas latin des rhétoriciens syllepsis, qui reprend le grec sullêpsis “action de prendre ensemble” d’où “compréhension”, formé de sun “avec, ensemble” et lambanein
“prendre”. » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française.)»

♦ Définition: En stylistique, c’est la figure par laquelle « un mot est employé à la fois au sens propre et au sens figuré » (Littré).

La syllepse repose sur la polysémie des mots (= plusieurs sens ou signifiés), c’est-à-dire qu’un même mot exprime deux réalités ou deux notions différentes, l’une correspondant au sens propre du mot, l’autre au sens (ou à un de ses sens) figuré.
♦ Exemples:

Galathée est pour Corydon plus douce que le miel du Mont Hybla.
(Virgile, cité par le Larousse du XXe siècle.)

Douce signifie ici à la fois « sucrée » et « tendre » (les coteaux entourant Hybla étaient remplis d’abeilles renommées pour leur miel).

Il a descendu les poubelles et le cambrioleur qui rôdait dans les escaliers.
Descendre signifie à la fois « porter en bas » et « tuer ».

«Il est bête à manger du foin.
Bête signifie à la fois « animal » et « sot ».
La syllepse donne facilement lieu à des jeux de mots:

Quand j’étais petit,
j’a suivi seulement les cours de récréation
et après
il paraît que l’école
c’est secondaire.
(Marc Favreau, alias Sol.)

Secondaire est pris dans le sens de « moindre importance » et représente aussi le cours qui succède à l’enseignement « primaire ». De plus, les homonymes cour de récréation et cours (= enseignement) créent un calembour*.

Sais-tu pourquoi les sauvages sont tout nus?
C’est parce que Christophe Colomb les a découverts.
(V. Hugo.)»
Découverts a le sens ici de « dévêtus » et de « faire connaître ce qui était inconnu ».

Un homme sur deux est une femme
(Slogan féministe lors d’une manifestation à Paris en 1970.)
Homme a le sens d’« être humain » et d’« individu mâle ».

→ Remarque 1. Si le mot n’est employé qu’une seule fois dans la syllepse, il est répété dans l’antanaclase* et la diaphore*.

→ Remarque 2. La syllepse se retrouve fréquemment en présence d’un zeugme* (mise en facteur) et d’un attelage* (association de compléments de nature différente). Ex.: Il a descendu (zeugme) les poubelles et le cambrioleur (attelage).

→ Remarque 3. Ne pas confondre la syllepse en stylistique et la syllepse en grammaire. Dans ce dernier cas, la syllepse ne tient pas du jeu de mots mais est un accord grammatical selon le sens. Ex.: Minuit sonnèrent, Le monde sont fous, On est partis, La plupart des gens sont d’accord…

JEUX (pl. IX C), TRANSFERT (pl. XVI B)

38
Q

“Entrelacs”

A

SYMPLOQUE (N.F.)

♦ Étymologie: Ce mot est emprunté au grec sumplokê, « entrelacement », formé de l’élément sun, « avec », et d’un dérivé du verbe plekein, « nouer »

♦ Définition: Les mots ou groupes de mots commençant une phrase et ceux la terminant sont repris au début et à la fin de la phrase suivante de sorte qu’il y a un entrelacement de répétitions. C’est un emploi simultané del’épiphore* (répétition de mot en fin de phrase) et de l’anaphore* (répétition de mot en début de phrase). Elle correspond au schéma suivant: A–B, A–B.

♦ Exemples:

Les yeux de Stella, les yeux d’oiseau de Stella se dilataient dans son visage creusé.
(Anne Hébert, Le Torrent, p. 229.)
Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire
Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvis sera sa mémoire
(H. Michaux, L’espace du dedans, p. 293-294.)
Il y a ceux qui croient à l’ordre établi. Il y a ceux qui mettent en doute l’ordre établi.
Et enfin, il y a ceux qui s’interrogent sur l’essence même de l’ordre établi.
(Saab, cité par Richard Arcand, p. 117.)

JEUX (pl. IX D), RÉPÉTITION (PL. XIII B)

39
Q

“S’exprimer à moindres frais”

A

ZEUGMA OU ZEUGME (N.M.)
♦ Étymologie: Ce mot « d’abord adapté en zeume (1380) puis refait en zeugme (1765) zeugma (1808) est emprunté au bas latin des grammairiens zeugma qui reprend le grec zeugma “lien, joug”, au figuré “jonction”, employé en rhétorique. C’est le dérivé de zeugnunai “unir, joindre,mettre sous le joug” qui se rattache à
une racine indoeuropéenne yug, comme le latin jugum (→ joug) » (Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française).

♦ Définition: « Construction qui consiste à ne pas énoncer de nouveau quand l’esprit peut les rétablir aisément, un mot ou un groupe de mots déjà exprimé dans une proposition immédiatement voisine » (Le Petit Robert).

Un zeugme, c’est la mise en facteur d’un élément commun à plusieurs membres d’une phrase (disjonction) ou le fait d’ajouter une proposition à une proposition déjà équilibrée sans répéter un mot déjà exprimé (adjonction).

♦ Exemples:
– Ajout d’une proposition tronquée (dont le sujet est différent de celui de la première proposition):

L’air était plein d’encens et les prés [étaient pleins de] de verdure.
(V. Hugo, Tristesse d’Olympio.)

Les « bleues* » me font sainte et mes ennemis [me font] Carabosse.
(F. Chandernagor, L’Allée du Roi, p. 15.) (*Les bleues représentaient les dames de Saint-Louis.)

Par le bruit de la pluie m’était rendue l’odeur des lilas de Combray; par la mobilité du soleil sur le balcon, [m’étaient rendus] les pigeons des Champs-Élysées; par l’assourdissement des bruits dans la chaleur de la matinée, [m’était rendue] la fraîcheur des cerises…»
– Mises en facteur:
Quittez les longs espoirs et les vastes pensées.
(La Fontaine, « Le vieillard et les trois jeunes hommes ».)
La miséricorde est la vertu du pardon et son secret et sa vérité
(A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, p. 174.)»

«La distinction entre l’adjonction et la disjonction n’est pas toujours évidente. Soit l’exemple suivant:

[Il] y bâtirait une hutte. Aux neiges, [y bâtirait] un igloo.
(Y. Thériault, Agaguk, cité par Dupriez.)

Pour Dupriez, la deuxième phrase est une adjonction, c’est-à-dire une proposition ou phrase tronquée et il note que celle-ci est possible même quand la phrase paraît achevée. Ne pourrait-on pas dire que c’est plutôt une mise en facteur du verbe bâtirait? Ce serait alors une disjonction. Pour qu’il y ait adjonction, les sujets des deux propositions devraient être différents, ce qui n’est pas le cas ici.

→ Remarque 1. Fontanier et Littré (voir Dupriez p. 473) appellent « zeugme composé » la construction où le mot sous-entendu n’est pas conforme au terme exprimé: « Latête est tiède, les mains [sont] froides, les jambes [sont] glacées » (J. Giraudoux, Intermezzo III, V). Le mot sous-entendu est sont et non pas le mot exprimé: est.

→ Remarque 2. Le zeugme coexiste très souvent avec la figure appelée attelage* (= association de compléments de nature sémantique différente). C’est le cas de l’exemple suivant où « portait » est mis en
facteur et où « nez » et « bottines » sont des compléments de nature sémantique différentes: « Il portait un grand nez et des bottines à boutons » (Bazin, cité par Arcand, p. 258). (Pour plus d’explications, se reporter à la figure attelage*, remarque 1.)

ADJONCTION* ET DISJONCTION*