cours 4 Flashcards
Karl Marx
Marx introduit une manière entièrement différente d’analyser les structures sociales, basée sur les échanges économiques.
Concevoir la société comme une machine ou comme un organisme nous empêche de porter attention aux conflits et réduit notre compréhension du social au purement fonctionnel et nous pousse à minimiser et à individualiser les conflits.
Hobbes fait erreur en considérant qu’en conflit, ou quand il y a absence d’organisation, il n’y a pas de société. Même Durkheim ne va pas assez loin dans sa sociologie, puisqu’on y voit encore la société s’effriter quand il y a un défaut de normes sociales (« anomie »). Pour Marx le conflit est fondamental au social: la structure sociale est le résultat de conflits fondamentaux.
Il y a déjà du « social » à partir du moment où quelques individus se rencontrent et ont besoin de produire leur propre survie, quel que soit le type de relation — même si c’est l’« état de nature » de Hobbes. Selon Marx, l’histoire des civilisations commence avec l’organisation de la survie du groupe. Il s’agit de produire les biens nécessaires (nourriture, logement, vêtements) de façon efficace. Pour ce faire, il faut déterminer un mode de division du travail et des relations d’échange des produits de ce travail. Notez comment ceci se situe au niveau purement matériel.
la notion de classe
Historiquement, des sous-groupes, ou classes, se sont développées autour de similitudes d’intérêts dans le système de production — et, éventuellement, dans la gestion des surplus (richesse).
En simplifiant beaucoup, pour Marx il y a dans le modèle capitaliste deux classes :
o celle du capitaliste, possédant les moyens de production mais n’y travaillant pas, appelée bourgeoisie.
o celle du travailleur, ne possédant pas les moyens de production (il peut posséder une maison, une voiture, etc., mais ceci ne lui donne aucun poids économique) mais travaillant pour le premier, appelée prolétariat.
Pour l’essentiel, les « classes » se sont organisées de trois façons principales (chronologiquement : système esclavagiste, féodal et capitaliste), sans entrer dans le détail, il faut noter que tous ces modèles sont caractérisés par le conflit et la domination des non-possédants par la construction d’institutions visant à étouffer les conflits. peu importe qu’on adhère ou non a la version marxiste de l’histoire, l’élément a noter, est la miner dont toute societe s’organise pour gérer les inégalités sociales, économiques et culturelles.
interactions économiques et structure sociale
Les relations entre les « classes » se traduisent non seulement au niveau de l’échange et du travail (niveau matériel) mais également à un niveau plus abstrait, celui de la politique et des lois. L’organisation matérielle de la production est appelée base, infrastructure ou structure, et la façon de penser, l’idéologie, la politique, les institutions (organisations, lois, etc.) la superstructure. Ainsi, il existe un lien direct entre l’organisation économique et l’organisation politique/légale d’une société. La façon dont on réfléchit est liée à l’organisation de la production industrielle, donc à la domination d’une classe sur les autres.
interactions économiques et structure sociale
Conclusion : les lois et la politique (la superstructure) sont un moyen de contrôler les non-possédants et de protéger le système de production dans sa forme actuelle. Le crime est donc, comme les autres lois, une stratégie pour gouverner et pour désamorcer les conflits de classe. Par exemple, Melossi montre que le taux d’incarcération ne varie pas avec le taux de criminalité, mais avec la quantité de surplus de travailleurs. La prison est utilisée comme moyen de contrôler les populations migrantes, les populations en « surplus », inutiles à la production industrielle : on dirige les ressources du système de justice vers ceux qui « ne servent à rien ».
Attention : il ne s’agit pas d’affirmer que les lois produites par une classe sont nécessairement faites pour oppresser les autres. Personne ne dit que le meurtre serait légal si une autre classe était au pouvoir ou que les « prolétaires » aimeraient bien pouvoir s’entre-tuer librement! Selon la perspective marxienne, les objectifs poursuivis par le droit dans son ensemble sont ceux de la classe dirigeante et les besoins des autres classes sont négligés (pour illustrer, considérez le fonctionnement de
« fraude » v. « vol » ; considérez qu’on équipe les véhicules de patrouille de dispositifs de contrôle de l’alcool et de la vitesse au volant, mais pas de la pollution industrielle ambiante).
théorie marxienne moderne: la défaite pyrrhique de Jeffrey reiman
Reiman souligne que le code criminel contient des incriminations et non des crimes, c’est à dire qu’il résulte d’un processus politique de sélection et non d’un processus scientifique d’observation. Or, ceux qui ont le plus de pouvoir sur la définition des crimes ne sont pas représentatifs du citoyen moyen.
Pour faire sa démonstration, Reiman commence par de définir comme « crimes » toutes les conduites qui causent du dommage à autrui, individuellement ou en groupe. Il remarque que ceci correspond peu au code criminel ou à son application.
un système biase contre les crimes de rue
Reiman n’argumente pas que les crimes actuels sont sans importance; seulement, que le système de justice est biaisé contre les « crimes derue » et ignore un grand nombre de conduites dommageables — dans certains cas beaucoup plus dommageables — pour des raisons politiques et économiques. Exemples de Reiman :
o Population des prisons : sans emploi, minorités, éducation minimale. Leurs crimes : violence, propriété, mais toujours au niveau individuel (street crime). Aussi : amendes impayées, drogues.
o Chirurgies inutiles, aux États-Unis : pour 5 milliards USD, près de 15 000 personnes meurent durant des opérations chirurgicales inutiles.
o Pollution, États-Unis : 60 000 morts par année aux États-Unis (selon l’Environmental Protection Agency).
Autres exemples :
o Opérations de la fonderie Horne à Rouyn-Noranda : depuis des décennies maintenant la fonderie Horne, propriété de Glencore, rejette des quantités de produits toxiques dans l’atmosphère, qui retombent sur la ville et les environs. Depuis 1927 le gouvernement du Québec soustrait systématiquement la compagnie à toute surveillance écologique. En 2022, un rapport de la Santé publique du Québec notait la présence extrêmement élevée d’arsenic et de cadmium, bien au-delà des normes applicables mais, à la demande de son directeur, omet de nommer la source des émanations. Radio- Canada a d’ailleurs découvert que le docteur Horacio Harruda, empêchait systématiquement la révélation au public des pires données environnementales reliées à la fonderie.
…
o Depuis quelques années plusieurs fuites majeures et enquêtes journalistiques ont révélé à quel point les Canadiens fortunés se soustraient à la loi de l’impôt à l’aide de paradis fiscaux. Les Panama papers ont montré comment ils procèdent, avec l’aide de grands cabinets comptables, en formant des compagnies fictives au Panama pour y canaliser leurs revenus afin d’éviter de les déclarer au fisc (voir aussi les « Paradise papers et Pandora papers, qui sont des fuites montrant la même chose et nommant carrément ceux qui en profitent et les experts comptables qui les organisent).Les médias et les experts commencent à peine à redécouvrir un phénomène qui était pourtant carrément criminel jusqu’en 1955 : le vol salarial. Il prend plusieurs formes, comme le refus de payer les heures supplémentaires, déductions punitives au salaire, refus de payer les bénéfices légaux, etc. Aux États-Unis l’Economic Policy Institute évalue, de manière conservatrice, les pertes des travailleurs à plus de 50 milliards USD par année. Dans une semaine moyenne les deux tiers des petits salariés se font voler une partie de leur salaire.
o Désastre de Lac-Mégantic, 2013 : Suite à la catastrophe qui coûta la vie à 47 personnes et rasa une bonne portion de la ville, la justice se penche sur les actes d’individus particuliers, avec des preuves extrêmement minces. Personne ne se demande si le transport à rabais de matières extrêmement dangereuses est une bonne idée. Personne ne demande de resserrement des règles de transport ou environnementales, ce qui pourrait nuire à l’industrie.
le système de justice pénale exclut activement les classes possédantes.
Les policiers sont plus sensibles aux crimes visibles. À crime égal et dossier égal, les jeunes de quartiers défavorisés sont plus à risque que les autres d’être référés au tribunal de la jeunesse.
Les gens plus avantagés ont plus de facilité à trouver un bon avocat, élément crucial de succès dans une procédure criminelle — incluant les négociations sur la peine.
Dans ceux qui se rendent jusqu’à une condamnation, ce sont les plus aisés qui risquent de se faire imposer une amende, des travaux communautaires, une probation, et les plus pauvres une sentence carcérale. Les gens plus aisés ont également plus de chance de se retrouver dans des prisons à sécurité minimale et à être relâchés plus rapidement parce que leurs crimes ne sont pas violents (1/6 de la peine). La libération conditionnelle est également plus facile parce que l’individu peut faire valoir un réseau social étendu, un emploi payant, une expertise, des économies, etc.
BREF, le système ne contrôle pas la criminalité : il ne fait pas réduire les crimes de rue et ne s’occupe pas du tout des crimes en col blanc.
alors pourquoi existe-il? a quoi sert-il?
Alors pourquoi existe-t-il ? À quoi sert-il?Reiman appelle sa théorie, la « défaite pyrrhique » : la guerre contre le crime est perpétuelle, toujours perdue, mais produit une foule de conséquences utiles pour la classe dirigeante/ possédante.
. Autrement dit, c’est une « défaite » qui rapporte autant qu’une victoire.
Comme ce système est utile, il ne sera jamais réformé :
o Il permet de détourner l’attention vers les crimes de la classe ouvrière.
o Il permet d’individualiser les problèmes sociaux et d’excuser les effets de système.
conflit de sous-cultures déviantes: penser une societe fragmentée
C’est toutefois le même (politiquement suspect) concept que celui de « classe dangereuse » qui sévissait déjà aux débuts de la criminologie (criminels-nés, incivilisables, ataviques, etc.).
Cependant, l’idée est intéressante du point de vue de la création et du pouvoir des normes : Miller ouvre la porte à des explications sociales de la criminalité qui ne sont pas fondées uniquement sur la déviance individuelle et qui ne supposent pas de consensus ferme sur les valeurs.
Selon les observations de Miller, les individus issus de la classe défavorisée n’adhèrent pas aux normes conventionnelles — ils ont les leurs propres. Or, cette culture des milieux défavorisés/ désorganisés/ bloqués génère la criminalité de gangs de jeunes.
Tableau suivant. Deux groupes culturels n’ont pas nécessairement des évaluations morales équivalentes de conduites diverses. cependant, c’est seulement le groupe qui a le pouvoir de changer la loi qui réussit a faire incriminer les conduites de l’autre qu’il juge inacceptable.
De plus, Miller n’en parle pas, mais ceci fonctionne également au niveau de l’application
de la loi. Les ressources policières ne sont pas distribuées également; certains groupes sociaux peuvent pousser la police (et les tribunaux, etc.) à se concentrer davantage sur certains crimes.
conflit de sous-cultures déviantes: penser une societe fragmentée 2
Résultat : la culture dominée développe 6 facettes spécifiques qui exagèrent encore plus sa différence (ce ne sont pas tout à fait des« valeurs »; ce sont plutôt des métaphores qui servent à saisir la réalité et parler de l’action humaine en contexte) :
o Trouble - difficulté : comportement ou situation peut être conçue comme amenant des difficultés avec les autorités ou les évitant.
o Toughness - force, résistance, dureté, machismeo Smartness - astuce, capacité de rouler les autres pour obtenir ce
qu’on veuto Excitement - danger, action, sensations forteso Fate - destin, manque de contrôle sur le cheminement personnel o Autonomy - indépendance vis-à-vis des contrôles sociaux
Évaluation : il semble bizarre d’affirmer que le système culturel de ces jeunes puisse s’articuler en vase clos : on dirait que la culture délinquante/ des milieux défavorisés pousse toute seule, en vase clos.
Pourtant, l’analyse de Miller peut nous aider à comprendre que la production d’un code criminel — et donc de crimes et de criminels — n’est pas nécessairement le résultat d’un mouvement uniforme; l’existence de frictions n’est pas un frein à l’incrimination de conduites (exemple : la prohibition).
Aujourd’hui, on rejette le concept de classe, trop simplificateur et mal adapté à la société moderne (éducation répandue, fractionnement des strates, explosion de la « classe moyenne »).
Enfin, les mots « culture » et « sous-culture » donnent peut-être trop une impression historico-poétique. Cependant, la culture, ici, est un phénomène LOCALISÉ. Il s’agit de bien comprendre que c’est la« culture » telle que vécue par les sujets. Racines de l’ethnométhodo- logie, dont nous reparlerons.
1ere génération : les arrivants
Souvent conservateurs, ont des normes solides qu’ils imposent autoritairement. Identité forte et non-problématique. Facteurs à considérer : pour bien des immigrants, leur migration est également une URBANISATION : les immigrants sont souvent d’extraction rurale et atterrissent en ville. Il y a aussi passage d’un concept de famille élargie, traditionnelle à celui de famille « nucléaire » nord-américaine.
s’installent dans des « quartiers fondateurs » : pratiques = peu chers, s’y trouvent des gens qui partagent la langue; affectif = traditions, valeurs, nostalgie. Toute autre chose étant égale, ils y restent 5 ans au plus. Ils y font l’apprentissage de la langue du pays d’accueil. Ce sont souvent des quartiers désorganisés et délabrés.
Les arrivants sortent éventuellement de ces ghettos avec l’arrivée d’argent et l’intégration fonctionnelle (minimale). Ils déménagent vers des « enclaves ethniques » : signe de d’ascension sociale. Ce sont des quartiers culturellement non-diversifiés, et moins délabrés. Éventuellement, ils aboutiront dans des « quartiers d’éparpillement ». À cette étape, le migrant se conçoit comme intégré et déménage dans un quartier de « groupe social / économique » et non ethnique. Fin du besoin de support ethnique.
Les valeurs, habitudes, attitudes des nouveaux arrivants peuvent détonner face à celles de la société d’accueil.
. Dans tous ces cas les conflits générés ressemblent au modèle de Miller ci-dessus, où la
classe dominante est remplacée par la société d’accueil. cette societe peut aussi comporter des facteurs culturels et politiques qui rendent l’accueil et l’intégration particulièrement difficiles, voire impossible.
2e et 3e génération : les enfants
C’est au niveau de la 2e génération que se fait sentir un choc des cultures, (culture clash. Le jeune, en quête d’identité, est confronté à des systèmes de valeurs contradictoires (non pas opposés, attention ; les différences peuvent même être mineures. Souvent les jeunes donnent une importance démesurée à des détails). Les enfants vivent un conflit entre les normes parentales et les normes de la classe moyenne étatsunienne (p. 102…).
Ici, l’idée n’est pas que la conformité à une culture cause simplement une déviance dans l’autre. Il s’agit plutôt d’une érosion des normes par la confrontation. Dans cette théorie le délinquant est un individu qui est mal adapté à son propre groupe.
Les cultures contiennent des normes de conduite qu’il faut intégrer et apprendre à respecter, ce qui est rendu difficile par le relativisme engendré par la proximité avec d’autres cultures.
Donc, pour résumer, dans le modèle de Sellin il y a :
o Conflit primaire : conflit entre cultures étrangères l’une à l’autre. Confine l’immigrant dans un ghetto géographique, culturel, social et au niveau de l’emploi. Ressemble à Miller.
2e et 3e génération: les enfants 2
o Conflit secondaire : celui-ci est plus difficile à identifier mais beaucoup plus puissant. Il est causé par une fraction interne à l’individu, qui ne réussit plus à s’approprier une échelle de valeurs puisqu’il n’arrive pas à s’identifier à un groupe. Le problème d’identité qui peut être résolu de 4 façons:
Marginalisation, acceptation de l’identité négative, du membership dans le groupe dominé
Assimilation, adoption complète de l’identité, des valeurs, des normes de la société d’accueil
Retrait, abandon de la société dominante et glorification de l’ethnicité
Biculturalisme, intégration personnelle de valeurs de sources différentes
Si ce conflit est réglé par une assimilation ou par le biculturalisme, tout va. S’il s’agit d’une marginalisation ou d’un retrait, il y a potentiel criminogène.
Notons que si la troisième génération est habituellement mieux intégrée, l’ethnicité peut refaire surface comme une recherche personnelle des origines, d’authenticité, etc.
Marx: le conflit a la source des structures sociales
- Quoi qu’il en soit, outre son programme politique, Marx créa égale- ment une perspective théorique marquante sur l’organisation des relations entre les groupes sociaux. Fondée sur la primauté des relations écono- miques, c’est-à-dire des échanges et des modes de production de biens et services, cette perspective est souvent dite « marxienne », alors que le mot « marxiste » est réservé au programme politique prônant la réorganisation des structures économiques et sociales.
- Pour Marx, le «social» n’est pas l’organisation fonctionnelle qu’observait Durkheim autour de lui, ni un ensemble de règles naturelles structurant les relations sociales, ni un contrat de paix politique à la Hobbes, ni les institutions, ni l’État, ni aucune de ces notions conventionnelles qui sous-tendent la définition du dictionnaire. Non, dans une perspective marxienne, toute relation entre individus est sociale, même la relation de conflit ouvert. Si les groupes humains sont parvenus un tant soit peu à satisfaire leurs besoins et à survivre, c’est qu’ils ont inventé des relations d’échange et une division du travail. Cette structure de base, visant en premier lieu l’efficacité et la production maximale de biens servant à la survie, est déjà empreinte de conflits économiques… Mais elle n’en est pas moins sociale.