Examen Final Flashcards
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
1- la réalité existe indépendamment des perceptions humaines (positiviste,post positiviste ou interprétatif)
Positiviste
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
2- la réalité répond à des lois universelles ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Positiviste
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
3- comment la connaissance produite est teintée par les valeurs et les croyances du chercheur,celui-ci doit faire preuve de réflexivité et de transparence pour minimiser les biais.( positiviste, post-positiviste ou interprétatif)
Interprétatif
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
4- comme la connaissance produite est teintée par les valeurs et les croyances du chercheurs, celui-ci doit faire preuve de réflexivité et de transparence pour minimiser les biais. ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Interprétatif
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
5- La connaissance est objective, mais n’est pas atteignable de façon absolue. ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Post-positiviste
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
6- La connaissance est indépendante des valeurs et des croyances du chercheur. ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Positiviste
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
7- La réalité objective existe mais le processus d’acquisition des connaissances de cette réalité est imparfait. ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Post-positiviste
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
8- La réalité se construit à partir de nos perceptions. Elle dépend du contexte social,culturel et historique. ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Interprétatif
À quels paradigmes appartiennent les énoncés suivants
9- La connaissance est contextuelle et non-généralisable ( positiviste, post-positiviste ou interprétatif )
Interprétatif
Retenez dans la liste suivante toutes les questions épistémologiques.
Choisir au moins une réponse
A- Existe-t-il une méthode pour éliminer tout biais?
B- Comment la connaissance s’élabore-telle ?
C- Quel type de données me permet de répondre à ma question de recherche?
D- Est-il possible d’accéder à une connaissance objective sans parti pris ou rapports de pouvoir ?
B et D
Pourquoi?
B- “Comment la connaissance s’élabore-t-elle ?” est une question qui se penche sur la manière dont la connaissance est construite, acquise et développée. Elle concerne les processus épistémologiques tels que l’induction, la déduction, la perception, et la justification des croyances, qui sont des sujets d’intérêt en épistémologie.
D- “Est-il possible d’accéder à une connaissance objective sans parti pris ou rapports de pouvoir ?” est une question qui se rapporte à la possibilité d’atteindre une connaissance objective, c’est-à-dire une connaissance qui ne serait pas influencée par des biais, des préjugés, ou des rapports de pouvoir. Cela touche à la question de la fiabilité de nos méthodes de recherche et à la nature de la connaissance objective, des questions qui sont au cœur de la réflexion épistémologique.
En recherche, comment appelle-t-on les questions que l’on se pose sur la façon de procéder ( ou les techniques utilisées) pour développer des connaissances?
Choisir au moins une réponse
A- Questions ontologiques
B- Questions épistémologiques
C- Questions méthodologiques
C- Questions méthodologiques
Retenez dans la liste suivante toutes les questions ontologiques.
Veuillez choisir au moins une réponse.
A- Qu’est-ce que la connaissance?
B- Qu’est ce que la réalité?
C- Quelle est la relation entre le chercheur et son objet de recherche?
D- Existe t-il une réalité objective?
B et D
Pourquoi :
B-“Qu’est-ce que la réalité ?” est une question ontologique parce qu’elle porte sur la nature de la réalité, c’est-à-dire sur ce qui constitue la réalité, sa structure et son existence en dehors de nos perceptions.
D- “ Existe-t-il une réalité objective ?” est également une question ontologique, car elle interroge l’existence d’une réalité indépendante de notre perception ou de notre subjectivité. Elle se penche sur la nature objective de la réalité.
Pourquoi pas A ou C ?
A- “Qu’est-ce que la connaissance ?” est une question épistémologique, car elle se concentre sur la nature de la connaissance, sur ce qui peut être connu et sur les conditions qui définissent la connaissance.
C- “Quelle est la relation entre le chercheur et son objet de recherche ?” est plus liée à la méthodologie de la recherche et à la philosophie des sciences, ce qui la rend moins liée à des questions ontologiques. Elle peut englober des aspects épistémologiques, mais elle est plus axée sur la manière dont le chercheur interagit avec son sujet de recherche.
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
La taille de l’échantillon est déterminé à l’avance. ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche Quantitative
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
Les résultats sont présentés sous-forme narrative. ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche qualitative
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
Les questionnaires standardisés sont utilisés comme méthode de collecte de données. ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche quantitative
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
Les résultats de recherches sont présentés sous forme de tableaux et graphiques. ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche quantitative
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
La méthode de collecte de données consiste en des entrevues semi ou non structurées ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche qualitative
À quelle approche s’appliquent les énoncés suivants ?
L’outil de collecte de données est uniforme pour tous les participant.es ( Approche Quantitative ou Qualitative)
Approche Quantitative
Lorsqu’on élabore une théorie, on procède à quel type de raissonnement?
A- Inductif
B- Déductif
A- Inductif
Lorsqu’on vérifie une théorie (ou une proposition théorique) , on procède à quel type de raisonnement?
A- Déductif
B- Inductif
A- Déductif
Complétez la phrase suivante:
Selon le processus de raisonnement ____________ des conclusions générales sont émises sur la base de données recueillies empiriquement.
A- Inductif
B- Déductif
A- Inductif
Complétez la phrase suivante:
Selon le processus de raisonnement ____________ des hypothèses sont vérifiées sur la base de données recueillies empiriquement.
A- Déductif
B- Inductif
A- Déductif
Chapitre 6
La recherche quantitative est plus souvent associée à quel type de raisonnement?
A- Déductif
B- inductif
A- Déductif
Chapitre 6
Vrai ou Faux
On appelle «construits» les concepts auxquels on peut assigner une valeur numérique?
Faux
Chapitre 6
Vrai ou Faux
On appelle «variables» les concepts qui renvoient à des phénomènes non observables ?
Faux
Chapitre 6
À quel critère de classification se rapportent les théories descriptives, explicatives et prédictives?
A- Niveau d’abstraction
B- Degré de généralité
C- But
D- Porté ou étendue
C- But
Chapitre 6
Parmi les énoncés suivants, lequel NE s’applique PAS à la théorie?
A- la théorie vise à décrire, expliquer et prédire les manifestations d’un phénomène
B- la théorie est spéculative en ce sens qu’elle propose une explication d’un phénomène qui ne se limite pas uniquement à la description de faits.
C- Une fois élaborée, la théorie ne peut jamais être réfutée
C- Une fois élaborée, la théorie ne peut jamais être réfutée
Chapitre 6
À quoi correspond chacune des définitions suivantes?
Abstraction construite à partir d’un ensemble de caractéristiques communes et distinctives d’un objet ou d’un phénomène
( concept, énoncés de relation ou Postulat)
Concept
Chapitre 6
À quoi correspond chacune des définitions suivantes?
Propositions mettant en exergue les liens qui existent entre différents concepts
( concept, énoncés de relation ou Postulat)
Énoncés de relation
Chapitre 6
À quoi correspond chacune des définitions suivantes?
Un énoncé considéré comme vrai sans que l’on démontre la véracité
( concept, énoncés de relation ou Postulat)
Postulat
Chapitre 6
À quel niveau d’analyse se situe cette théorie
La théorie du choix rationnel explique comment les individus prennent des décisions et présuppose que ces décisions sont essentiellement rationnelles, visant la recherche du plus grand bénéfice au moindre coût.
(Micro, méso ou macro)
Micro
Chapitre 6
À quel niveau d’analyse se situe cette théorie
La théorie des relations ethniques de Max Weber stipule que l’éthnicité est un produit des relations sociales entre groupes. Weber démontre que les marques sont choisis de manière arbitraire par le groupe dominant et elles ne servent pas, en premier lieu, de repère au groupe dominant. Le groupe dominant se définit plutôt par son universalisme et impose “la différence” au groupe minoritaire
(Micro, méso ou macro)
Méso
Chapitre 6
À quoi renvoie la définition suivante: «Ensemble de concepts interreliés qui aboutissent à une représentation graphique ou symbolique d’un phénomène»?
Modèle conceptuel
Phase conceptuelle Extrait A
Les parents d’enfants placés sont des acteurs peu entendus, autant dans le système de protection de la jeunesse que dans la littérature scientifique les concernant. Ainsi, on en connaît très peu sur leur expérience de parentalité, et ce, malgré le contexte assez particulier dans lequel celle-ci s’opère, c’est-à-dire en l’absence de l’enfant au quotidien dans le foyer familial. L’objectif de cet article est de présenter une proposition de compréhension de l’expérience de la parentalité qui tient compte de la temporalité. Les résultats présentés sont issus d’une thèse de doctorat en travail social réalisée à l’Université de Montréal et dont la collecte de données a été effectuée auprès de neuf parents d’enfants placés de façon permanente auprès d’un membre de la famille élargie (Dorval, 2022). L’ancrage théorique repose sur le modèle théorique de la parentalité proposé par Houzel (1999) et la posture méthodologique préconisée est celle du récit de vie (Bertaux, 2014). Il ressort des analyses des récits que les événements biographiques de l’histoire du parent et la notion de trajectoire sont essentiels à intégrer pour une meilleure compréhension du vécu des parents. Ces deux aspects renvoient à la notion de temporalité, un aspect incontournable de la parentalité, notamment dans le contexte du placement permanent d’un enfant.
Veuillez lire le résumé de l’extrait A et répondre aux questions suivantes. Cochez toutes les bonnes réponses + justification
A. Cette publication est une source d’information primaire
B. Cette publication est une source d’information secondaire
C. Cette publication est une source d’information empirique
D. Cette publication est une source d’information théorique
Il s’agit d’une source primaire car l’article est basé sur une thèse écrite par la même personne. En d’autres termes, l’auteur a repris sa thèse de doctorat pour en faire un article scientifique plus accessible au public. De plus, c’est une source empirique puisque l’objectif de l’article est de présenter une proposition de compréhension de l’expérience de la parentalité. L’objectif tient compte de l’aspect de la temporalité. Enfin, elle se base sur un échantillon de neuf parents (Dorval, 2022). + la recherche se base sur des données empiriques, recueillies au moyen d’entretiens.
Phase conceptuelle Extrait B
Les études sur la résilience cherchent surtout à déterminer comment et pourquoi, face à un même facteur de stress environnemental, certaines personnes restent en bonne santé, mais d’autres non. Présentement, il n’y a pas de consensus sur la conceptualisation de la résilience. En raison de cette difficulté, il n’y a pas de réponse précise pour expliquer comment améliorer la résilience d’un individu ou d’une collectivité. Bref, il importe de se questionner sur la validité de la résilience comme concept. Ayant privilégié la théorisation enracinée classique de Glaser et Strauss (1967) comme méthodologie, l’objectif de cette recherche était d’établir des pistes théoriques permettant une lecture cohérente des diverses recherches antérieures sur la résilience et de fournir un encadrement pour les recherches et les interventions à venir. La résilience se résume à un terme représentant les discours sur six construits qui sont interconnectés mais distincts : la vulnérabilité, les facteurs de protection, les stratégies de coping, l’adaptabilité, la sensibilité, et la récupération. Au sein de leurs contextes politiques et culturels, ces construits rendent plus claires les pistes d’actions pour intervenir sur la santé, la sécurité et le fonctionnement d’une population
Veuillez lire le résumé de l’extrait B et répondre aux questions suivantes. Cochez toutes les bonnes réponses + justification.
A. Cette publication est une source d’information primaire
B. Cette publication est une source d’information secondaire
C. Cette publication est une source d’information empirique
D. Cette publication est une source d’information théorique
Il s’agit d’une source d’information secondaire car l’article est considéré comme une recension des écrits. Autrement dit, l’auteur a fait une lecture cohérente des diverses recherche antérieures sur la résilience. En outre, c’est une source théorique car l’objectif de cet article est d’établir des pistes théoriques. Enfin, il se base sur les théories de Glaser et Strauss élaborer en 1967 (Sansoucy, 2022). l’approche de Glaser et Strauss est un cadre d’analyse.
Les types de données
1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs.
3. À partir des informations contenues dans l’extrait C, veuillez répondre aux questions suivantes :
Donnez deux exemples de données factuelles.
- « Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue. » (Zeghiche, 2022).
- «Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts, dont les plus récentes ont eu lieu au début des années 2010.» (Zeghiche, 2022).
Les types de données
1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs.
3. À partir des informations contenues dans l’extrait C, veuillez répondre aux questions suivantes :
Donnez deux exemples de données empiriques.
- « Certaines mères le comparent à un viol et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût.» (Zeghiche, 2022).
- «Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille.» (Zeghiche, 2022).
Les types de données
1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs.
3. À partir des informations contenues dans l’extrait C, veuillez répondre aux questions suivantes :
Donnez un exemple de donnée théorique.
« […] nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire.» (Zeghiche, 2022).
Le cadre de recherche:
1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs.
S’agit-il d’un cadre théorique ou d’un cadre conceptuel? Justifiez votre réponse
Cet article s’agit d’un cadre théorique. C’est un cadre théorique car, en premier lieu, la section du cadre de recherche s’appuie sur la théorie de la construction des problèmes sociaux. De plus, les objectifs de cet article permettent de mieux dresser un portrait de la problématique social ainsi que de complémenter la théorie utilisée. (Zeghiche, 2022).
Commentaire prof : les concepts de la maltraitance sont juste des exemples de phénomènes qui ont été étudiés en mobilisant la théorie des problèmes sociaux. Ils ne font pas partie du cadre théorique retenu.
La pertinence sociale
Le cadre de recherche: 1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs.
Dans vos propres mots, expliquez la pertinence sociale de la recherche
Sur le plan social, cette recherche a pour objectif de stimuler et enrichir des discussions. En effet, elle suggère des mesures concrètes, à travers un document d’orientation destiné aux responsables politiques (Zeghiche, 2022). + ça touche pas mal de personnes et que cela a des répercussions importantes sur les personnes concernées
La pertinence scientifique
Le cadre de recherche: 1. Contexte et objectifs de recherche
Développée depuis la fin du 19e siècle, l’insémination artificielle représente aujourd’hui la pratique de procréation médicalement assistée (PMA) la plus courante[1]. Au Canada, environ 8 000 personnes y recourent chaque année, toute configuration familiale confondue[2]. Or, bien que la plupart des pays aient mis en œuvre un certain nombre de mesures pour l’encadrer, l’insémination artificielle demeure la pratique de PMA la moins régulée[3, 4] et plusieurs déplorent que des enjeux importants (comme la tenue, la conservation et la mise à jour des dossiers des donneurs, la vérification de leurs antécédents médicaux, le dépistage génétique, etc.)[3, 5, 6] soient laissés à la discrétion des cliniques/banques de sperme ou fassent l’objet uniquement de recommandations professionnelles, sans que l’on ne puisse en vérifier ou en exiger la mise en pratique[3]. Une étude menée par l’organisme US Donor Conceived Council révèle pourtant que la plupart des banques de sperme américaines ne se plient pas aux recommandations de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM)[7]. Au Canada, en cas de manquements ou d’accidents dans les procédures de gestion de la qualité des dons de sperme, ce sont les établissements eux-mêmes qui sont responsables de mener des enquêtes et de rédiger des rapports[8, 9]. On voit bien là les limites de l’auto-régulation de l’insémination artificielle. Cette situation a donné lieu à un certain nombre de dérives[10-13], dont l’insémination frauduleuse. Celle-ci survient lorsque le médecin qui pratique l’insémination substitue sciemment l’échantillon de sperme choisi par les parents par un échantillon de sperme différent (celui d’un autre donneur, d’un autre patient de la clinique ou du médecin lui-même), et ce, à l’insu des parents et sans leur consentement[14]. Pendant plus de 40 ans, des médecins ont pratiqué des inséminations frauduleuses sans jamais être inquiétés, profitant d’un vide juridique en la matière[4, 8, 15]. Aujourd’hui, on recense environ une cinquantaine de médecins ayant commis de tels actes en Amérique du Nord[16-20], en Amérique du Sud[21], en Europe[22], et en Afrique[21]. Près de 500 cas d’insémination frauduleuse ont été découverts[21], dont les plus récents ont eu lieu au début des années 2010[15]. Avec la médiatisation de ces cas et le recours croissant aux tests ADN commerciaux et aux sites de généalogie, ces chiffres vont vraisemblablement augmenter.[23-25] Cela étant, la mise au jour de l’insémination frauduleuse ne conduit pas nécessairement à sa condamnation sociale et juridique[14, 15, 23, 26]. En réaction à ce manque de reconnaissance et dans le sillage des instances qui militent en faveur des droits des personnes conçues par don et de leurs familles, un certain nombre de revendications sociales commencent à se faire entendre pour faire reconnaître les répercussions psychologiques et sociales de l’insémination frauduleuse et prendre des mesures préventives[27] et punitives en la matière[4]. Avec les développements en matière biomédicale, les chercheurs observent en effet une remise en question de l’expertise scientifique et l’émergence de nouvelles formes d’agentivité, d’autonomisation, de résistance[28-31]. Si ces enjeux ont été largement documentés ces 20 dernières années dans d’autres contextes de santé[28, 29, 32-37], ils l’ont très peu été dans le champ de la procréation assistée[28]. Or, les transformations les plus significatives qu’a connues ce champ ont été impulsées par ces revendications sociales, comme la levée de l’anonymat des donneurs[38-40]. Aujourd’hui, un mouvement comparable s’observe en matière d’insémination frauduleuse[4]. Étant donné les liens qui unissent le bio-marché de l’insémination artificielle au Canada et aux États-Unis[3] et la prééminence des revendications contre l’insémination frauduleuse dans ces deux pays[14], nous nous proposons d’examiner le processus par lequel un certain nombre d’acteurs canadiens et américains œuvrent à définir l’insémination frauduleuse comme un problème social qui demande une réponse réglementaire. Plus précisément, il s’agira de poursuivre les objectifs suivants : 1) cerner l’émergence, la nature et l’évolution des revendications en matière d’insémination frauduleuse; 2) identifier les acteurs qui formulent ces revendications; les buts qu’ils poursuivent; les stratégies qu’ils mettent en œuvre; 3) analyser les enjeux structurels qui entravent ou favorisent la traduction de ces revendications en réponse réglementaire.
2. Recension des écrits
Très peu de recherches ont été menées sur l’insémination frauduleuse[8, 14, 15, 23-26, 41-44]. La plupart des écrits sur ce sujet sont des articles juridiques qui détaillent les cas des médecins dont les actes frauduleux ont été mis au jour, les principes éthiques qu’ils piétinent, la difficulté de les poursuivre en justice et la nécessité de changer la législation pour que l’insémination frauduleuse soit condamnée sur le plan civil et pénal [8, 14, 15, 23-26, 41, 42]. À notre connaissance, seuls trois articles contiennent des données empiriques sur les répercussions psychosociales de l’insémination frauduleuse [14, 43, 44]. Mais tous ont pour point commun de souligner le manque de reconnaissance sociale et juridique qui entoure ce phénomène. En effet, l’expérience des personnes concernées est invisibilisée et les répercussions sur elles minimisées[14, 44]. Certains écrits mettent d’ailleurs en lumière les représentations sociales qui entourent les personnes qui ont recours à la PMA pour fonder une famille[14, 23]. L’étiquette de « personnes désespérées » qui leur est accolée fait en sorte que la concrétisation de leur projet parental rend caduques les circonstances contestables entourant leur insémination[14, 44]. De plus, lorsque le médecin a utilisé son propre sperme lors de l’insémination, le prestige social associé à son statut fait écran à l’aspect préjudiciable de l’insémination frauduleuse[14]. Or, les recherches empiriques sur l’expérience des personnes concernées révèlent que cet acte n’a rien d’anodin[14, 43, 44]. Certaines mères le comparent à un viol[14] et tous décrivent la découverte de l’insémination frauduleuse comme un choc qui génère un sentiment de honte, de colère, de dégoût[14, 43, 44]. Pour certaines personnes issues de ce type de conception, cela remet en question leurs fondements identitaires[14]. Lorsque la découverte de l’insémination frauduleuse coïncide avec le dévoilement de la conception par dons de sperme, cela peut représenter un double traumatisme, dont les effets psychologiques et les répercussions sur les relations familiales perdurent dans le temps[14, 43, 44]. De plus, l’insémination frauduleuse entraîne un deuil du projet parental, des inquiétudes par rapport à l’identité ou aux antécédents médicaux du « donneur », une redéfinition des contours biologiques et un affaiblissement des liens de filiation[43, 44]. Ces travaux empiriques montrent ainsi que la souffrance et les ramifications profondes qui découlent de l’insémination frauduleuse se heurtent à un contexte social de rapports inégaux entre des médecins auréolés de prestige de par leur position socioéconomique et des « patient.e.s » aux prises avec des enjeux de fertilité. Par ailleurs, les parents victimes d’insémination frauduleuse hésitent à entamer des poursuites judiciaires contre le médecin de peur de l’impact que cela pourrait avoir sur eux et sur leur famille[23]. Ceux qui décident de saisir la justice sont souvent déçus par la réponse judiciaire[14, 15, 23-26, 42]. En effet, même si l’insémination frauduleuse devrait en théorie donner lieu à des actions civiles (pour faute professionnelle médicale, fraude, acte de violence) et pénales (pour agression sexuelle dans le cas où le médecin a utilisé son propre sperme)[8, 14, 23], les délais de prescription, la destruction de preuves (comme les registres médicaux) et le manque de concordance entre les actes du médecin et les dispositions du droit civil et pénal, rendent très difficile sa condamnation[8, 14, 41]. La non reconnaissance sociale se double par conséquent d’une non reconnaissance juridique. Si le droit, en l’état actuel des choses, ne permet pas de condamner l’insémination frauduleuse, les auteurs proposent la voie législative comme levier d’actions tout en précisant que ce le levier a été impulsé par les personnes directement concernées par l’insémination frauduleuse[14, 23, 25] [24]. Le processus et les dispositions des lois votées dans certains états américains sont décrites dans différents articles[8, 14] et la nécessité de les étendre à d’autres états est mise de l’avant[8, 25]. Si la littérature permet d’éclairer les répercussions de l’insémination frauduleuse et la nécessité de changer de telles pratiques, à notre connaissance, aucune étude n’examine sociologiquement le processus par lequel les revendications en matière d’insémination frauduleuse sont formulées et diffusées, d’une part, et reçues et traitées, de l’autre.
3. Cadre de recherche
Pour pallier cette lacune, nous nous appuyons sur la théorie de la construction des problèmes sociaux[45-51] afin d’examiner comment l’insémination frauduleuse a été définie comme un problème social qui requiert une réponse réglementaire. Selon ce cadre, les problèmes sociaux se construisent à partir d’activités entreprises par des individus ou des groupes consistant à formuler des griefs ou des revendications en lien avec une situation particulière, perçue comme indésirable, et ce, dans le but de la transformer[51]. Dans ce processus de construction d’un problème social, interviennent, d’un côté, les personnes à l’origine des revendications (claim-makers) qui mènent des activités de requête; de l’autre, les personnes qui qui mènent des activités de réponse en jugeant et en évaluant l’importance de ces revendications (audiences)[51]. Depuis son élaboration en 1977 par Spector et Kitsuse[52], ce cadre a connu un important retentissement en sciences sociales[38, 53-55] et a été mobilisé dans l’examen de plusieurs problèmes sociaux : la maltraitance envers les enfants[56]; la conduite en état d’ébriété[57]; la violence faite aux femmes[58]; la pédocriminalité[59]; l’intimidation[60], ou encore l’anonymat des donneurs de gamètes[38]. Le plus grand apport de ce cadre a été de compléter l’examen des problèmes sociaux en y incluant la part subjective qui les sous-tend[45, 47, 48, 53, 55]. Autrement dit, en plus des conditions objectives dans lesquels ils émergent, les problèmes sociaux se définissent en fonction des significations qu’en ont les acteurs et des activités sociales qui leur donnent forme[45, 47, 48, 53, 55]. Par ailleurs, ce cadre a permis de proposer une analyse historique de l’évolution définitionnelle des problèmes sociaux[38, 54]. Le modèle chronologique élaboré par Spector et Kitsuse[51] (natural history model) ne se limite pas pour autant à retracer chronologiquement les événements qui marquent la reconnaissance publique d’une condition en termes de « problème social », il consiste surtout à identifier les étapes communes par lesquelles une condition sociale est perçue comme un problème[54]. Aussi, ils cernent quatre étapes[51]. La 1re étape concerne les activités par lesquelles le groupe ou les individus tentent d’affirmer l’existence d’une situation, de la définir comme offensante, préjudiciable ou indésirable, de faire connaître publiquement leurs revendications et de la transformer en enjeu public ou politique. À cette étape, des stratégies sont mises en œuvre pour faire valoir ces affirmations et acquérir du soutien en construisant une controverse publique. À la 2e étape, la légitimité des revendications acquiert une reconnaissance officielle (des pouvoirs publics). Cela peut mener à des propositions de réformes, une enquête officielle ou la création d’une agence qui traite ces revendications. La 3e étape se définit par l’émergence de revendications et de requêtes supplémentaires, qui découlent d’un mécontentement par rapport aux mesures prises (à l’étape 2). Enfin, la 4e étape implique le rejet par le groupe à l’origine des revendications des mesures prises et l’exploration de voies alternatives. Bien sûr, la construction et la légitimation d’un problème social est trop complexe pour être expliquée selon un modèle linéaire[38, 51], mais ces étapes serviront de balises dans l’examen de la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse. En revanche, ce cadre a été critiqué pour l’attention insuffisante qu’il accorde au contexte social dans lequel s’inscrivent les revendications sociales[47-50, 53, 55, 61]. Or, la prise en compte du contexte est essentielle pour comprendre les activités de requête et de réponse : qui les mènent, sur quoi elles portent, le moment et le lieu où elles surviennent, comment et pourquoi elles se présentent? [47-49, 61] Dans le projet proposé, une attention particulière sera accordée au contexte des médias sociaux et des institutions politiques[48, 50, 61, 62] dans la construction du problème social qu’est l’insémination frauduleuse.
4. Importance, originalité et contribution du projet de recherche
Depuis plusieurs années, les préoccupations concernant la procréation médicalement assistée sont manifestes[72-74]. Cela est vrai au Québec, comme en témoignent des rapports publiés depuis 10 ans par différentes instances[72, 75, 76] réclamant un meilleur encadrement de ces pratiques. Il en va de même à l’échelle nationale où le gouvernement a tenu une consultation publique en 2017-2018 visant à renforcer la loi sur la procréation assistée.[77] L’insémination frauduleuse s’inscrit dans ces préoccupations puisqu’elle soulève des questions, entre autres, de consentement libre et éclairé, d’autonomie et de bien-être du patient, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance[26], et qu’elle entraîne des répercussions psychosociales considérables[26]. Or, si l’on veut saisir les transformations en matière de PMA, il est important d’examiner les forces à l’œuvre, y compris celles qui émanent de la société civile. En l’occurrence, les revendications sociales qui émergent en matière d’insémination frauduleuse bousculent le statu quo en matière de PMA. Il est donc important d’examiner le processus par lequel ces revendications se transforment (ou non) en réponse réglementaire. Par ailleurs, l’insémination frauduleuse demeure un phénomène très peu documenté, comme le démontrent la récence et la rareté des écrits scientifiques à ce sujet[44]. L’expérience subjective des personnes concernées est soit évacuée des débats bioéthiques, soit traitée de manière « sensationnaliste » dans certains médias. De plus, si les luttes sociales en contexte de santé ont retenu l’attention des chercheurs ces 20 dernières années, le contexte des technologies reproductives reste peu, voire sous-documenté. L’originalité de ce projet réside dans le fait de croiser deux champs de recherche qui se tournaient le dos jusqu’ici et de redonner ainsi aux personnes concernées par l’insémination frauduleuse toute leur agentivité en mettant en lumière les processus par lesquels elles deviennent des acteurs de changement social. Enfin, les données empiriques générées auront comme contributions de nourrir le débat social en proposant des pistes d’action grâce à la rédaction d’une note politique à l’intention des décideurs. -
Dans vos propres mots, expliquez la pertinence scientifique de cette recherch
en plus d’examiner un phénomène (l’insémination frauduleuse) qui a très peu retenu l’attention des chercheurs, cette recherche permet d’examiner les luttes sociales en contexte de PMA, ce qui reste peu, voire sous-documenté.
Quelle est la différence entre la réalité objective et la réalité subjective ? Exemple
Objectif : Un tableau dans une galerie est un exemple de réalité objective. Le tableau lui-même existe indépendamment de vos opinions ou de votre perception.
Subjectif: Votre expérience personnelle de ce tableau, y compris vos émotions et vos pensées à son sujet, constitue la réalité subjective, spécifique à vous.
La réalité objective est le tableau en lui-même, tandis que la réalité subjective est votre expérience personnelle du tableau.
Exemple 2: Illustrer la différence entre la réalité objective et la réalité subjective (exemple)
Considérons un coucher de soleil.
La réalité objective : est que le soleil se trouve sous l’horizon à un moment précis, créant des couleurs dans le ciel.
La réalité subjective : est votre propre expérience de ce coucher de soleil : les émotions qu’il suscite en vous, les nuances que vous percevez, et les souvenirs qui vous viennent à l’esprit en le regardant.
La réalité objective est le phénomène astronomique du soleil se couchant, tandis que la réalité subjective est votre expérience personnelle et émotionnelle de ce moment.
Quelles sont les deux grandes familles qui reposent sur ces paradigmes? En Fondements philosophiques de la recherche ?
(Post)positiviste: rech. quantitative : met l’accent sur la mesure des phénomènes et
l’analyse de données numériques
Interprétatif/constructiviste : rech. qualitative : met l’accent sur l’interprétation de phénomènes à partir des significations fournies par les participant.es.
Qu’est-ce qu’on entend par paradigme?
Ensemble cohérent de croyances qui façonnent notre perception du monde
La recherche quantitative nourrit quels paradigme(s)
Paradigmes: positiviste et/ou postpositiviste
La recherche qualitative nourrit quels paradigme(s)
Paradigmes : interprétatif/ constructiviste
Vrai ou faux : La recherche quantitative est linéaire et séquentielle ?
Vrai
Vrai ou faux : la recherche qualitative est itératif et est possible de revenir en arrière ?
Vrai
Vrai ou faux
Paradigme positiviste
La connaissance est :
Objective
➢ Imparfaite
o Probabilité
o Réfutabilité
Faux elle est :
objective et Absolue
Vrai ou faux
Paradigme post-positiviste
La connaissance est :
Objective
➢ Imparfaite
o Probabilité
o Réfutabilité
Vrai la connaissance est
Objective
➢ Imparfaite
o Probabilité
o Réfutabilité
Vrai ou faux
Paradigme Interprétatif/constructiviste
La connaissance est n’est ni
objective, ni absolue.
Elle est:
➢ Subjective
➢ Contextuelle
➢ Marquée par des rapports de pouvoir
Vrai
La connaissance est n’est ni
objective, ni absolue.
Elle est:
➢ Subjective
➢ Contextuelle
➢ Marquée par des rapports de pouvoir
Vrai ou faux : le cadre théorique contient des concepts
Vrai le cadre théorique contient des concepts et une théorie
Vrai ou faux : le cadre conceptuel contient des concepts et une théorie ?
Faux le cadre conceptuel contient seulement des concepts
Vrai ou faux : Dès qu’il y a une théorie dans un article ou recherche, c’est considéré automatiquement comme un cadre théorique ?
Vrai
Vrai ou faux : Une théorie s’élabore (induction) ou se vérifie (déduction)?
Vrai
Est-ce un postulat ?: Les enjeux économiques priment sur les autres facteurs dans l’organisation sociale
Oui
Est-ce un postulat :
La discrimination raciale est une réaction à un marché de l’emploi ethniquement segmenté
La discrimination n’est pas motivée par des différences ethniques mais cache des intérêts économiques
L’appartenance ethnique est assignée
pour légitimer le monopole des ressources
Non, c’est une théorie
Vrai ou faux : La faisabilité, Connaissances, Accessibilité du terrain, Contraintes financières et temporelles et la réflexivité sont des aspects à examiner dans le choix d’un sujet de recherche ?
Vrai
À quoi sert l’opinion reflexive ou la réflexivité dans le choix d’un sujet de recherche?
Si par exemple nous sommes trop impliqués dans le sujet de recherche
Si ça me touche, est-ce que ça me touche de trop près?
Est-ce que je vais pouvoir mettre à distance mes opinions personnelles?