cours 2 Flashcards
évolution du concept de societe
- Définition conventionnelle, tirée d’un dictionnaire : Collectivité organisée d’humains unis par des institutions et une culture communes. Il y a au moins trois problèmes fondamentaux dans cette définition : l) l’impression laissée que la société est un objet réel, clairement identifiable; 2) l’idée d’homogénéité, d’unicité; 3) la perspective fonctionnaliste liée à l’idée d’organisation. En fait, chacune de ses facettes constitue une question fondamentale de la sociologie.
- Aristote : l’humain est un « animal politique ». Ceux qui vivent en marge du social sont ou des monstres, ou des dieux. Pour le philosophe grec, la cité (le groupe sociopolitique) « existe » avant même l’humain, puisque ce dernier est « fait » pour elle. Pour Aristote l’organisation politique fait partie de la nature : ce n’est pas une création humaine. Comme les tours mal construites, les cités mal organisées s’écroulent tout simplement sous les lois de la nature.
- À l’époque de l’invention de la sociologie (~1850), on la voulait une science « positive », c’est-à-dire qui ressemblerait davantage aux sciences naturelles et moins à la polémique politique pamphlétaire (« négative ») qui avait existé jusque-là. On appela cette position épistémologique le positivisme.
- NOTE : le positivisme a souvent voulu dire, « le déterminisme causal » et il y a longtemps eu conflit entre cette position et d’autres visions de la société et des faits sociaux se disant moins réductrices. Ce conflit est aujourd’hui en voie de disparition. L’approche dite « positiviste », débarrassée de ses présupposés mécanistes et déterministes, se réduit à une formule simple : en sciences on ne peut être certain que de ce qui a été
les trois mousquetaires de la sociologie française
- Auguste Comte, Émile Durkheim et Saint-Simon. Pour eux, la société est irréductible à ses membres. C’est ce qu’on appelle le « holisme méthodologique » : l’idée que le groupe est plus que la somme de ses parties. Lorsque plusieurs personnes sont ensemble, un « monde social » apparaît.
- Pour Durkheim, le social doit être expliqué par le social. On n’explique pas le fonctionnement d’un moteur à l’aide d’une description des molécules dont il est fait, mais bien en décrivant son mécanisme. Donc, si on veut comprendre le fonctionnement du moteur social, il faut s’en tenir à son mécanisme et laisser à d’autres la compréhension de la psychologie des atomes sociaux que sont les individus. Les désirs, les stratégies, les actions, les croyances, les humeurs des acteurs individuels fondent entièrement dans le mécanisme social; il est donc inutile de faire appel à des notions de psychologie en sociologie.
la notion de consensus
- Comme la définition ci-haut l’implique, nous avons l’habitude de voir le social comme fondamentalement consensuel, c’est-à-dire que la plupart de ses membres — sinon tous — s’entendent, en gros, sur les valeurs, les pratiques et sur la signification des choses ayant cours dans leur groupe. Dans une interprétation maximale, même les déviants savent qu’ils dévient : le voleur sait que voler est mal (et n’apprécierait pas être lui-même victime de vol).
- Il y a donc également consensus sur ce qui constitue un acte criminel. Durkheim dit qu’un crime est un acte qui offense les états forts de la conscience collective (nous reviendrons sur cette définition dans le prochain cours). Qui dit « conscience collective » dit consensus : tout le monde voit bien ce qui est criminel et il n’y a pas de controverse fondamentale sur les lois.
- NOTE : le crime n’est donc pas une donnée naturelle et immobile, « réelle ». C’est une donnée relative à l’échelle de valeurs qui a cours dans un groupe social. Or, cette échelle change avec le temps. Elle est aussi différente d’une société à l’autre (ainsi, il ne reste plus qu’à se questionner sur l’ampleur exacte de la notion de « société »; nous reviendrons là-dessus plus tard).
la notion de consensus 2
- Enfin, il y a consensus sur ce qu’est un criminel. Pas simplement au sens de « celui qui a commis un crime », mais dans sa nature même, dans la façon dont on conçoit les raisons qui poussent à commettre un crime. Ceci nous en apprend énormément sur la façon dont les gens se conçoivent eux-mêmes. En fait, l’identité de celui qui est pointé du doigt et exclu du groupe sert à définir l’identité des autres membres, c’est une façon de renforcer la cohésion du groupe.
- L’objectif de la criminologie, dans cette perspective, est donc tenter d’identifier les causes sociales de la criminalité en tant que transgression des valeurs établies, mais au niveau social :
Cet objectif paraît aller de soi, mais comme nous le verrons il repose sur une montagne assez fragile de présupposés non-scientifiques.
deux types de produits médiatisés nous intéressent: information et fiction
- Les médias sont à la fois omniprésents et centralisés, incluant l’Internet, jadis (!) fragmenté, qui devient de plus en plus industriel et centralisé à son tour. De plus, sous la menace du contenu pornographique, de l’échange de fichiers musicaux sans permission, du terrorisme etc. l’accès à l’information sur internet est de plus en plus encadré par des entreprises industrielles.
- Les médias sont un des principaux véhicules de la culture populaire (l’autre véhicule étant les gens eux-mêmes). Pensez-y : mis à part vos cours de criminologie, quelles sont vos sources de connaissances sur le crime? Statistiquement, seule une faible minorité d’entre nous seront victimes d’un crime sérieux; même dans ce cas, nous aurons fait l’expérience directe d’une infime partie de la réalité de la criminalité en tant que phénomène social.
or les médias
déforment la réalité de la criminalité (et participent à la création et au maintien du sentiment d’insécurité)
o par leur foyer sélectif (crime de rue, scandales)
o par symbolisme (le viol digne de nouvelle est la forme la plus rare)
o par fausse représentation (on ne peut juger de l’importance réelle d’un phénomène criminel à partir du temps d’antenne qui y est consacré)
o stéréotypent le crime et le criminel et offrent au public une réalité simplifiée qui permet d’avoir une opinion-minute sur la criminalité. Ils donnent donc effectivement au public ce qu’il veut, dans une économie de marché. Ceci est une impasse majeure.
qu’est-ce qui explique cet état de faits
- fonctionnement fondamental des médias: passivité et conventionnalisme. lesmedias d’information ne sont pas intéressés a l’enquêterons ou a la recherche. Noam chomsky (1988); ou Jacques keable au Quebec): 1) les journalistes sont engages pour leur compétences a tirer de la nouvelle des événements, c’est-a-dire précisément de déformer et de stéréotyper. 2) les journalistes n’enquêtent pas: ils vont a des conférences de presses, suivent les politiciens et surveillent les services de nouvelles et les communiques.
- Pour Richard Ericson (1987), Les médias sont des « reproducteurs d’ordre social », c’est-à-dire qu’en illustrant la déviance ils enseignent la conformité et la prévisibilité. Ils font ceci en reconstituant (visualisant) des histoires criminelles à partir de sources d’autorité (la police, surtout) — ou en donnant une impression de réalisme (de différentes façons : caméra documentaire, réalisme médical, rappel de faits divers) dans les productions de fiction (CSI, Criminal Minds, etc.; chez nous, District 31).
qu’est ce qui explique cet état de fait 2
- Par ailleurs, les crimes violents/sexuels sont surreprésentés par un facteur de 20x (if it bleeds, it leads). Les crimes qui dominent (introduction par effraction, vol à l’étalage), évidemment, ne font pas de bonnes nouvelles. En gros, le crime médiatique doit être compris comme divertissement (entertainment) et non comme information (voir Doyle, 2003).
- Conclusion : les médias ne trompent pas le public par exprès; il n’y a pas non plus de conspiration au sens ordinaire du terme. La situation est plus complexe. En fait les médias sont une industrie, qui doit fonctionner dans un contexte industriel.La nouvelle est le moyen employé pour produire.
- Non-conclusion : faut-il abandonner, ne plus « consommer » de production médiatique? Faut-il « douter de tout »? D’un extrême à l’autre il n’y a rien à gagner.
l’état de nature et le contrat social: la societe comme production rationnelle
Petit retour en arrière sur un mystère : comment se fait-il qu’on ait dû attendre le 19e siècle avant que des scientifiques se penchent sur le fait social?
- Première raison : la religion, qui établissait déjà le mode de fonctionnement de l’être humain et sa place dans la nature. Avant Descartes l’être humain a été le sujet réservé de la théologie et de la philosophie : tout savoir non-religieux était suspect. Fondamentalement différent de l’animal, la raison humaine, le péché et la rédemption ou damnation semblaient exclus du domaine de la science.
- Seconde raison : avant l’époque industrielle les populations étaient rurales, donc peu agglomérées, peu changeantes et non-problématisées. Avec la révolution industrielle l’urbanisation, l’anonymat et les grands nombres ont soulevé de nouvelles questions.
- Troisième raison : la philosophie politique. On a longtemps eu beaucoup de difficulté à concevoir la société hors du politique. L’État, la nation, le pays, le sang (la famille) sont les concepts courants pendant des siècles. Voyons l’idée d’« état de nature » selon Hobbes (1651).
l’état de nature et le contrat social: la societe comme production rationnelle 2
- L’état de nature est l’état dans lequel les groupes humains se trouvent avant la formation de lois et d’un gouvernement. C’est un état de guerre de tous contre tous. La propriété n’existe pas, et la sécurité est nulle. Chacun est en parfaite liberté de faire absolument n’importe quoi.
o Tant qu’il est guidé par ses passions (côté animal, imprévisible, désordonné), l’humain reste dans cet état. Mais son côté rationnel (calme, calculateur, réfléchi) prend éventuellement le dessus — pourquoi ne pas renoncer à un peu de ma liberté pour mieux assurer le reste? En fait Hobbes dit que la peur fondamentale de l’humain est la peur de la mort violente — et qu’il est prêt à tout abandonner pour assurer sa sécurité.
oLes humains forment donc un contrat social, où ils limitent leur liberté en se soumettant à des lois, et où ils inventent l’État (sinon elles ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites, dit Hobbes). Dans cette perspective, le social est donc fondamentalement politique.
Souverain) pour faire respecter les lois
- Cette vision des choses a produit une criminologie bien spécifique : (Hobbes, Montesquieu, Beccaria, Bentham). Dans cette perspective il n’y a qu’une « cause » au crime : un manque de dissuasion pénale.
le contrôle social: comment produit-on la conformité?
Travis Hirschi (Causes of Delinquency, 1969) l’explique ainsi : l’individu, au départ, cherche son bénéfice à tout prix. Il est prêt à tout pour assurer son avantage. Mais en société, il apprend que certains avantages résident dans le fait de se conformer, essentiellement à travers la formation de liens sociaux. Or, des actes déviants pourraient causer un rejet et la perte de ces avantages. L’être humain est donc socialisé en faisant appel à sa rationalité (tu veux ceci ? Conforme-toi aux attentes).
Il y a 4 types de liens sociaux :
o Attachement. Aux parents, aux professeurs, aux pairs (non délinquants, bien sûr). La déviance pourrait provoquer un bris des relations avec les gens à qui on est attaché, donc on l’évite. L’attachement aux parents dépend du temps passé avec eux, du niveau d’intimité dans les communications et de l’identification émotionnelle avec les parents.
o Engagement (commitment). Investissement de temps et d’effort dans des activités conventionnelles qui illustrent les règles morales en vigueur. Éducation, jeux et loisirs socialement acceptables, passe-temps, etc. Ceci créé des responsabilités assorties d’un sentiment d’appartenance.
le contrôle social: comment produit-on la conformité? 2
o Participation (involvement). Participation à des activités sociales conventionnelles : moins de temps pour le reste. De plus, la déviance pourrait nous faire perdre accès à ces activités.
o Conviction (belief). Croyance en la validité, légitimité et utilité des règles sociales.
Note importante : il s’agit ici d’expliquer la conformité, et non la déviance. Pour Hirschi, la déviance est un réflexe naturel chez tout être humain qui cherche des bénéfices plus nombreux, plus immédiats et moins difficiles à obtenir. En physique, ce serait comme tenter d’expliquer l’obscurité, alors que ce n’est que l’absence d’une chose — la lumière — qui elle nécessite explication.
les limites de la conformité: Robert merton et l’anomie
- Comme Durkheim, Merton voit la culture comme consensuelle, mais il ajoute une distinction fondamentale : les valeurs, ou normes en cours dans une societe peuvent etre regroupes en deux grandes catégories: les normes-buts ou aspirations culturellement valorises et les normes-moyens ou ressources mobilisables qui sont approuves.
- Dans toute société, une proportion variable d’individus seront ou bien capables de se conformer aux deux, ou bien les moyens approuvés disponibles seront inadéquats ou insuffisants pour parvenir aux buts recherchés, ce qui produira une « tension » (strain).
-Comment expliquer la force de cette tension ? Pour Durkheim, les animaux ont des désirs qui sont limités par la nature, alors que ceux les humains, qui sont capables d’abstraction, dépassent les limites naturelles. Nos désirs ne sont limités que par notre culture et notre capacité d’imaginer des choses dont nous pourrions avoir besoin. En fait, on pourrait dire que dans une société de consommation, nos désirs sont multipliés par la culture, et entre autres par la publicité. Merton ajoute deux choses :
les limites de la conformité: Robert merton et l’anomie 2
o TOUS désirent un revenu à peu près 25 % plus élevé que leur revenu actuel.
o Il y a un paradoxe dans les sociétés libérales capitalistes : tous, en théorie, peuvent légitimement viser les mêmes buts, mais la place au sommet est restreinte. C’est l’« American Dream » de l’homme (jamais une femme) qui part de rien et qui bâtit un empire (Ray Kroc — McDonald, Bill Gates — Microsoft, Pierre Péladeau - Québécor). Cependant, mathématiquement la richesse des uns dépend de la pauvreté relative des autres — le pouvoir d’achat individuel ne peut augmenter uniformément (si tout le monde s’enrichit le boulanger aussi voudra devenir millionnaire et un pain coûtera 75$ ; autrement dit tout le monde sera pauvre à nouveau, transportant des brouettes pleines d’argent sans valeur).
- on peut en conclure que c’est la poursuite de la réussite économique qui est la valeur but la plus importante des sociétés occidentales.
De plus, toutes les sociétés n’accordent pas la même importance ou priorité à ces deux types de normes. Les sociétés se distribuent entre deux extrêmes, tel qu’illustré ci-dessous. Dans les sociétés à gauche du continuum il sera plus facile d’être prêt à tout pour arriver à nos fins, parce que la réussite pardonne tout. c’est donc en quelque sorte la recherche de conformité qui produit le crime.
La société à gauche du continuum, c’est la société nord-américaine, qui ferme les yeux sur les moyens
douteux lorsque la réussite est atteinte. À la fois, cette société est hautement inégale en termes de ressources mobilisables : tous n’ont pas accès aux études, à l’emploi. Ainsi, une tension très forte est inévitable et se manifestera surtout chez certains sous-groupes n’ayant
les limites de la conformité: Robert merton et l’anomie 3
Or, en cas de tension (ou stress, ou frustration…), il y a toujours adaptation. Il y a cinq stratégies, selon Merton (attention, c’est un modele deterministe, ces straegies ne sont pas consciemment choisies par les individus)
:
o Conformisme. Continuer d’essayer d’atteindre les buts, avec les moyens acceptés, même si on risque de ne jamais y arriver. La plus commune. N’est pas criminogène.
o Innovation. Trouver de nouveaux moyens d’atteindre les buts. Ces moyens pourront être plus ou moins moraux ou légaux. Ici, le potentiel criminogène est évident ; parmi les moyens innovateurs, certains risquent d’être illégaux.
o Ritualisme. Laisser tomber les idéaux, perdre toute ambition, suivre aveuglément la règle institutionnalisée. Encore ici, peu criminogène.
o Retraite. Laisser tout tomber. Itinérants, populations marginalisées. Cette stratégie est « criminogène » seulement si la société décide de criminaliser la marginalité elle-même (en bannissant les mendiants, par exemple).
o Rébellion. Juger que le système est mauvais. Réactions diverses, mais rejet du conformisme légal. Hautement criminogène, voire terroriste, mais rare au point de l’insignifiance.
Bref, la criminalité vient d’une adaptation au différentiel buts-moyens disponibles dans une société donnée. Dans une société qui donne priorité aux buts sur les moyens, on trouvera plus souvent des adaptations illégales au manque de moyens.
À NOTER : dans ce modèle ce n’est donc pas la pauvreté en tant que telle qui est à la base du problème, mais bien la proximité conceptuelle et géographique d’idéaux impossibles à atteindre. Il est donc question de disparité sociale.
deux versions contemporaines de la tension
- Hagan et McCarthy (1998) prennent pour point de départ la tension existant entre les buts glorifiés par une culture et les moyens disponibles pour les atteindre, se basant sur les travaux de Merton. Comme lui, Hagan et McCarthy se penchent sur les opportunités disponibles aux gens. Bien sûr, ces opportunités sont fortement associées à la richesse — entendue au sens propre, monétaire — de l’individu et de son entourage (parenté, surtout).
- Note : à la fois, ceci ne signifie pas que seulement les pauvres soient la proie de tensions ; rappelez-vous que nous tous, sans exception, désirons toujours plus (buts) que ce que nous avons. Bien sûr, les individus de classe moyenne ont tout de même un plus grand éventail de stratégies/ressources/moyens disponibles à essayer.
- Seulement, disent-ils, il existe différentes formes de richesse, de ressources. En les additionnant, on obtient un tout qu’on appelle « capital social », qui « englobe le savoir, le sens des obligations, les attentes, la loyauté, les canaux d’informations, les normes et les sanctions que ces relations engendrent » (p. 6).
- tout ceci forme votre capital, c’est-a-dire les ressources sociales que vous pouvez mobiliser pour arriver a vos buts. ( je mets vos entre guillemets, parce qu’en fait ce sont débuts qui vous seront enseignes par la culture- ils ne viennent pas de vous).